En Côte d’Ivoire, “la banane d’aujourd’hui ne doit pas avoir l’avenir de l’ananas d’hier”

 En Côte d’Ivoire, “la banane d’aujourd’hui ne doit pas avoir l’avenir de l’ananas d’hier”
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Trois ans après les grandes inondations en Côte d'Ivoire qui ont ravagé, en juillet 2014, 1500 ha de bananeraies, la plupart des plantations ont été non seulement réhabilitées mais aussi, souvent, modernisées et agrandies (lire nos informations). Les 12 000 emplois dans la filière ont été sauvées. Suite à cela, la Côte d'Ivoire a perdu sa place de premier producteur africain de banane.

La région du Nièky a été particulièrement touchée, notamment les bananeraies de SCB, Wanita, Rouchard. "Les 14000 ha de la plaine du Niéky ont été totalement inondés et 1000 ha de nos plantations ont subi le même sort", a déclaré le  directeur général de la Société d'études et de développement de la culture de banane (SCB), filiale de la Compagnie fruitière, Dominique Malezieux, qui a accueilli sur sa plantation du Grand Nièky, jeudi dernier, le ministre  de l'Agriculture et du développement rural, Mamadou Sangafowa Coulibaly, et Patrick Houben de la représentation de l'Union européenne (UE).

Et Dominique Malezieux de dresser l'inventaire de la catastrophe sur ses plantations: "L’outil de production a été gravement endommagé, entre autres, les digues internes et externes qui sécurisaient la plantation. Cette pluie nous a fait perdre 50 000 tonnes sur 220 000 tonnes de banane produites par la SCB, soit 25% de notre production. A cette date la plantation du Nièky avait un effectif d’environ 1400 travailleurs, faisant vivre directement ou indirectement plus de 10 000 personnes."

Sur l'ensemble du pays, "Les dégâts des inondations ont occasionnés un besoin d’investissement supplémentaire de plus FCFA 13 milliards" (€ 19,8 millions, Ndlr.), a déclaré le ministre Sangafowa Coulibaly. "Le plus grand risque de la filière c’était la menace de la perte de 12 000 emplois dont 2500 dans le Nièky",

La Côte d'Ivoire retrouve son premier rang

Depuis, la filière s'est redressée avec le soutien de l'Etat et de l'UE  ; de nouveaux acteurs sont même apparus (lire nos informations).

"L’Etat a accéléré le processus de remboursement des TVA dues aux plantations sinistrées pour améliorer leur trésorerie à hauteur de FCFA 3 511 479 050 (€ 5,3 millions, Ndlr), pendant que l’Union européenne a montré une flexibilité au niveau des contrats de subvention dont bénéficiait  l’ensemble des sites de production. Le montant de ces subventions pour l’ensemble des plantations du Nièky suite aux ajustements s’élève à FCFA 3 574 245 195" (€ 5,4 millions), a rappelé le ministre.

Pour sa part, depuis avril 2014, l'UE a contribué plus de FCFA 2 milliards (€ 3 millions) dans le cadre du programme  des Mesures d'accompagnement de la banane (MAB) cofinancé par Bruxelles et l'Etat ivoirien à hauteur de FCFA 25 milliards (€ 38,1 millions), afin de contribuer à améliorer la compétitivité de la filière banane ACP avant la grand ouverture du marché européen (lire nos informations du 18 mai et du 6 février derniers).

Ces mesures ont porté leurs fruits, "preuve que la clé d’une croissance durable dans le secteur agricole est indéniablement l’investissement", a tenu à souligner le ministre Sangafowa Coulibaly. La production nationale est passée de 290 000 t en 2014 à 346 000 t en 2016, les exportations globales de 280 000 t à 332 500 t -la Côte d'Ivoire "reprenant la place de premier exportateur africain vers l'UE, devant le Cameroun", a précisé Patrick Houben- et les rendements moyens de 45 t/ha à 50 t/ha. En outre, les superficies sont passées de 6 050 ha à 7 500 ha, s'étendant "au-delà des zones traditionnelles de production de la banane", a rappelé le ministre, "dans les zones de savanes. Nous assistons par ailleurs à l'installation de nouveaux acteurs et à de nouveaux investisseurs dans la filière."

La SCB n'en reste pas là

S'agissant de la SCB, depuis 2014, le groupe a replanté 940 ha de banane dessert, a sécurisé des digues, a construit et réhabilité des stations de conditionnement et, plus généralement, a restauré et renouvelé des systèmes d'irrigation, de drainage, d'électrification, etc. A fin 2016, le rendement était de 52 t/ha, la société a exporté 63 000 t de bananes et a pu maintenir tous les emplois. "Le coût total de ces investissements s’établissent à € 4,2 millions, soit environ 2,8 milliards de nos francs et le solde 20% à la charge de la SCB", a précisé Dominique Malezieux.

En outre, le patron de la SCB a décidé d'investir FCFA 2,9 milliards (€ 4,4 millions) sur fonds propres et étendre ses plantations sur 250 ha sur la zone du grand fleuve. Ils sont entrées en production fin 2016 et devraient générer 15 600 t cette année, avec un rendement de 70 t/ha.

Dominique Malezieux n'en est pas resté là dans son intervention à l'occasion du passage du ministre et du représentant de l'UE sur sa plantation et a évoqué trois points pour, selon lui, "préserver la compétitivité de la filière". Tout d'abord, la taxe douanière à l'entrée de l'UE pour les bananes non-ACP qui de € 75 la tonne aujourd'hui, doit disparaître d'ici 5 ans (lire nos  informations). "Cette protection douanière qui protège aussi aujourd’hui les producteurs de banane de la Côte d’Ivoire, entraînerait une baisse de compétitivité de 15% qui serait fatale à notre filière banane. La banane d’aujourd’hui ne doit pas avoir l’avenir de l’ananas d’hier.[…] Depuis mon arrivée en Côte d’Ivoire le 1er avril 2017, j’ai pris le temps de visiter les anciens sites de production d’ananas de Bonoua. Je suis de la génération des jeunes français qui dans les années 80 ont été bercés par la publicité à la télévision française de l’ananas de Côte d’Ivoire. Pour moi l’ananas c’était la Côte d’Ivoire. Aujourd’hui c’est la banane", a rappelé Dominique Malezieux.

Et le patron de la SCB de proposer comme solutions, côté UE, le renouvellement des MAB, côté Côte d'Ivoire, l’exonération de la TVA pour les entreprises exportant plus de 75% de leur production.

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