La Chronique matières premières agricoles au 9 avril 2020

 La Chronique matières premières agricoles au 9 avril 2020
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Hier soir, avant de fermer pour le long week-end de Pâques, les Bourses européennes ont fini en nette hausse, enregistrant leur meilleure performance hebdomadaire depuis plus de huit ans. Trois nouvelles expliquent ce rebond :  la Réserve fédérale américaine a présenté un nouveau plan de soutien, notamment en achetant  de la dette plus risquée pour prolonger le rebond actuel ; en Europe, les discussions entre ministres des Finances de la zone euro sur un nouveau mécanisme de solidarité semblaient mercredi sortir de l’impasse après deux jours de blocage ; enfin, les pourparlers entre les pays de l’Opep et leurs alliés en vue d’une réduction massive de leurs pompages semblaient se diriger vers une issue favorable à une remontée des cours.

Le nouveau plan de la Federal Reserve a fait baisser le dollar face à un panier de monnaie. En revanche, l’euro a profité des signes de progrès dans les discussions de l’Eurogroupe, gagnant hier soir 0,75% face au billet vert à 1,0937.

Côté pétrole, le marché a tout d’abord gagné plus de 10% en profitant des espoirs d’accord entre pays de l'”Opep+” pour réduire leur production et réduire ainsi le déséquilibre entre l’offre et la demande, mais il a ensuite reperdu un peu. En définitive, hier soir le Brent a terminé à $ 33,28 le baril après avoir touché $ 36,40 et le brut léger américain (WTI) a clôturé à $ 25,56 dollars après un pic à $ 28,36.

Les marchés européens et américains sont fermés aujourd’hui, Vendredi saint ; Wall Street rouvrira lundi et les places européennes mardi seulement, lundi de Pâques étant férié.

CACAO

Le cacao a franchi la barre des £ 1 800 à Londres, clôturant hier soir à £ 1 803 et gagnant £ 32 par rapport à vendredi dernier.  New York a été en harmonie, grimpant de $ 51 pour terminer à $ 2 311.

Une belle dynamique alors que plusieurs facteurs apparaissent, a priori, comme pesants. Tout d’abord, des pluies plus abondantes que la moyenne sont tombées en Côte d’Ivoire ces derniers jours ce qui est bon pour le développement des fèves à récolter plutôt en fin de campagne intermédiaire, c’est-à-dire à partir du mois de juin. Pour la production d’avril et mai, visiblement, il n’y a pas de problème. Certes, il faudrait un peu plus d’eau, soulignent les producteurs interrogés par Reuters, mais ils se déclarent satisfaits car en ce début de campagne intermédiaire, les choses se passent bien et le prix garanti de FCFA 825 le kilo est respecté.  Les volumes seront, sans doute, au rendez-vous, ce qui n’est pas un facteur haussier pour les cours mondiaux… Deuxième facteur, le négoce du cacao s’inquiète de  la récession mondiale qui s’annonce.

Dans l’actualité, on note la remise d’un rapport de chercheurs de l’Université de Chicago travaillant pour le compte du gouvernement américain et qui signale que le recours au travail des enfants en Côte d’Ivoire et au Ghana n’a pas diminué cette dernière décennie malgré les promesses de l’industrie ; celle-ci  ne parviendra pas à tenir ses engagements. Le rapport souligne que le travail des enfants est aujourd’hui plus élevé, de plus de 10%, qu’en 2010 lorsque les multinationales comme Mars, Hershey, Nestlé, Cargill, Barry Callebaut se sont engagés à réduire de 70% les pires formes du travail des enfants des plantations de cacao en Afrique de l’Ouest. Un rapport qui fait surface -le 3ème du genre- alors que les gouvernements ouest-africains tentent de faire face au coronavirus et à ses  conséquences sociales et économiques…

La Côte d’Ivoire où les arrivages aux ports d’Abidjan et de San Pedro ont totalisé 1,617 Mt  entre le 1er octobre, démarrage de la campagne 2019/20, et le 29 février, en baisse de 2,1% par rapport à la même période en 2018/19, a annoncé mercredi le Conseil du café-cacao. Rappelons que les exportateurs estiment, quant à eux, les arrivages entre le 1er octobre et le 29 mars à 1,645 Mt contre 1,674 Mt sur la même période la campagne précédente.

CAFÉ

Belle performance aussi du café durant la période sous revue. Parti de $ 1 191 la tonne vendredi dernier, le Robusta a terminé hier à Londres à $ 1 219, tandis que la livre (lb) d’Arabica à Londres passait de $ 1,1490 en fin de semaine dernière à $ 1,186.

