Yariv Kedar : Du « savoir-faire » au « faire-faire » israélien pour les petits agriculteurs d’Afrique de l’Ouest

 Yariv Kedar : Du « savoir-faire » au « faire-faire » israélien pour les petits agriculteurs d’Afrique de l’Ouest
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Trouver des solutions simples mais efficaces et pragmatiques pour rester proche des défis des petits agriculteurs africains, est l’objectif de Yariv Kedar, directeur général Africa de Kedar G.A.P. (Green Agricultural Projects) qui est l’un des principaux fournisseurs en Israël de projets de sécurité alimentaire durable en Afrique, parmi d’autres régions en développement. Cette société privée travaille en étroite collaboration avec le gouvernement israélien ainsi qu’avec les gouvernements de Côte d’Ivoire, du Togo, du Malawi ainsi que du Kenya en Afrique de l’Est.

Yariv Kedar, en partenariat avec l’ambassade d’Israël en Côte d’Ivoire et le ministère des Affaires étrangères (Mashav) en Israël, explique en quoi consiste ces projets, leurs objectifs et résultats.

 

 

Quels types de projets envisagez-vous en Afrique de l’Ouest ?

Notre société Kedar G.A.P. s’intéresse à deux types de projets : des projets à grande échelle pour nourrir les gens, ce qui implique une agriculture intensive et à haut rendement ; des projets qui rassemblent des petits agriculteurs pour trouver des solutions simples et innovantes. Cette deuxième catégorie est celle avec laquelle nous sommes les plus impliqués en Afrique de l’Ouest.

En 2007, je suis venu vivre en Afrique, au Kenya, et j’y vis depuis. Mais mon activité a évolué vers d’autres régions d’Afrique dont l’Afrique de l’Ouest, principalement le Nigeria et le Ghana et un peu au Togo.

Au fil des ans, j’ai examiné ce qui manquait aux petits agriculteurs. Ma première conclusion est la connaissance et le « faire-comment », comment mettre en œuvre les connaissances. Parce que vous pouvez trouver des professeurs dans les universités qui ont le « savoir-faire » mais pas le « faire-comment ».

Ma deuxième conclusion est qu’il manquait des intrants de haute qualité pour qu’après une saison, ils ne soient pas inutiles. Par exemple, il est préférable pour eux d’utiliser des semences hybrides qui conviennent à cette zone plutôt que des semences « à pollinisation libre » qui sont très bon marché mais non adaptées car ils donnent de faibles rendements et maintiennent les agriculteurs dans la pauvreté. Il en est de même pour les systèmes d’irrigation ou les engrais – il y a la nécessité d’adopter des systèmes de distribution durables et uniformes.

En 2008, j’ai développé un concept qui s’appelle aujourd’hui “Kedar farmer’s kit” – le « kit Kedar du fermier ». Il est composé de produits agricoles et de formation. Plus tard, au fil des ans, nous avons franchi une étape supplémentaire et nous sommes devenus un groupe d’experts d’Israël. Nous voulions créer quelque chose d’unique, qui n’ait pas l’approche d’une ferme individuelle mais plutôt d’une communauté alimentaire. Il s’agit de faire faire fonctionner une communauté en ayant un centre, un centre d’adaptation des semences, un volet formation, un volet imagerie avec des images satellites qui permet d’aller à la rencontre des communautés dans des lieux isolés. Cela permet de collecter des données utiles pour une serre, un système d’irrigation et tout ce qui est nécessaire en tant que communauté.

Le « kit du fermier » est-il utilisé en Afrique de l’Ouest ?

Oui, tout à fait. Quand je l’ai lancé au Kenya, il était très innovant et a été développé dans différents pays dont le Ghana et le Nigeria. Le Fonds d’affectation spéciale du PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) a reconnu le « kit du fermier » comme étant un outil pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Au Kenya, il a remporté en 2010 un prix pour la réduction de la pauvreté et de la faim et en 2011 celui de l’ Autonomisation des jeunes. En 2013, nous avons reçu le Prix du championnat OMD au Kenya. Nous avons également travaillé au Lesotho avec le Centre du Commerce International et avons réalisé d’autres projets au Kenya. En 2018 au Parlement israélien, Kedar a reçu un prix de SID International pour avoir changé des vies dans les pays en développement.

