A Divo, la recherche mondiale sur le café Robusta se prépare aux changements climatiques

 A Divo, la recherche mondiale sur le café Robusta se prépare aux changements climatiques
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En 2050, face aux changements climatiques, la superficie caféière mondiale pourrait être réduite de moitié. La filière est donc à un tournant historique : il faut  agir maintenant et il y a urgence, souligne Christophe Montagnon, directeur scientifique du World Coffee Research (WCR), présent à Divo, en Côte d’Ivoire, avec une trentaine de chercheurs internationaux, pour une réunion organisée avec le Centre national de recherche agronomique (CNRA) de Côte d’Ivoire. Travaillant dans des organismes de recherche étatique ou dans des entreprises privées, l’heure est à la collaboration internationale  afin de préserver et d’optimiser l’utilisation du matériel génétique mondial en matière de café Robusta.

 

Pourquoi cette réunion, maintenant, en Côte d’Ivoire, sur la recherche en matière de Robusta ? Quels sont les enjeux, les défis ?

Je tiens d’abord à remercier les autorités de Côte d’Ivoire et tout particulièrement le CNRA pour accueillir le Comité international de recherche sur le Robusta. Au niveau mondial du café, il y a une importance grandissante du Robusta car il est plus résistant aux changements climatiques que l’Arabica ; même les producteurs d’Arabica s’intéressent au Robusta. D’autre part, la demande pour le Robusta de plus en plus importante. Or, malheureusement, sa culture n’est actuellement pas optimale économiquement. Donc il faut trouver des solutions et elles passent par la recherche, l’innovation. Jusqu’à présent, relativement peu de moyens ont été mis sur la recherche Robusta. Donc le World Coffee Research (WCR), en tant que facilitateur et catalyseur au niveau international, est ravi que les principaux acteurs de la recherche se réunissent pour dégager une vision commune et trouver les meilleures façons d’améliorer la profitabilité de la culture du Robusta.

Le World Coffee Research est une organisation récente, qui a cinq ans. De quoi est-elle née et pourquoi ?

Le WCR est né après la crise économique d’Amérique centrale liée à la maladie de la rouille orangée sur l’Arabica. C’est alors que l’industrie du café, le secteur privé, a réalisé qu’ils étaient vraiment en danger. L’industrie du café est florissante et on ne s’est jamais vraiment posé la question de savoir si on allait manquer de café ou non. Cette crise a, donc, été un vrai “wake-up call” : une maladie pouvait mettre en danger toute une industrie. On s’est, alors, rendu compte qu’il y a très peu de recherche-développement pour faire émerger des innovations afin de permettre de résister à des maladies comme  la rouille orangée.

Pourtant, une des missions de l’Organisation internationale du café est de soutenir la recherche …

Plutôt se faire l’avocat pour la recherche, pas forcément trouver ou avoir les fonds pour la recherche. Car la recherche implique de l’investissement, de l’argent. La grande nouveauté avec le World Coffee Research est que l’industrie a décidé d’investir dans la R&D sur le terrain avec pour mandat de contribuer à la recherche globale, très compétitive, avec tous les pays du monde.

Face aux défis actuels,  quelles sont vos priorités ?

La priorité des priorités est de se préparer au changement climatique. Car il a des effets directs -les températures élevées, les sécheresses- et indirects -la résurgence d’un certain nombre de maladies et d’insectes qui attaquent les caféiers.

La deuxième priorité est la qualité du café. Car le café n’est pas indispensable à la survie d’un être humain;  on va, donc, boire du café pour le plaisir. Aussi la qualité  est-elle extrêmement importante.

Donc, tout ce que nous faisons a en commun de se préparer aux changements climatiques, d’améliorer la qualité du café et, de façon ultime, d’améliorer les revenus des gens qui produisent le café. L’industrie, aujourd’hui, l’a bien compris : pour que les gens produisent du café, il faut qu’ils aient intérêt à le faire et pour qu’ils aient cet intérêt, il faut que la culture du café soit rentable.

Nous sommes à Divo, en Côte d’Ivoire. Pourquoi avoir choisi ce lieu pour tenir cette conférence ?

Tout simplement parce que Divo est “La Mecque” des ressources génériques du Robusta dans le monde. C’est là que se trouve la collection, le “musée de Robusta”, la plus importante au monde, qui a été maintenue à bout de bras par le Centre national de la recherche agronomique (CNRA) de Côte d’Ivoire. On peut d’ailleurs être reconnaissant au CNRA d’avoir maintenu cette collection.

Mais, maintenant, il faut les aider. Il est donc naturel qu’un groupe international qui s’intéresse à la recherche sur le café Robusta, avec le WCR,  s’intéresse également la station de recherche de Divo, du CNRA. Il s’y trouve tout le potentiel  génétique nécessaire pour les nouvelles générations de Robusta.

Les pays producteurs de café sont nombreux à travers le monde et donc, nécessairement, concurrents entre eux. Cette richesse génétique a une valeur commerciale. Donc comment un pays peut-il se préserver tout en aidant la recherche ?

Il y a deux choses. La première notion, très simple, est le respect : il faut respecter le fait que la Côte d’Ivoire ait fait énormément d’efforts pour préserver ces ressources génétiques. Et respecter, dans le monde d’aujourd’hui, signifie aussi contribuer, connaitre. Cet atelier à Divo a entre autres objectifs de trouver ensemble des moyens pour que la Côte d’Ivoire puisse partager ses ressources génétiques mais aussi y trouver son intérêt qu’il mérite et, en tout premier lieu, lui permettre de maintenir ses collections.

La deuxième grande collection de café au monde est détenue par Nestlé. C’est intéressant que, d’un côté ce soit un pays, de l’autre un groupe privé, qui détiennent les plus grandes collections …

Je ne peux pas trop parler pour Nestlé. Ce que je remarque, pour ma part, est que Nestlé participe à cet atelier et qu’il a une position très ouverte. Le groupe est prêt à participer à tous les efforts pré- compétitifs. Car, là, on est dans le pré-compétitif. C’est-à-dire qu’après, chaque acteur peut aller dans le compétitif et c’est normal. Mais, nous, nous sommes dans le pré-compétitif. Et de ce que j’entends, Nestlé est prêt à partager des ressources  pré- compétitives pour faire avancer le secteur dans son ensemble.

Quel est votre objectif par rapport à cette question  de sélection des variétés de café Robusta ?

Mon but ultime, en tant que directeur scientifique de WCR, est que, grâce à notre travail, les planteurs de café aient accès au progrès génétique à travers des variétés améliorées dans les années qui viennent. Pour ce faire, on essaie de canaliser les fonds -qui ne sont pas énormes mais qui sont déjà suffisants pour commencer quelque chose. Nous, nous sommes là pour catalyser des initiatives et participer, avec nos partenaires de recherche dans les pays, à bien identifier les priorités pour que chaque euro qu’on met dans la recherche, ce soit un euro pertinent qui va donner un bon retour sur investissement. Et le retour sur investissement c’est voir des planteurs qui ont accès à des variétés améliorées pour améliorer leur profitabilité, pour qu’ils produisent plus de café et que cela leur serve pour améliorer leurs conditions de vie.

Concrètement, comment ?

Par exemple, notre programme principal, dont nous avons discuté hier en réunion, est de faire l’inventaire des meilleures variétés au monde qui se trouvent dans différents pays et de voir si on peut tester ces variétés dans différents autres pays, tout en respectant les droits des obtenteurs de ces variétés. Si ces variétés sont meilleures pour les planteurs, ces derniers vont bénéficier de ces variétés  dans les quelques années qui viennent.

 

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