Pourtant, si les achats de café ont enregistré une envolée ces dernières semaines au fur et à mesure que chaque pays, quasiment, entrait en confinement, l’Organisation internationale du café (OIC) estime que la demande devrait se ralentir ces prochaines semaines et prochains mois. D’ailleurs, la semaine dernière, certains acteurs du marché -notamment des torréfacteurs approvisionnant les coffee shops – qui avaient acheté des contrats de café sur des positions rapprochées pour se protéger contre des éventuelles ruptures d’approvisionnement du marché, ont liquidé ces positions.

Le Brésil a, quant à lui, apparemment bénéficié de cette bonne demande en café ces dernières semaines. Selon l’association d’exportateurs Cecafé, les ventes à l’international du n°1 mondial  ont augmenté de 2,4% en mars par rapport à mars 2019, à 2,81 millions de sacs de 60 kg (Ms). Signe aussi que l’activité portuaire se déroule bien, a tenu à préciser Cecafé.

Au Vietnam, il n’y a pas eu de transactions de café cette semaine, la filière respectant les 15 jours de “distanciation sociale” décrétés pour lutter contre le coronavirus. Des contrats n’ont pas pu être honorés, précisent à Reuters certains traders. Quant à l’Indonésie, il a  été offert des primes de $ 250 au dessus du contrat juillet à Londres, soit dans la partie haute de la fourchette qui était proposée la semaine dernière et qui était de l’ordre de $ 200 à $ 250. Selon d’autres, la prime cette semaine aurait plutôt été de l’ordre de $ 300 à $ 350.

Au Kenya, comme dans tous les autres pays producteurs, la filière de café de spécialité est lourdement impactée par la fermeture des cafés, là où on boit le plus de ces cafés spéciaux et fins.  Selon un trader spécialisé, la demande pour ces cafés a fondu de 40% sur les marchés européen et américain. Les importateurs, en Asie également, ont stocké d’important volumes de cafés “type supermarché” mais pas de café de spécialité. Ce qui impacte lourdement le Kenya dont la moitié de ses ventes est du café de spécialité, selon l’Association du café de spécialité.

Côté entreprises, la chaîne chinoise Luckin Coffee, grand concurrent asiatique de l’américain Starbucks, a annoncé mercredi  avoir fait défaut sur le remboursement de son prêt bancaire de $ 518 millions. Pour Starbucks, l’impact financier du coronavirus se ressentira jusqu’au dernier trimestre de cette année.

CAOUTCHOUC

Rebond sur le marché du caoutchouc dont les cours ont enchaîné cinq séances consécutives de hausse, après avoir atteint un plus bas de 11 années,  pour clôturer jeudi à Tokyo à 154,5 yens ($1,42) le kilo contre 144,3 yens vendredi dernier. Sur le marché de Shanghai, partis de 9 670 yuans la tonne ils ont atteint  hier 10 100 yuans ($1 430). Une reprise impulsée par les premiers signes dans certains pays d’un ralentissement de Covid-19,  la hausse des prix du pétrole avec l’espoir d’un accord entre les grands pays producteurs pour réduire leur production  et un soutien du marché de Shanghai avec la fin du confinement de la ville de Wuhan, premier foyer de la pandémie du coronavirus.

En Chine, les ventes de voitures particulières en mars ont chuté de 40,8% par rapport à l’année précédente pour atteindre 1,08 million d’unités, a annoncé jeudi la China Passenger Car Association.  General Motors a annoncé que les ventes de ses véhicules en Chine avaient chuté de 43,3% sur le 1er trimestre 2020.

En Malaisie, les autorités ont ordonné la réouverture du point de contrôle de Padang Besar à Songkhla à compter du 6 avril pour permettre l’importation de latex concentré destiné à la production de gants en caoutchouc dans le pays. L’un principaux producteurs mondiaux de gants dépend, en effet,  des approvisionnements en latex de Thaïlande. Cependant, les importations ont été suspendues suite  aux mesures prises   jusqu’au 14 avril pour lutter contre Covid-19.

COTON

Reprise aussi sur le marché du coton qui a gagné 6,7% cette semaine avec une clôture jeudi à 54,37 cents la livre contre 50 ,98 cents vendredi dernier. Une hausse surtout induite par le ralentissement du coronavirus dans certains pays les plus touchés, la reprise des marchés boursiers, les mesures de relance budgétaire et monétaire sans précédent  prises par les gouvernements et les banques centrales du monde entier.

Mais la destruction de la demande, estimée à 25% par le négociant Mambo, dans le contexte d’une offre abondante, entraîne une accumulation des stocks (Lire notre parole d’expert).

Le rapport de l’offre et de la demande mondiale en produits agricoles (WASDE) du département américain de l’Agriculture (USDA) publié hier était résolument baissier montrant une réduction sans précédent de la consommation mondiale de coton   (-7,6 millions de balles)  et un gonflement des stocks de (+ 7,9 millions de balles). Le ralentissement économique mondial diminuera significativement la demande et le commerce du coton.

