Cyclope 2017 : les marchés des matières premières à la loupe

 Cyclope 2017 : les marchés des matières premières à la loupe
Partager vers

Vent d’Ouest, vent d’Est, tel est le titre du nouveau rapport Cyclope 2017[1] sur les marchés mondiaux, titre emprunté au premier roman de Pearl Buck. Vents contraires, imprévisibles et qui dicteront la marche du monde tant la Chine et les Etats-Unis restent les moteurs de l’économie mondiale ainsi que les marchés mondiaux des commodities, souligne Philippe Chalmin, professeur à l’université Paris-Dauphine, qui co-dirige cette 31ème édition qui rassemble plus de soixante experts.

Côté vent d’Est, la Chine où 2017 sera une année importante du point de vue économique mais aussi et surtout politique, le président Xi Jinping arrivera à mi-mandat. L’économie devrait donc tourner à plein régime, ce qui soutiendra nombre de matières premières.

Côté vent d’Ouest, bien sur les États-Unis avec « cette improbable élection et cet improbable président » et un retournement complet de la politique américaine avec la remise  en cause des accords commerciaux.

Vents contraires et inversement des rôles où le président chinois se met à défendre le libre échange tandis que Donald Trump agite le drapeau protectionnisme.

« Ces vents soufflent sur des marchés qui ont connu en 2016 et qui connaissent dans les premiers mois de 2017 une conjoncture peu claire à lire » indique Philippe Chalmin. « Globalement, nous vivons les années qui ont suivi le choc de 2006-2014. Nous sommes dans la phase de digestion, d’entrée dans une période probablement relativement longue de prix plutôt déprimés marqués au coin d’excédents de production par l’arrivée sur le marché de toutes les capacités de production dont les investissement furent décidés au moment du grand choc. Les vents soufflent sur des marchés qui ont connu en 2016 et qui connaissent dans les premiers mois de 2017 une conjoncture peu claire à lire » indique Philippe Chalmin. Les prix moyens des principales commodités ont diminué de 10% en 2016 selon l'indice Cyclope, de 4% si l’on exclut le pétrole et les métaux précieux.

Si la   tendance globale est à la baisse des prix, des évolutions différenciées sont observables suivant les marchés. Parmi les évolutions marquantes, la chute spectaculaire du fret maritime et dans une bien moindre mesure celle du nickel, du blé, du pétrole, du palladium et du cuivre. Parmi les commodités qui ont performé en 2016, le sucre, l’huile de coprah, le charbon, huile de palme, l’étain. Autre marché, pour la première fois traité dans Cyclope comme celui du marché du sport, la vanille qui a véritablement flambée en 2016 (cf. nos informations).

Sur les marchés agricoles, un lent effondrement des prix. En 2016/17, la production mondiale de grains (céréales, riz et graines oléagineuses) s’est élevée à 3,1milliards de tonnes soit plus d’une double de la production de 1986/87. « Le problème de la disponibilité alimentaire ne se pose pas. S’il y a encore des famines c’est largement le fait de la folie des hommes. En revanche, il y a toujours des hommes qui souffrent de la malnutrition, qui est largement liée à la pauvreté », remarque Philippe Chalmin. Une bonne nouvelle mais avec pour contrepartie une baisse des prix, surtout pour les céréales, la demande chinoise apportant un soutien aux graines oléagineuses. Une Chine qui a aussi permis de sauver les marchés des viandes et des produits laitiers.

Côté produits intéressant directement les pays africains, une tendance plutôt bonne, à l’exception notable du cacao, le sucre étant le produit ayant le plus performé en 2016, mais aussi des gains sur l’huile de palme, le café, le caoutchouc et le coton. 2017 s'annonce plus difficile sur presque l'ensemble de ces produits. 

Effondrement du marché du cacao

La crise que traverse le marché mondial du cacao est d’actualité puisque, à cause, entre autres, du cacao, la Côte d’Ivoire s’est vue contrainte la semaine dernière de réviser à la baisse ses prévisions de croissance économique, de 8,9% à 8,5% sur 2017, ainsi que sa voilure budgétaire, souligne Bénédicte Châtel de CommodAfrica, auteur du chapitre cacao dans Cyclope. Que s’est-il passé ? Le marché mondial du cacao a accusé une rupture de tendance vers le mois d’août l’année dernière lorsqu’est apparu le changement de paradigme : d’une situation que l’on croyait structurellement déficitaire, avec des prix qui ne cesseraient de grimper dans les années à venir, force était de constater que la campagne 2016/17 s’annonçait plutôt excédentaire. Et les mois suivants l’ont confirmé avec une récolte en Côte d’Ivoire, numéro un mondial, qui s’annonce record en 2016/17, et un bon redressement de la récolte au Ghana après plusieurs années d’errance. Or, face à cela, la consommation manque de dynamisme.

