Le rouleau compresseur de l’Arabica semi-lavé du Brésil sur le marché mondial du café

 Le rouleau compresseur de l’Arabica semi-lavé du Brésil sur le marché mondial du café
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Le Brésil fait vraiment sa loi sur le marché mondial du café. Après avoir observé la semaine dernière dans ses colonnes (lire : Le Brésil intensifie son emprise sur le marché du café en Afrique) la hausse fantastique des exportations brésiliennes en Afrique sur le segment du Robusta, on constate maintenant les flux impressionnants d’Arabica brésilien arrivant dans les stocks certifiés du marché à terme de New York. ICE. Ceci créé une concurrence avec les petits producteurs, notamment d’Amérique centrale, qui peut être dévastatrice et met beaucoup de pression sur les prix de référence du marché à terme.

L’équation est relativement simple. Grâce à la mécanisation de sa récolte et à ses méthodes bon marché de transformation, les coûts de production brésiliens sont nettement en dessous de ceux de ses rivaux, rappelle Reuters. En outre, les volumes récoltés au Brésil ont explosé au fil des décennies. Brasilia a donc  en sa faveur les volumes et les prix.  A ceci s’ajoute sa montée en puissance cette dernière campagne sur son segment Arabica “semi-lavé”.

En effet, en règle générale, la majeure partie de la production brésilienne d’Arabica est du “Brésil nature” (“naturals”), c’est-à-dire que les cerises de café sont séchées avant que n’en soient extraits les grains. Le café “lavé”, quant à lui, est celui où le grain est extrait de la cerise plongée dans l’eau puis mis dans des cuves de fermentation où le mucilage se dégrade, laissant ainsi un grain net à sécher. Tout ceci doit se faire très vite après la récolte. Un processus donc plus coûteux que le traitement par voie sèche car nécessitant un matériel spécial et surtout beaucoup d’eau ; ce café est donc vendu plus cher.

Cette année, la récolte brésilienne ayant été exceptionnelle en termes de volumes comme de qualité, le Brésil a augmenté sa production de “semi-lavés”. Ce processus implique, grosso modo, que la cerise de café est dépulpée dans l’eau comme pour le café lavé mais il reste le mucilage lorsque le grain est séché.  

Les critères de classement des différents types cafés Arabica stockés dans les entrepôts certifiés du marché à terme de New York (le Robusta, quant à lui, est coté sur le marché à terme de Londres) ont été modifiés en 2013, sous l’impulsion du Brésil, afin que les Arabica “semi-lavés” soient acceptés dans la gamme des Arabica “lavés”.

Or, cette année, la récolte au Brésil a été belle et bonne (environ 68 Ms, lire notre Chronique hebdomadaire des matières premières de vendredi dernier), incitant les acteurs de la filière à faire beaucoup plus de café “semi-lavé” : il y en aurait eu 6 à 10 millions de sacs de 60 kg (Ms), soit plus du double des volumes habituels. Résultat, alors qu’en septembre les stocks certifiés d’ICE étaient aux plus bas depuis vingt ans, depuis ils ont gonflé de façon extraordinaire, passant de 650 sacs de 60 kg le 3 septembre à 88 294 sacs actuellement. Et, selon les traders interrogés par Reuters, jusqu’à 400 000 sacs pourraient y être livrés ces prochains mois, les plus gros arrivages depuis la modification des critères en 2013 par l’ICE.

Le Brésil préfèrerait livrer son café à l’ICE plutôt que sur le marché physique car le prix y serait meilleur, le marché physique ployant … sous les volumes brésiliens ! Tout ceci pèse sur les prix de l’Arabica qui ont déjà chuté en 2019 à leur plus bas en 14 ans. Si le Brésil parvient à tirer son épingle du jeu, c’est grâce à son volume contrairement aux pays d’Amérique centrale.

Le Brésil resserre, bel et bien, son étau sur le marché mondial du café. Qu’en sera-t-il l’année prochaine avec une récolte attendue en nette baisse, que certains estiment entre 53 et 58 Ms ?

Evolution du prix de l’Arabica
sur le marché à terme de New York ces 20 dernières années

 

*Rappelons que chaque marché boursier a un certain nombre d’entrepôts dits certifiés qui stockent des volumes de café permettant aux opérateurs sur le marché d’effectuer une livraison ou de prendre livraison de produit physique au moment ou leur contrat arrive à échéance. Si les torréfacteurs, en général, ne raffolent pas de ce café car il s’agit souvent de paniers de cafés plus ou moins comparables, explique le Centre du commerce international, en revanche ce café a une grande “liquidité” commerciale car sa qualité et son prix sont facilement déterminés puisqu’ils ont été certifiés au préalable.

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