Cependant, en 2016, il y a eu un vote sur Israël aux Nations Unies. Le Togo était l’une des rares nations à avoir soutenu Israël et le Premier ministre israélien a décidé de soutenir le Togo et de le faire bénéficier de certaines innovations israéliennes. L’ambassade d’Israël en Côte d’Ivoire, dirigée par S.E. l’Ambassadeur Leo Vinovezky, avec l’équipe de MASHAV -le ministère des Affaires étrangères d’Israël- se sont assurés que les dons parvenaient bien au Togo. Les principaux secteurs qui en ont bénéficié au Togo sont : le secteur de la santé – l’Etat d’Israël a fait don d’une salle dans un hôpital de Lomé ; l’éducation – des dizaines d’étudiants du Togo ont été envoyés en Israël pour des cours et des formations de longue durée ; l’agriculture. Notre société Kedar G.A.P. a été choisi pour mettre en place en trois mois une petite ferme modèle qui a une serre, un champ ouvert, des intrants israéliens y compris des semences de légumes hybrides israéliennes, des engrais spécialisés, des systèmes d’irrigation goutte à goutte d’Israël et tout ce qui est nécessaire pour leur réussite.

Nous avons relevé le défi (car le temps imparti était très court) et avons mis en place une ferme maraîchère avec des concombres et des tomates, ainsi qu’un champ ouvert de poivre. Un de nos agronomes a été envoyé sur le site et nous avons également envoyé des techniciens et tout le nécessaire pour que la production démarre trois mois plus tard.

Pendant ce temps, nous devions former des personnes pour gérer le projet. Nous avons identifié l’Institut togolais de recherche agronomique (ITRA) et nous nous sommes rapprochés de Dr Kossi Kpemoua (le directeur scientifique) et Dr Kossi Koudjega (chef d’administration). Ils ont commencé à travailler en étroite collaboration avec l’ambassade d’Israël. C’était assez réussi car il y avait une formation intensive. L’ambassadeur Leo Vinovezky de l’ambassade d’Israël en Côte d’Ivoire et MASHAV Israël ont continué à soutenir des programmes de formation dont un agronome israélien qui a été détaché à l’Institut ITRA pour les deux premières années. Les agronomes ont enseigné à la population locale comment faire les choses, comment cultiver, comment procéder à la préparation du sol, à la préparation et à la plantation des plants, à la commercialisation, etc.

Les saisons suivantes, avec l’aide de MASHAV, l’ambassade d’Israël et K. G.A.P. ont soutenu l’ITRA en lui fournissant des guides de culture, des graines hybrides israéliennes car elles n’étaient pas disponibles au Togo et des outils post-récolte supplémentaires tels que des séchoirs solaires dont l’ambassade a fait don à l’ITRA. L’Institut a généré des revenus et a acheté ses propres intrants, tels que des engrais.

Ce n’est donc jamais une aide financière ? C’est toujours une aide avec les produits et le savoir-faire ?

Nous ne croyons pas au don d’argent. Tout le reste a aussi une valeur. L’argent est dépensé et la situation redevient comme avant. Mais la connaissance + la pratique + les intrants restent et peuvent créer le changement.

Avec l’ambassade d’Israël à Abidjan et le programme MASHAV, des étudiants du Togo et du Nigeria sont venus en Israël pour un programme de formation de 11 mois. À leur retour, ils avaient des économies car ils recevaient environ $ 1 000 par mois, ce qui est un montant important pour eux. Au bout de 11 mois, ils avaient entre $ 8 000 et $ 9 000.

Avez-vous des retours sur ce qu’ils font actuellement ?

Je suis en Afrique de l’Est et non en Afrique de l’Ouest. Certains travaillent pour nous, certains pour le gouvernement, d’autres sont sur de bons projets dans la pêche, les serres, etc. Ils se portent bien.