Ce changement de paradigme a provoqué une descente aux enfers des cours mondiaux, obligeant la Côte d’Ivoire à fortement réviser à la baisse le prix garanti au planteur pour la campagne intermédiaire 2016/17, qui court d’avril à septembre, et avant cela à couvrir des contrats en défaut d’exportateurs locaux. Tout ceci pèse sur les finances publiques et plus particulièrement sur le fonds de garanti de la filière cacao. On ignore à combien il s’élève aujourd’hui mais on craint qu’il ne soit pas suffisant pour garantir le paiement du prix officiellement fixé au planteur. Au-delà, quid du devenir de la campagne à venir 2017/18 ?

Coton haussier, mais gare au retournement

Si nous ne sommes pas sur les niveaux de 2011, les cours du coton se situent à un niveau non loin de 90 cents la livre pour l’indice A Cotlook, ce qui est historiquement relativement élevé, observe Gérald Estur, auteur du chapitre coton. En cause, la soudure entre deux récoltes. « Il n’y a plus de coton sur certaines qualités de l’hémisphère nord alors que la récolte de l’hémisphère sud n’est pas encore arrivée. Mais cela ne va pas durer, comme toujours » affirme Gérald Estur. Des prix plus élevés du coton par rapport aux cultures concurrentes dans les grands pays producteurs vont engendrer une augmentation de production pour la prochaine campagne. « Il y a 5 cents entre les cotations de l’indice A Cotlook pour la fin de campagne 2016/17 et les cotations pour la prochaine campagne 2017/18. Ce n’est pas une chute considérable. Mais bien entendu, tout dépendra de la climatologie ».

Il ajoute «La campagne 2016/17 a été plutôt bonne, globalement, mais 2015/16 avait été très mauvaise, affectée par des phénomènes climatiques importants. Nous avons eu en 2015/16, la plus faible production depuis 12 ou 13 ans et les rendements les plus bas depuis 10 ans. Donc, en combinant les deux, on était tombé à 21 millions de tonnes (Mt), on remonte doucement vers les 24 Mt ce qui pose un certain nombre de questions. Comment le coton va-t-il survivre ? » (à lire prochainement sur CommodAfrica l’intégralité de l’interview).

Un marché de la banane en bonne santé

Sur le marché de la banane, la tendance 2016 était très bonne, à la fois en terme de prix mais surtout en terme de volumes, indique Denis Loeillet, chercheur au Cirad et auteur du chapitre banane de Cyclope. « Le marché européen a grimpé de 4 à 5%, ce qui est assez impressionnant. Ceci est dû à deux tendances qui se mêlent : une tendance très lourde avec la banane qui reste le produit le moins cher du rayon fruits et légumes, et une tendance plus récente liée au rattrapage des nouveaux Etats membres de l’Union européenne (UE), de Roumanie, Hongrie, etc. où les niveaux de consommation moyens sont entre 4 à 6 kg par habitant et par an, alors que la moyenne européenne est à 12 kg »

« Ceci dit, le début de l'année 2017 a été très compliqué. Il a fallu 17 semaines avant de retrouver un prix importation en Europe qui était en conforme à celui qu'on avait en 2016 car ce qui était prévu est arrivé : il y a eu une avalanche de volumes sur ces premiers mois de l'année car il n'y a pas eu de dégâts climatiques très importants dans les grandes zones de production d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud. Grosso modo, l'offre et la demande ont été très bonnes » observe-t-il.

Depuis, le marché européen a pris de la hauteur avec des prix verts, à l'importation, qui ont augmenté. Le marché est à nouveau sur une tendance relativement bonne avec une consommation très dynamique. « Sur ce premier trimestre, on sera sans doute à 5-6% de hausse de la consommation sur l'UE. Les Etats-Unis devraient être à +2,5% sur ce premier trimestre alors qu'ils étaient atones depuis 3 ans. La Russie sur 2016 a fait +11% donc c'est un acteur qui revient en force sur ce marché qu'il avait un peu abandonné », précise Denis Loeillet.

 

Évolution des prix de certaines matières premières en 2016

et perspectives pour 2017

 

 

Variation moyenne de prix 2016 par rapport à 2015

Prévisions Cyclope 2017

Sucre

+34%

-1%

Charbon vapeur Asie

+15%

+13%

Huile de palme

+13%

– 7%

Or

+8%

-8%

Coton

+5%

0%

Café

+2%

+6%

Minerai de fer

+1%

-1%

Caoutchouc

+1%

+1%

Gaz naturel Europe

-34%

+21%

Nickel

-19%

+4%

Pétrole Brent

-16%

+20%

Cuivre

-11%

+13%

Cacao

-8%

-25%

Fret maritime sec

-5%

+48%

Source : Rapport Cyclope 2017

 


[1] Cyclope 2017, « Vent d’Est, Vent d’Ouest » sous la direction de Philippe Chalmin et Yves Jégourel, Éditions Economica, mai 2017.

Autres Articles

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *