Le Niger ambitionne de transformer le monde rural, € 6,2 milliards sont nécessaires

 Le Niger ambitionne de transformer le monde rural, € 6,2 milliards sont nécessaires
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Le Niger présente aux partenaires publics et privés son Plan de développement économique et social (PDES) sur 2017-2021 lors de la Conférence de la Renaissance, qui se se déroule à Paris les 13 et 14 décembre. Son coût global est de FCFA 13 735 milliards (€ 21 milliards). La transformation du monde rural est un axe important de ce plan et plus globalement du développement du Niger. Plus de 80% de la population est rurale et la contrition du monde rural est de 31% pour les exportations et de 37% pour le PIB du pays. Le coût du programme est de $6,2 milliards.

Interview exclusive à CommodAfrica d’Ali Bety, ministre et Haut-Commissaire à l’Initiative 3N « Les Nigériens nourrissent les Nigériens ».

CommodAfrica : Vous avez présenté la stratégie de la transformation du monde rural sur les cinq prochaines années. Quels sont les points qui vous paraissent les plus importants et vos principales attentes vis-à-vis de la Conférence ?

Ali Bety  : La transformation du monde rural dans le PDES comprend les programmes de l’Initiative 3N mais aussi ceux des infrastructures, de l’électrification, de la finance exclusive et de l’autonomisation de la femme. Trois axes sont prioritaires : l’irrigation, l’environnement et les services aux producteurs et transformateurs via la maison du paysan.

Notre priorité est de financer la transformation du monde rural de façon à valoriser les potentiels qui existent notamment dans l’agriculture. Produire davantage, transformer davantage. Un des objectifs prioritaire est de développer l’irrigation. Seulement un quart des productions est irrigué, nous voulons inverser cette proportion. Aujourd’hui, l’irrigation concerne surtout le riz ainsi que les oignons, le blé, l’ail, la pomme de terre et beaucoup de légumes comme le moringa que l’on utilise pour l’amélioration de la nutrition des ménages. L’objectif est de développer la maitrise de l’eau pour ces cultures mais aussi la production fourragère. Nous avons 43 millions de têtes de bétail, qui sont un énorme potentiel à valoriser.

Deuxième priorité, la restauration des terres et le reboisement. Dans un pays où les écosystèmes sont très fragiles et où la pluviométrie est faible, il est nécessaire de protéger l’environnement, d’infiltrer les eaux de pluie, de retenir les eaux de ruissellement avec différents types d’ouvrage. Cette eau sera dédiée à la production, à la restauration du couvert végétal et permettra la mise en culture de nouvelles terres agricoles et l’accroissement du pâturage pour le bétail. Les paysages lunaires du Niger ont été transformés en terres cultivables où les rendements sont deux fois plus élevés grâce à la création de poches d’eau où l’on pratique la fertilisation localisée. Sur les plateaux, dans le cadre de l’Initiative 3N, nous avons pu produire jusqu’à 1 tonne de mil à l’hectare alors que le paysan parvient à environ 0,4 t./ha.

Mettre à disposition de chaque chef lieu de commune, soit 255 d’ici à 2021, une Maison du paysan est notre troisième priorité. La maison des paysans, dont quelque dizaine sont déjà opérationnelles, est un centre de services intégrés pour les producteurs et les transformateurs. Elle est constituée d’un magasin de céréales, d’une centrale d’approvisionnement en intrants, d’un centre pour louer ou réparer le matériel agricole, d’un centre de formation aux métiers, d’une radio communautaire et d’un guichet d’une institution de financement (microfinance ou banques) via le Fonds d’investissement pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle (Fisan).

Le Niger, pays sahélien, est particulièrement vulnérable au changement climatique. Quelles sont les mesures envisagées ?

Compte tenu de la spécificité du Niger, les priorités sont de mettre en place des programmes d’adaptation. Si l’on prend l’agriculture, l’adaptation consiste à récupérer l’eau de pluie en construisant des ouvrages pour la retenir et l’utiliser pour les productions agricole, pastorale et forestière et la restauration du couvert végétal. Nous estimons que le Niger perd actuellement 100 000 hectares de terre par an. Notre objectif est de réaliser plus de 200 000 hectares par an. De plus, nous essayons d’adopter une politique sobre en carbone pour l’ensemble des secteurs.

Les conflits entre agriculteurs et éleveurs sont fréquents, exacerbés par les sécheresses. Comment diminuer leur intensité ?

En effet, les conflits sur les usages de la terre entre agriculteurs et éleveurs existent et peuvent être violents. Une enquête réalisée par le gouvernement et la FAO a montré que sur le cheptel de 43 millions de têtes de bétail, près de 60% se situ dans les zones agro-pastorales et 40% dans les zones pastorales. Nous avons l’objectif de sécuriser tous les espaces agropastoraux. Depuis 5 ans, le gouvernement a balisé des milliers de kilomètres de corridors, de couloirs de passage et axes de transhumance et a sécurisé plusieurs espaces agro-pastoraux avec des balises en béton.

Un des projets présentés au PDES est la création d’unités d’alimentation du bétail pour apporter un complément alimentaire aux animaux.

Vous avez annoncé aujourd’hui la modification du code foncier ? Quels en seraient les contours ?

En janvier 2018 devraient se tenir les Etats généraux du foncier. Depuis 1993, on est un l’un des premiers pays d’Afrique de l’Ouest à avoir élaboré un code rural. Un diagnostic du foncier a été élaboré en novembre et sera discuté lors des Etats généraux. L’objectif est que la législation réponde aux besoins de sécurisation foncière pour l’ensemble des utilisateurs que cela soit les producteurs individuels, les exploitants agricoles familiaux ou les investisseurs.

Votre stratégie en matière de production agricole est peu tournée vers les cultures de rente. Vous privilégiez surtout le marché local ?

L’oignon violet de Galmi est une culture de rente. Les différentes régions de production, Tahoua, Agadez Maradi et Zinder, permettent d’avoir une production étalée sur plusieurs mois avec des prix maintenus. Nous sommes actuellement en discussion avec le groupe Nestlé pour une usine de fabrication de poudre d’oignons.

Le poivron de Diffa est aussi une culture très importante exportée dans toute la sous-région et qui alimente l’industrie du Nigeria. Sa production a été affectée par Boko Haram qui prélevait des taxes sur les producteurs. Le gouverneur de Diffa a pris la décision de suspendre la production car les circuits de ventes n’étaient pas contrôlés. Les producteurs sont aujourd’hui à nouveau autorisés à commercialiser les poivrons (cf. nos informations).

Nous avons aussi le niébé dont la production se situe entre 1,5 et 2 millions de tonnes par an, le sésame et la gomme arabique. Pour cette dernière, la production a fortement baissé en raison de la sécheresse. Mais dans le cadre des actions de reboisement, des Acacias Sénégal sont replantés.

L’objectif est maintenant de transformer pour créer de la valeur ajoutée et créer des emplois.

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