Nous avons également construit un grand projet de 10 000 ha avec irrigation. Mais lorsque nous avons affaire à de petits agriculteurs, c’est une approche totalement différente parce qu’il faut d’abord comprendre la culture. Vous devez ajuster les technologies ; certaines sont de très hautes technologies mais il faut les adapter aux capacités de l’utilisateur. Parce que la technologie n’est pas seulement une question de prix, il s’agit aussi de permettre à l’agriculteur de l’adopter. Ainsi, nous introduisons des technologies israéliennes simples à entretenir mais très efficaces, par exemple Alvatech, une solution intelligente et simple pour réduire de manière significative la salinité dans les eaux irriguées et permettant de faire pousser des cultures, ce qui serait autrement impossible.

Nous leur montrons également comment surmonter certains défis. Il ne s’agit pas seulement de faire pousser mais de lutter contre les maladies, etc. et de manière simple. Pas d’une manière coûteuse ou sophistiquée, mais d’une manière simple qui donne des résultats.

Avez-vous pu continuer vos programmes pendant la Covid-19 ?

Avec l’ambassade d’Israël en Côte d’Ivoire et le même institut de l’ISRA au Togo, nous les avons formés via Zoom en 2020. En outre, via l’ambassade d’Israël, nous leur avons non seulement fourni des semences mais aussi des serres supplémentaires que l’Institut avait achetées, en utilisant les revenus du projet initial. Nous leur donnons différentes options de cultures et de variétés afin qu’ils puissent choisir car certains sont plus sensibles à la chaleur que d’autres, aux virus, au sol, etc. Ils trouvent généralement ce dont ils ont besoin car Israël est un grand acteur en matière de génétique. Nous ne faisons pas d’OGM mais utilisons une très bonne génétique, qui pourrait donner des résultats très élevés et bons (sans OGM qui sont controversés).

Le semis hybride est plus cher mais l’agriculteur obtient des rendements nettement plus élevés avec une bien meilleure qualité (comme une longue durée de conservation, une couleur, une forme, moins de pertes, etc.). En fin de compte, c’est profitable au fermier.

Pouvez-vous nous parler un peu du projet « Défensif 500 000 » ?

Le projet togolais « Défensif 500 000 » est dans sa phase initiale, pour nous. Il s’agit d’un projet avec le gouvernement du Togo sur 500 000 ha de terres. Nous offrons la technologie et l’expérience aux agriculteurs communautaires afin d’améliorer leurs moyens de subsistance. Par exemple, si le revenu moyen d’un agriculteur est de $ 1 200, notre objectif est de le porter à $ 2 500 ou $ 3 000 en deux ans. C’est peu de temps mais on peut le faire en se procurant les bons éléments, l’irrigation, les semences, les engrais, la bonne technologie, la formation, le coaching etc. S’il y a un défi de salinité dans l’eau, l’innovation israélienne permet de la surmonter.

Nous utilisons une technologie unique. Par exemple, développer le système racinaire de la culture à l’aide d’un produit biologique contre les champignons mycorhiziens qui agrandit la masse racinaire jusqu’à 1000 fois, stocke l’eau dans les racines et la libère dans la plante pendant la saison sèche. Le produit biologique avec sa technologie étonnante augmente les rendements de 15 à 40 %. C’est utilisable même si le régime est pluvial car il n’est pas très sophistiqué.

Nous avons des modèles spéciaux développés par notre équipe pour améliorer la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance de communautés entières. Nous apportons une approche différente : nous regardons tous les agriculteurs ensemble avec l’ensemble de leurs parcelles. Si vous êtes agriculteur et que votre voisin est attaqué par des parasites ou des maladies, alors vous savez que toute la région doit être traitée avant qu’elle ne se propage. Ainsi, l’approche consiste à considérer la communauté comme une seule entité même si chacun a sa parcelle.

Pour conclure, nous sommes une entreprise privée mais nous collaborons avec le gouvernement israélien par exemple au Togo, au Rwanda, au Malawi, au Ghana, en Afrique de l’Est et ailleurs. C’est une situation gagnant-gagnant. Nous croyons que nous avons une mission dans nos vies : le profit est important – vous ne pouvez pas travailler sans profit – mais ce n’est pas notre mission principale. Le succès vient quand les agriculteurs réussissent car cela nous apporte de nouveaux projets.

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