Double atout : l’Afrique de l’Ouest a encore 35% de son coton et les prix sont au plus haut

 Double atout : l’Afrique de l’Ouest a encore 35% de son coton et les prix sont au plus haut
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L’Afrique du coton se frotte les mains… Hier, les cours mondiaux de la fibre sur le marché à terme de New York ont encore grimpé de 3%, au plus haut depuis deux ans : le contrat sur mars a terminé à 86,93 cents la livre (lb), niveau qu’il n’avait plus connu depuis août 2018 ! Or, l’Afrique a encore du coton à vendre.

« Il reste entre 30% et 35% de la récolte à vendre, soit 300 000 à 350 000 tonnes (t), soit 1,7 million de balles (Mb) », précise un négociant européen interrogé par CommodAfrica. « C’est merveilleux qu’à ce stade de la campagne, il reste ces volumes puisque le prix monte. Si l’Afrique de l’Ouest avait tout vendu il y a trois mois, leur revenu aurait été amputé de 10 à 25%. C’était une bonne logique que d’attendre : chaque fois qu’ils allaient sur le marché, les prix étaient trop bas et ils ont souvent refusé de vendre à de tels niveaux car ils ne s’y retrouvaient pas. »

Pourquoi une telle hausse des cours ? Selon certains, ce serait la révision à la baisse des estimations de stocks de fin de campagne aux Etats-Unis dans le rapport mensuel coton du Département américain de l’Agriculture (USDA) publié hier qui aurait fait grimper encore un peu le marché. Les stocks américains de fin de campagne 2020/21 sont maintenus prévus à 4,3 Mb contre les 4,6 millions mentionnés dans son rapport en janvier. Ceci ramène donc les stocks mondiaux à 95,7 millions contre 96,3 millions. A noter que l’USDA maintient ses prévisions antérieures de production nord-américaine à 14,95 millions mais projette une hausse de ses exportations. Selon Keith Brown de la maison de courtage Keith Brown en Géorgie, l’USDA pourrait en mars réviser à la baisse ses estimations de production.

A noter que l’USDA a révisé à la hausse les exportations de la côte d’Ivoire.

L’Inde tient le marché

Pour d’autres, ce rapport de l’USDA hier est plutôt neutre quant à son impact sur le marché. « Il y a actuellement une volonté de faire monter le marché de la part de beaucoup de fonds spéculatifs car, selon eux, tous les éléments seraient réunis », estime, pour sa part, le négociant européen. « Mais je suis plus circonspect notamment sur la consommation que l’USDA maintient à un niveau assez important. Est-ce justifié ? Ce n’est pas certain… »

Le jeu des fonds spéculatifs est d’autant plus clair qu’actuellement, avec le Nouvel an chinois dans deux jours, les transactions ont beaucoup diminué. Au-delà de ce facteur conjoncturel, on peut s’interroger sur une reprise de la consommation alors que les cotons indiens, pourtant les moins chers du monde, ont du mal à trouver preneurs.

« C’est l’Inde qui est la véritable interrogation aujourd’hui », rappelle notre interlocuteur. « Le gouvernement indien est pris en tenaille car il n’arrive pas à faire rentrer chez eux les paysans ; il ne peut plus rien leur donner. Or, les paysans indiens sont sans doute parmi les mieux lotis au niveau de la protection de leurs revenus en coton et en d’autre produits et pourtant cela ne parait pas suffisant. » Dans le cadre de son programme de soutien du prix minimum (MSP), le gouvernement indien continue à acheter des volumes significatifs de coton et on s’attend à des ventes record en 2020/21, souligne l’USDA. Au 1er février, la Cotton Corporation of India (CCI) aurait acheté l’équivalent de 6,9 Mb de la récolte 2020/21, ce qui représente environ 40% du coton vendu à ce jour par les cotonculteurs. Ce dernier rappelle qu’en 2019/20, les achats de MSP avaient démarré en novembre et s’étaient poursuivis jusqu’en juillet, totalisant 9,8 Mb ou encore un tiers de la récolte totale de l’Inde.

Le coton africain face au brésilien

En Afrique de l’Ouest, on serait à environ FCFA 1065 le kilo FOB port ouest-africain de coton égrené. « Le vrai challenge est la compétitivité face à l’Inde », rappelle le négociant. « Mais ce n’est pas propre au coton africain -dont le prix est, en gros, supérieur de 7% à l’Inde- mais à tous les acteurs de marché. A noter que l’Inde ne traite pas avec son voisin le Pakistan mais avec son autre voisin le Bangladesh avec qui ils passent des accords notamment pour les vaccins. Or, les Bangladeshis ont été extrêmement meurtris par ce qui s’est passé l’année dernière et peinent à se relever : ils réduisent donc leur consommation et ont les Indiens qui viennent frapper à leur porte avec un coton beaucoup moins cher. »

Afrique : exportations de coton

  2016/17 2017/18 2018/19 2019/20 2020/21 janvier 2021 février
Etats-Unis 14 917 16 281 14 837 15 527 15 250 15 500
Brésil 2 789 4 174 6 018 8 937 10 000 10 000
Inde 4 550 5 182 3 521 3 200 5 000 5 000
Australie 3 731 3 915 3 632 1 360 1 500 1 500
Bénin 825 1 070 1 390 1 200 1 350 1 350
Grèce 1 017 1 076 1 355 1 467 1 350 1 350
Côte d’Ivoire 625 620 895 643 950 1 050
Burkina faso 1 155 1 225 800 930 800 800
Mali 1 100 1 300 1 350 1 175 600 600
Cameroun 500 400 575 500 575 575
Autres 6 850 6 468 7 269 6 317 6 182 6 177
Total Monde 38 059 41 711 41 642 41 256 43 557 43 902
Source : USDA

 

D’où la question : l’Afrique a encore du coton et tant mieux car les prix ont bien grimpé, mais trouvera-t-elle preneur ? « Sans doute mais il ne faut pas être trop gourmand. Car les prix sont bons mais la filature ne suit plus et la demande, cette année, peine à repartir », poursuit-il.

En réalité, le gagnant de tout cela est le Brésil qui engrange une énorme récolte, de l’ordre de 2,6 Mt selon l’USDA, et vend à tour de bras. « Le coton est plus cher que l’indien mais il a une standardisation en termes de qualité, il y a un suivi, une régularité ; c’est un coton qui est recherché aujourd’hui, notamment par les Chinois », précise notre interlocuteur. « Face aux cotons ouest-africains, les cotons brésiliens sont un peu moins bons en qualité mais beaucoup plus blancs, sans contamination, très standardisés avec une grande régularité dans l’approvisionnement et à peu près au même prix que les ouest-africains. »

Rappelons que les cotons ouest-africains sont, dans la grande majorité des cas, des cotons de tête, très valorisés. Une main cotonnière pleine d’atouts. A bien placer.

Afrique : production de coton

  2018/19 2019/20 2020/2021 est
Burkina faso 0,85 0,88 0,90
Mali 1,27 1,35 0,29
Côte d’Ivoire 0,94 0,99 1,03
Cameroun 0,60 0,65 0,64
Bénin 1,40 1,43 1,35
Tchad 0,04 0,33 0,33
Togo 0,26 0,22 0,15
Sénégal 0,03 0,03 0,04
Egypte 0,49 0,31 0,22
Zimbabwe 0,20 0,19 0,20
Nigeria 0,24 0,20 0,35
Source : USDA

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