16 juin 2010 - 08:40 |

De la nécessité d'une politique agricole au Nord comme au Sud

La position de Max Havelaar dans la réflexion sur la réforme de la PAC en 2013

(16/06/10)

Texte repris du site de Max Havelaar

Alors que vont débuter les négociations en vue de la nouvelle politique agricole commune, nous voulons souligner qu’il est aujourd’hui impossible d’envisager la question agricole européenne sans examiner en même temps ses corollaires incontournables que sont la qualité de notre alimentation, le maintien de la biodiversité, le changement climatique et le développement des zones rurales dans les pays du Sud.

Il est d’abord urgent de réaffirmer la nécessité d’une politique agricole au Nord comme au Sud. L’agriculture n’est pas un secteur comme les autres. Elle est la base de notre alimentation et elle a un impact sur notre environnement, notre économie et nos territoires, tout en étant soumise aux aléas du climat. Elle est à la fois indispensable à la vie et constitue un élément d’identité structurant pour nos sociétés. C’est pourquoi elle doit être orientée par la volonté politique et non livrée aux seules lois du marché. C’est ce qu’ont bien compris les dirigeants européens de l’après-guerre lorsqu’ils ont décidé de créer la PAC.
Orienter l’agriculture européenne pour qu’elle ne produise pas de déséquilibres au Sud

Toutefois, les limites de cette politique se sont fait sentir dans les années 1980. Le soutien par les prix et les aides à l’exportation ont eu des effets pervers : impacts négatifs sur l’environnement et exportation des surplus de produits à bas coût aux pays en développement qui ont mis en péril leurs productions locales.

Malgré les réformes successives de la PAC, il est plus que nécessaire d’orienter l’agriculture européenne pour qu’elle ne produise pas de déséquilibres au Sud. En effet, si les politiques agricoles ont permis aux Etats-Unis et à l’Europe de protéger et développer leur agriculture, les pays en développement, poussés à l’ouverture de leurs frontières et à la dérégulation de leurs marchés par les institutions internationales, ont vu leurs agricultures désorganisées, découragées. Leur souveraineté alimentaire s’en est trouvée mise en danger.

C’est pourquoi la nouvelle PAC devra arrêter de monter les agriculteurs les uns contre les autres. S’il faut préserver une PAC en Europe, il faut aussi instaurer un véritable pacte avec le Sud.

Cela nécessite un changement d’approche : il faut passer d’une culture étatique à une véritable culture de coopération au sein des filières.
Passer à une véritable culture de coopération au sein des filières

Dans le monde, huit cent millions de paysans sont des agriculteurs familiaux. Ce mode de production traditionnel joue un rôle structurant fondamental dans les sociétés. Là où c’est le cas, afin d’éviter des exodes massifs, il est crucial de préserver ce modèle. Il importe même de le renforcer et d’en faire un pilier de l’organisation des agricultures en encourageant le regroupement en coopératives, lesquelles pourront à leur tour mettre au point des formes d’organisation sectorielles, d’abord à l’échelle nationale, puis dans les sous-régions. Ces organisations pourront alors prendre part à des processus participatifs pour impulser des régulations des marchés.

Les marchés du commerce équitable sont aujourd’hui l’exemple que ces régulations sont possibles. Dans ce cadre, des prix planchers garantis sont décidés à l’issue de consultations qui incluent les réseaux de producteurs ainsi que les autres acteurs économiques de la filière.

Ainsi structurés, les acteurs économiques peuvent acquérir une réelle connaissance des marchés et de leurs enjeux. C’est en effet l’une des conditions nécessaires de l’équilibre de la concurrence : qui détient l’information détient le pouvoir. Les choix de productions peuvent ainsi être faits en conscience.

Un pacte sur l’agriculture entre l’Europe et les pays du Sud devra aussi inclure une gestion durable des territoires par les communautés qui y vivent et un véritable cahier des charges environnemental permettant de promouvoir les modes de production durable qui préservent les écosystèmes.
Faire émerger des parties prenantes organisées au Sud

A l’implication des producteurs dans les filières devra s’ajouter la sensibilisation de citoyens-consommateurs plus conscients des enjeux et des conditions de production. Les produits agricoles ne doivent plus être considérés comme de simples flux de produits interchangeables. Leurs prix doivent intégrer le coût de la survie et du développement du producteur, celui de la gestion des territoires. Ils doivent aussi tenir compte des coûts cachés comme celui de la pollution, de la perte de biodiversité, qui ne doivent plus être endossés par les contribuables ou par les générations futures.

Ces mesures sont déjà expérimentées avec succès dans ce laboratoire à taille réelle que constitue le label international du commerce équitable Fairtrade / Max Havelaar. Elles pourraient inspirer les futures politiques agricoles au Nord comme au Sud, notamment au niveau de la gestion des filières agricoles transnationales. Il faudrait pour cela dépasser plusieurs écueils. Le premier est celui de l’absence de parties prenantes organisées au Sud dont il faudrait susciter l’émergence tout en résorbant les problèmes de corruption. Cela passe par le renforcement de la vigilance de la société civile dans de nombreux pays du Sud.

Il faudrait aussi changer de paradigme en sortant les denrées agricoles de la logique de libéralisation absolue des négociations de l’OMC.

Enfin, il faudrait investir, d’une part pour améliorer les rendements dans la durabilité écologique ; d’autre part pour réinstaurer des instruments de régulation des matières premières agricoles.

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