En Inde, l’USDA estime que la production de coton devrait diminuer près de 2% pour atteindre 28,78 millions de balles (480 livres) en 2020/21. L’incertitude quant à l’étendue et à l’ampleur de la situation Covid-19 aura probablement un impact sur la consommation et le commerce du coton à long terme. D’ores et déjà, la demande des principaux marchés, en Europe et aux Etats-Unis,  a été affectée de manière significative entraînant l’annulation et/ou le report de nombreuses commandes.  L’USDA estime que la consommation d’usine devrait diminuer de 6% tandis que les importations devraient décliner d’un million de balles.

Au Vietnam, la pandémie du Covid-19 devrait réduire les importations de coton à 1,283 million de tonnes (Mt) en 2019/20, en recul de 15% par rapport à 2018/19. Elles devraient toutefois rebondir en 2020/21 avec une croissance de 10% à environ 1,42 Mt, selon l’USDA.

HUILE DE PALME

Si les cours ont chuté hier de2% avec des craintes sur une baisse prolongée de la demande due à la pandémie du coronavirus, les cours étaient sur une tendance haussière cette semaine avec une clôture hier à 2 303 ringgits ($530,03) la tonne contre 2 245 ringgits vendredi dernier. La semaine a été dominée par d’éventuels  problèmes de rupture d’approvisionnement. Si en Indonésie des protocoles de sécurité dans les plantations ont été adoptés mais sans arrêt de la production, ce n’est pas le cas en Malaisie où le principal Etat producteur, le Sabah, est à  l’arrêt jusqu’au 14 avril. Date qui pourrait être prolongée. La fermeture pourrait faire perdre 500 000 tonnes de récoltes estime la Malaysian Palm Oil Association. En outre, une pénurie de main-d’œuvre de longue durée dans les plantations pourrait s’aggraver car de nombreux travailleurs migrants indonésiens sont rentrés chez eux.

Toutefois, James Fry, président du cabinet de conseil LMC International, estime que les perturbations de l’offre dues au coronavirus seraient mineures. Néanmoins, la production d’huile de palme pour 2020 devrait être faible en raison des sécheresses et une insuffisance d’engrais l’année dernière. Le spécialiste affirme que les producteurs doivent se préparer à une chute brutale des prix de l’huile de palme, les fermetures induites par le Covid-19 dans le monde limitant la consommation et augmentant les stocks. Alors que les restaurants ont fermé, de nombreux acteurs de l’industrie s’attendaient à ce que la demande d’huile de palme – aux nombreux usages, des nouilles instantanées au shampooing- reste relativement soutenue. Mais l’abandon de la restauration a en soi réduit la demande globale d’huile végétale, estime James Fry, ajoutant que les cuisiniers à domicile utilisent moins d’huile de cuisson que les restaurants et les traiteurs. Et puis, à plus long terme, la faiblesse de l’économie mondiale limitera également la demande.

Si l’on regarde la Chine, la destruction de la demande a été bien réelle et suggère donc que le coronavirus aura un impact important sur la consommation d’huile de palme. “Notre estimation actuelle est que la Chine, pendant son confinement, a perdu près d’un mois de demande par rapport à ce à quoi on aurait pu s’attendre avant Covid-19“, a déclaré James Fry à Reuters. Précisant qu’’“une grande partie de la consommation perdue ne sera jamais récupérée.”

Alors que les exportations ralentissent lentement, James Fry s’attend à ce que les stocks d’huile de palme augmentent en Indonésie et en Malaisie, ce qui exercera une pression supplémentaire sur les prix de l’huile de palme brute, qui ont déjà chuté de 25% cette année. Seul point positif, potentiellement,  pour le marché :  la demande d’huile de palme comme carburant mais seulement après que “les stocks élevés forceront les prix de l’huile de palme brut à baisser en s’approchant  du prix du pétrole brut“.

En Inde, les importations d’huile végétales ont chuté de 32% en mars par rapport à la même période en 2019 à 941 219 tonnes, selon la Solvent Extractors’Association of India. Sur la période de novembre à mars, la baisse est ramenée à 10%. L’huile de palme a chuté de 38% en mars à 304 458 tonnes et l’huile de palmiste de 90% à 30 850 tonnes. Les importations de d’huile de soja et de tournesol sont stables par rapport à mars 2018.

RIZ

Très peu d’activité cette semaine dans les principaux pays d’Asie, les exportations en Inde étant entravées par la mise en confinement du pays tandis qu’au Vietnam les exportateurs sont toujours dans l’attente de la décision du 1er ministre pour la reprise des exportations. Quant à la Thaïlande, les prix demeurent à des sommets de sept ans. 

