Douce révolution à l’Association française cotonnière

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C’était un pari risqué lorsque la décision a été prise d’organiser le prochain forum et diner de l’Association française cotonnière (Afcot). Un pari réussi,  qui a fait le bonheur de la communauté cotonnière, plus de 200 personnes de 30 pays différents,  réunie mardi dernier à Deauville. Un bonheur de se retrouver, d’échanger de visu, de partager dans une conjoncture bien différente de celle du dernier diner il y a deux ans. Les cours du coton sont au plus haut depuis dix ans (Lire : La journée mondiale du coton célébrée aujourd’hui avec des cours qui flambent), dépassant le dollar la livre alors qu’ils ne se situaient qu’à environ 60 cents en octobre 2019. Sans remonter aussi loin, ils sont tombés en dessous de 50 cents la livre en mars 2020.

Durant cette période « sous cloche » en raison de la pandémie de la Covid-19 l’Afcot a commencé sa mue. Elle a accueilli un nouveau président Charles Jannet, mais c’est dans l’ordre des choses, et une nouvelle secrétaire générale, Emmanuelle Duclos. Mais surtout, un Africain, en la personne de Jean-Claude Talon de la société Atral au Bénin, fait son entrée pour la première fois au comité de directeur de l’association. « C’est une bonne nouvelle. L’Afrique a toujours été très importante pour l’Afcot et la nomination de Jean-Claude Talon, un privé,  est une reconnaissance. Elle permettra de créer un pont entre nous producteurs égreneurs africains  et les négociants  pour faciliter les transactions » observe Johanna Adotevi d’Ivoire Coton.

Elle veut aussi croire que cette nomination ouvrira la porte vers une harmonisation entre le Règlement général européen (RGE) de l’Afcot et ICA Bylaws & Rule de l’International cotton association (ICA). Les producteurs africains francophones vendent leur coton sous le RGE et la plupart des négociants qui sont leurs clients vendent sous ICA Bylaws & Rules. Or, s’il y a beaucoup de similitudes, ce se sont pas les mêmes règles, et cela complique les transactions, en particulier s’il y a des réclamations. « L’ICA regarde de plus en plus vers nous et ne sait pas comment nous approcher. L’Afcot jouerait ce rôle. En même temps, nous parlons d’une filière, c’est donc  dommage que coexistent deux règlements. Avec la traçabilité, on s’inscrit aussi dans une harmonisation des règles de vente et d’achat pour tout le monde » affirme Johanna Adotevi. Une harmonisation, voir une fusion, qui va se faire en douceur…

Un marché très incertain

Exportatrice nette, l’Afriquede l’Ouest jouit d’un alignement des planètes très favorable avec des cours très rémunérateurs, une production qui se maintient ou en hausse, une demande aussi robuste qu’inattendue et une parité euro-dollar appropriée. Les sociétés cotonnières africaines, présentes à Deauville, comptaient en bénéficier en cherchant à placer la campagne 2022/23.  Les dernières ventes de la campagne 2021/22 se sont réalisées au prix de FCFA 1400 le kilo, bien au-dessus du prix de revient.

Un grain de sable vient toutefois se glisser dans cette belle mécanique, l’envolée des coûts du fret et surtout la disponibilité du fret. Les entrepôts dans les ports ouest-africains regorgent de coton en attente d’embarquement. Des stocks qui ont un coût. Un opérateur signalait le coût de FCFA 10 millions pour 40 jours de consignation dans le port de Cotonou. Un exemple certainement parmi d’autres. Chacun s’accorde pour estimer que la situation ne se débloquera pas totalement avant 2023.  Une autre difficulté pour la campagne 2022/23 est  l’envolée aussi des prix des intrants. Alors que les commandes sont en cours, le sujet n’est pas sur la table.  Pourtant cela nécessitera une hausse du prix au producteur en Afrique et/ou une subvention des intrants.

Sans compter que personne ne s’est aventuré à prédire quoi que ce soit pour les prochains mois. « Tout est possible » tant les sources de perturbations sont importantes. Que cela soit les tensions entre la Chine et les Etats-Unis, les pressions inflationnistes,  la capacité des filateurs à encaisser une telle hausse des prix, etc. Les  fondamentaux du marché du coton ne justifient pas l’envolée des cours affirme Michael Edwards, directeur de Cotton Outlook.  Les spéculateurs, qui soutiennent le marché, peuvent très vite changer de position. Plus fondamentalement, Michael Edwards souligne que dès que la consommation dépasse les 26 millions de tonnes, ce qui est le cas aujourd’hui, on rentre dans une zone de tension car la production n’a atteint ce niveau que six fois par le passé.

 

 

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