11 septembre 2008 - 00:00 |

Chronique : le Rendez-vous Matières du Jeudi

La conjoncture maussade pourrait changer les fondamentaux de plusieurs marchés

La morosité de la situation économique mondiale se confirme et avec elle la baisse de la demande, tous produits confondus. Même la Chine et l’Inde seraient touchés car, hormis le dynamisme de leur marché qui subsiste, ils subiront des marchés extérieurs atones. De ce fait, des analystes revoient certaines prévisions notamment sur les marchés du cacao ou encore du sucre, mais demeurent encore prudents.

Cacao. C’est un retournement. Depuis des mois, le marché parie sur un déficit cacaoyer : selon certaines estimations publiées dans nos précédentes chroniques, il devrait être de 88 000 t la campagne prochaine. La banque Fortis était plus conservatrice et estimait jusqu’à maintenant que ce déficit s’élèverait à 21 000 t. Or, il n’en sera rien, avance-t-elle dans un rapport publié hier. Le marché afficherait en réalité un excédent de 18 000 t. La raison n’est pas à chercher du côté de la production qui se maintiendrait à 3,76 millions de tonnes (Mt) mais dans une baisse des broyages, donc de la consommation, qui ne serait plus que de 3,74 millions contre 3,78 Mt avancées précédemment.
« La demande cacaoyère va inévitablement être touchée par le ralentissement économique global et il est difficile de voir d’où la croissance de la demande émanera dans un avenir immédiat », lit-on dans la note publiée hier.
En revanche, la banque révise fortement ses estimations pour la campagne 2007/08 qui s’achève : le déficit ne serait pas de 29 000 t comme avancé précédemment mais de 101 000 t ! En effet, la production mondiale n’atteindrait que 3,61 Mt contre 3,66 millions estimé précédemment, car la campagne intermédiaire en Côte d’Ivoire n’aurait dégagé que 282 000 t, soit 78 000 t de moins que prévu, tandis qu’en Indonésie, la récolte principale ne serait que de 310 000 t, en baisse de 50 000 t.
Parmi les nouvelles dans les pays producteurs africains, à noter la baisse du prix bord champ dans plusieurs régions productrices de Côte d’Ivoire car la qualité n’est pas au rendez-vous. Les pluies très fortes en juillet et en août ont déclenché la maladie de la pourriture noire et les exportateurs estiment que la récolte intermédiaire serait inférieure de 6% par rapport à celle de 2007/08. A noter aussi chez le premier producteur mondial, la grève à la Bourse Café Cacao (BCC) car les salariés n’ont pas été payés : l’enregistrement du cacao a donc été interrompu.
Le Ghana, quant à lui, fait très fort. Le gouvernement a annoncé lundi 8 septembre que l’allocation budgétaire pour financer les engrais distribués aux planteurs serait multipliée par deux pour la campagne 2008/09 qui démarre dans un mois, passant ainsi à 65,5 millions de cedis, soit $ 56,7 millions. Cette décision s’ajoute à celle annoncée vendredi 5 septembre d’augmenter le prix bord champ d’un tiers la campagne prochaine, afin de juguler l’exportation en fraude de cacao en Côte d’Ivoire où il est acheté à un meilleur prix au planteur. Deux mesures qui s’inscrivent dans le cadre de sa stratégie d’atteindre une production d’un million de tonnes d’ici 2010, contre 670 000 t actuellement. A noter que sur les 9 premières semaines de la récolte intermédiaire, les achats de cacao du Cocobod sont en hausse de 6,9%. Toutefois, la récolte intermédiaire, dans sa totalité, est prévue être inférieure aux volumes de l’année dernière, notamment à cause de cette fraude vers la Côte d’Ivoire, souligne le Cocobod. La récolte principale 2008/09 s’ouvre officiellement demain, plus tôt que d’habitude, une mesure qui tend aussi à lutter contre cette contrebande, véritable fléau pour le Ghana.

Café. La baisse du prix des cafés à New York s’est largement fait ressentir lors des ventes aux enchères à Nairobi, mardi 9 septembre. Le prix moyen pour les 14 715 sacs de 50 kg présentés à la vente est tombé à $ 176,21 contre $ 188,66 la semaine précédente. A noter que sur ce total présenté, 9 047 sacs ont trouvé preneur.
Le Vietnam a confirmé mardi que sa récolte sera record, à 21,5 millions de sacs contre 18 millions en 2007/08, ce qui devrait alléger les tensions sur le marché mondial du Robusta. Surtout, elle devrait démarrer deux semaines plus tôt que d’habitude (normalement à la mi-octobre) car les pluies abondantes ont permis aux cerises de bien murir. Ainsi, le Vietnam emboîte le pas à son rival, l’Indonésie, dont la récolte s’achève.
Aux ventes aux enchères de Moshi, au Nord de la Tanzanie, le 4 septembre, le café tanzanien a perdu du terrain car les volumes proposés à la vente ont excédé la demande : sur les 31 249 sacs de 60 kg en vente, 120 sacs n’ont pas été pris. Le grade AA en sac de 50 kilos a été vendu à $ 169-145 contre $ 183,20-161,40.
En Ouganda, le Coffee Board a annoncé mardi des recettes d’exportation qui ont fait un bond de 77% au mois d’août, à $ 41,6 millions par rapport à août 2007 : 324 127 sacs ont été vendus contre 230 849 sacs en août 2007. D’octobre 2007 à août 2008, le pays a exporté 2 998 410 sacs pour une valeur de $ 361,6 millions contre 2 524 852 sacs ($237,6 millions) sur la même période la campagne précédente. Selon le Board, les volumes exportés sur l’ensemble de la campagne devraient atteindre 3,2 Ms contre 2,7 Ms la précédente. La rivalité avec la Côte d’Ivoire s’aiguise…

Caoutchouc. En baisse aussi cette semaine, le caoutchouc naturel sur le marché de Tokyo a suivi les autres matières premières dans leur morosité, face à une conjoncture économique qui se dégrade et à des cours du pétrole qui baissent. Ceci a toujours un impact sur le grand concurrent du caoutchouc naturel : son petit frère en synthétique.