En Inde, premier exportateur mondial de riz, les commerçants ont cessé de signer de nouveaux contrats d’exportation, la pénuries de main-d’œuvre et les perturbations logistiques causées par le blocage de 21 jours entravant déjà la livraison des contrats existants. Aucun prix à l’exportation  n’est donc disponible pour la deuxième semaine consécutive.

Au Vietnam, les prix du Viet 5% ne sont pas aussi disponibles et ce depuis trois semaines avec la décision du Vietnam de suspendre la signature de nouveaux contrats d’exportation afin de garantir que les approvisionnements nationaux sont suffisants pendant la pandémie. Le ministère vietnamien de l’Industrie et du commerce a proposé  de reprendre les exportations de riz mais de limiter le volume à 800 000 tonnes pour avril et mai. Toutefois, les exportateurs sont toujours dans l’attente de la décision  finale du 1er ministre. Les négociants ont aussi indiqué que le ministère des Finances souhaitait maintenir l’interdiction des exportations de riz blanc jusqu’en juin tout en permettant  une reprise immédiate des exportations de riz parfumé et gluant.

En Thaïlande, les prix du Thaï 5% sont passés du plus haut atteint depuis avril 2013 – $560-$570 la tonne la semaine dernière-  à $555-$580 la tonne portés par les craintes de pénuries dans l’approvisionnement suite à la sécheresse persistante.

Les exportateurs de riz en Thaïlande surveille la situation dans les pays exportateurs concurrents. “Nous cherchons toujours à savoir comment Covid-19 influe sur les exportations des principaux concurrents comme le Vietnam et l’Inde pour voir si un manque d’exportations là-bas augmentera la demande de riz thaïlandais. Jusqu’à présent, il n’y a eu aucune commande majeure sur les marchés étrangers” a déclaré un  négociant en riz à Bangkok. Ajoutant, “Mais même si la demande augmente parce que d’autres ne peuvent pas vendre, la situation de l’offre ici pourrait encore faire grimper les prix.”

Au Bangladesh, le gouvernement a interrompu l’exportation de sa variété de riz commune, les prix intérieurs des céréales de base ayant été poussés à des plus hauts de  deux ans en raison des achats de panique.

En Egypte, le cabinet a déclaré lundi que le pays avait suffisamment de réserves de sucre pour 8,6 mois, de riz pour 4,2 mois et d’huiles végétales pour 5,8 mois.

SUCRE

A l’instar de nombreuses autres matières premières cette semaine, le sucre a également gagné quelques points tout en demeurant à des niveaux historiquement bas. Le roux est passé de 10,31 cents la livre (lb) vendredi dernier à 10,43 cents hier soir, tandis que la tonne de blanc passait de $ 336,50 à $ 348,50.

Pourtant, les perspectives de hausse de production au Brésil sont bien là étant donné la faiblesse des cours du pétrole, ce qui n’incite guère les raffineries à gonfler les volumes de canne dédiés à la production d’éthanol.

En outre, hier, le Département américain de l’Agriculture (USDA) a relevé de 546 884 t ses estimations de stocks de fin de campagne 2019/20, ce qui porterait ces derniers à totaliser 1,4 Mt alors que début mars, l’USDA les estimait encore à seulement 888 000 t. Ainsi, le ratio stock/utilisation passerait à 11,7% contre 7,2% estimé en mars mais inférieur aux 14,5% en 2018/19 et, en tout les cas, en dessous de l’objectif minimum des 13,5% comme défini dans l’accord USA-Mexique. Il faudrait encore une hausse de 222 000 t des stocks pour atteindre ce seuil de 13,5%.

Ce gonflement des stocks nord-américains serait lié à la hausse de 16% ou encore de 540 000 t des importations nord-américaines sur cette campagne 2019/20, totalisant  3,88 Mt, en très forte progression par rapport à la campagne précédente. En outre, l’USDA révise aussi à la hausse de 7 000 t la production nationale qui atteindrait 8 Mt, avec une belle poussée de la production de canne qui compenserait la baisse de betterave.

Ceci dit -et c’est là que se trouvent les facteurs haussiers-, les expéditions de sucre blanc d‘Inde sont au point mort du fait du confinement et la récolte en Thaïlande est estimée par Czarnikow en baisse de 49% cette campagne. L’offre risque d’être étroite prochainement ce qui explique que les positions rapprochées sur le marché à terme soient plus chères que l’éloigné : les contrats sur mai sont à prime sur août qui est à prime sur octobre. Ce qui devrait encourager tous ceux qui ont des stocks à exporter maintenant, sans attendre, soulignent les observateurs. Mais, évidement, en toile de fond, on retrouve le Brésil avec sa récolte qui va bientôt démarrer.

 

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