La macroƩconomie tient en joue le coton
En ce 7 octobre, le World Cotton Day Ć©tait cĆ©lĆ©brĆ© dans le monde et Ć Deauville oĆ¹ se tenait le diner de lāAssociation franƧaise cotonniĆØre (Afcot) rĆ©unissant plus de 300 personnes en provenance dāune quarantaine de pays et avant tout dāAfrique francophone du cotĆ© des pays producteurs de coton. Si les prix du coton ont chutĆ© de 25% au mois de septembre pour clĆ“turer le 30 septembre Ć 85,34 cents la livre, le moral des participants nāĆ©tait pas en berne. Il faut dire que jusquāĆ prĆ©sent lāannĆ©e 2022 a Ć©tĆ© trĆØs rĆ©munĆ©ratrice, que cela soit pour les pays producteurs, que les nĆ©gociants et mĆŖme les industriels. Depuis janvier 2022, les prix du coton se sont continuellement apprĆ©ciĆ©s au fil des mois jusquāĆ un plus haut de onze ans en mai 2022 Ć 132,36 cents la livre.
Des cours Ć©levĆ©s mais lāannĆ©e nāa pas Ć©tĆ© un long fleuve tranquille. En particulier, pour les nĆ©gociants qui ont du faire face Ć un vĆ©ritable casse-tĆŖte pour embarquer le coton avec, par exemple, pour la rĆ©colte ouest-africaine plusieurs mois de dĆ©calage faute de conteneurs disponibles et Ć un coĆ»t trĆØs Ć©levĆ©. Des contraintes qui ont poussĆ© lāAustralie Ć retourner au vrac, plus de 100 ans aprĆØs, pour expĆ©dier son coton tandis que BollorĆ© Ć expĆ©dier pour Olam Agri depuis le port de Douala au Cameroun du coton en vrac vers lāInde.
Une demande fragilisƩe
Depuis le deuxiĆØme semestre 2022, le coton, comme plusieurs matiĆØres premiĆØres et actifs, est entrĆ© dans une zone de turbulence dictĆ©e par les facteurs macroĆ©conomiques. Le retour de lāinflation, la fin de lāargent facile avec le resserrement des politiques monĆ©taires et lāaugmentation des taux des banques centrales, la crise Ć©nergĆ©tique consĆ©cutive Ć la guerre en Ukraine font craindre une rĆ©cession mondiale Ć©minente et in fine une chute de la demande de coton. Sa contraction est dĆ©jĆ perceptible avec des usines en Asie qui tournent en dessous de leur capacitĆ©, les commandes ralentissant face Ć des consommateurs dont le pouvoir dāachat a diminuĆ© et qui rĆ©duisent donc leurs dĆ©penses non prioritaires, dont les vĆŖtements.
Selon plusieurs sources, la demande pourrait reculer de 10%. Par rapport Ć ses prĆ©visions du mois de fĆ©vrier, le spĆ©cialiste Cotllook a soustrait 2,5 millions de tonne (Mt) Ć la consommation mondiale de coton. Mais, il a Ć©galement retirĆ© 2,5 Mt du cĆ“tĆ© de la production. Les Etats-Unis devraient faire face Ć leur plus petite rĆ©colte depuis plusieurs annĆ©es tandis que les inondations devraient provoquer une baisse de 30% de la production du Pakistan. Lāapprovisionnement en coton risque donc dāĆŖtre serrĆ© au dĆ©but de lāannĆ©e prochaine avant l’arrivĆ©e des prochaines rĆ©coltes de lāhĆ©misphĆØre sud avec le BrĆ©sil en juillet puis lāAustralie.
En Afrique aussi la production va chuter en 2022/23
La production de coton de lāAfrique de lāOuest et du Centre devrait aussi sensiblement diminuer lors de la campagne 2022/23 pour se situer Ć environ un million de tonnes de coton-graine selon les estimations de plusieurs nĆ©gociants, soit plus de 20% en dessous de son niveau de 2021/22.
Plusieurs facteurs concourent Ć cette chute anticipĆ©e. Ā« Nous sommes trĆØs inquiets par la prĆ©sence dāun insecte ravageur, le jassidĆ©, dāabord identifiĆ© sur le gombo et lāaubergine et qui sāest rĆ©pandu sur les plantations de coton Ā», souligne Johanna Adotevi, directrice commerciale Ć Ivoire Coton. ConsĆ©quence des pertes de rendements qui pourraient faire chuter la production de 20 et 30%. Une situation qui ne se cantonne pas Ć la seule CĆ“te dāIvoire, le Burkina Faso, le Mali et le SĆ©nĆ©gal seraient Ć©galement touchĆ©s.
Lāinsuffisance de lāoffre dāengrais et /ou Ć un prix prohibitif contribue Ć©galement dans certains pays, en particulier au Burkina Faso et au Mali, Ć diminuer le rendement et donc la production. Au Togo, ce sont des conditions climatiques dĆ©favorables au moment des semis qui entravent la production, selon un opĆ©rateur, mais le soja semble attirer aussi de plus en plus dāagriculteurs. Au Burkina Faso, lāinsĆ©curitĆ© qui sĆ©vit notamment dans la zone Est ne permet pas Ć la SociĆ©tĆ© cotonniĆØre du Gourma (Socoma) de retrouver ses niveaux de production habituels. Elle espĆØre renouveler la production de la campagne prĆ©cĆ©dente, elle mĆŖme en baisse dāenviron 50%. Seul le BĆ©nin, qui est devenu le premier producteur africain de coton, semble tirer son Ć©pingle du jeu avec une prĆ©vision prudente dāune reconduite du niveau de production de 2021/22 Ć au moins 700 000 tonnes.
Les sociĆ©tĆ©s cotonniĆØres africaines disposent dāun matelas financier ayant vendu une grande partie, jusquāĆ 70% pour un nĆ©gociant, de leur rĆ©colte 2022/23 Ć un prix Ć©levĆ©. Aujourdāhui, si le niveau de prix devient critique pour le coton amĆ©ricain, sāapprochant du niveau de production, il demeure encore rĆ©munĆ©rateur pour les origines africaines. Si une partie des filatures en Asie est en sous-capacitĆ© actuellement, un nĆ©gociant basĆ© Ć Singapour indique que lāindustrie textile du Bangladesh, dont le coton ouest africain est la premiĆØre source dāapprovisionnement, a commandĆ© 2 millions de broches, soit environ 10% de capacitĆ© en plus … marquant une certaine confiance dans la reprise de la demande.