Céréales. Déception sur le marché de Chicago hier car les Etats-Unis auraient été laissés de côté par l’Egypte dans ses achats de blé. Avant-hier, l’Egypte a, en effet, préféré acheter 190 000 t de blé à l’Ukraine, à la Russie et à la France. Mais le marché céréalier est baissier également parce que l’offre mondiale est importante et le dollar se raffermit. Or, comme chacun le sait, lorsque dollar monte, les prix des matières libellés en dollars, baissent.
Côté maïs en Afrique du Sud, le Comité des estimations de récolte a confirmé que la récolte 2007/08 devrait être record, à 12,02 Mt, le niveau le plus élevé depuis 13 ans ! En effet, les conditions météorologiques ont été très favorables. L’Afrique du Sud regorge donc de maïs puisque sa consommation intérieure n’est que de 8 Mt. Cette offre abondante ne fait pas pour autant baisser les prix en Afrique du sud en raison de l’effet rand qui est très volatile et de la fermeté des cours internationaux.
Au Maroc, l’Office national interprofessionnel des céréales et des légumineuses (ONICL) tient un appel d’offres aujourd’hui pour l’importation subventionnée de 65 000 t de blé tendre. Ces nouvelles importations s’inscrivent dans le cadre d’un nouveau programme gouvernemental pour l’importation de deux millions de tonnes de blé tendre d’ici la fin de l’année. Techniquement, l’ONICL n’achète pas directement le blé mais accorde des subventions aux importateurs, ce qui permet de combler la différence entre les cours mondiaux et les prix intérieurs. Le mois dernier, l’ONICL a déjà autorisé l’importation de 1,692 Mt.

Sucre. La semaine a été mauvaise pour le sucre. Lundi et mardi, les cours se sont effondrés sur des liquidations de fonds et ce, malgré les inquiétudes suscitées par les ouragans Gustav et Ike dans les Caraïbes et au Golfe américain. Car Cuba et les Caraïbes ne sont plus d’importants producteurs de sucre et leur impact sur le marché mondial est, par conséquent , limité.
Toutefois, mercredi, les marchés se sont rétablis et le sucre s’est stabilisé. En effet, au niveau des fondamentaux, on reste sur des perspectives de déficit du marché en 2008/09 en raison d’une forte hausse de la consommation dans certains pays, notamment en Inde et en Chine. Toutefois, certains analystes avancent que le ralentissement de l’économie mondiale pourrait mettre un bémol à cette forte hausse anticipée de la demande.
En 2007/08, l’Ethiopie a importé 102 072 t de sucre (coût : $32,11 millions) pour faire face à sa demande nationale croissante alors que, par ailleurs, elle a exporté 21 700 t de sucre roux (recette : $ 21 millions), 58 000 t de mélasse et 2 millions de litres d’éthanol aux pays européens, a indiqué le 2 septembre Musa Mohammed Zeinu, patron du Sugar Support Enterprise. La demande nationale de sucre est de 350 000 t actuellement mais pourrait atteindre 520 000 t en 2008/09. Une des raisons majeures se trouve, bien entendu, dans le changement d’habitudes alimentaires : de plus en plus d’Ethiopiens mettent du sucre dans leur tasse de café alors que traditionnellement, ils mettaient du miel ou… du sel. Le pays compte trois plantations majeures de sucre qui produisent 300 000 t de sucre par an. Un projet de $ 600 millions, qui devrait être achevé en 2010, permettrait de produire 600 000 t, ce qui couvrirait les besoins nationaux et permettrait d’exporter.

Thé. Aux ventes aux enchères hebdomadaires de thé au Kenya hier, les prix se sont inscrits en hausse, stimulés par une demande soutenue. Sur les 74 925 sacs présentés à la vente, soit 4 760 t, 17 040 n’ont pas été vendus, contre 72 953 sacs et 11 134 lors de la vente la semaine dernière. Rappelons que la production kényane, numéro un mondial de thé noir, devrait chuter de 9,2% cette année, à 335 000 t contre 369 000 t en 2007. Les acheteurs égyptiens et pakistanais ont été particulièrement actifs lors de cette vente.
Au Burundi, l’amélioration de la qualité du thé et les difficultés que la filière a connues ces derniers mois, ont poussé à la hausse les prix de la feuille. Ainsi, sur les huit premiers mois de l’année, les recettes ont fait un bond de 50% : de janvier à août, 4 459 t ont été vendues pour $ 9,9 millions contre 4 935 t sur la même période l’année dernière, ce qui a généré seulement $ 6,6 millions. Le patron du département exportation au Tea Board du Burundi, a souligné que la production avait baissé au premier trimestre, puis les évènements au Kenya n’ont pas permis au thé burundais d’être commercialisés facilement lors des enchères qui se tiennent au Kenya. Aussi le prix moyen du kilo est passé de $ 1,35 à 2,23 entre les deux périodes.

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