Le CCC, pépinière de jeunes pousses de torréfacteurs de café en Côte d’Ivoire

 Le CCC, pépinière de jeunes pousses de torréfacteurs de café en Côte d’Ivoire
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Illustration du subtil dosage entre libéralisme et interventionnisme que maîtrise à la perfection le Conseil du café-cacao (CCC) en Côte d’Ivoire est son récent programme de formation de torréfacteurs de café. Initié en 2018, le récent Salon de l’Agriculture et des ressources animales (SARA 2019) a été l’occasion pour le CCC et pour ces torréfacteurs qui démarrent  de faire valoir leurs tous récents échantillons de café. Une initiative originale pour monter en puissance sur le “consommer local” en matière de café, générateur de valeur ajoutée, mais aussi de permettre à des vocations de naître et à des projets d’exister. En discutant sur le stand du CCC au Sara avec les responsables du programme et des bénéficiaires, on avait comme l’impression de vivre en direct l’ouverture d’une nouvelle ère du café en Côte d’Ivoire.

Le CCC est généralement connu pour ses activité dans la production et la commercialisation“,  explique à CommodAfrica Fernaud Koffi, chef de cellule Promotion Café au Conseil. “Mais une des prérogatives du Conseil est la promotion : la promotion du label, du produit, la matière physique, semi-finie et finie. C’est vrai du cacao pour lequel le gouvernement a donné comme directive de passer à un taux de transformation à 50% contre 30 et 33% actuellement de la production nationale. S’agissant du cacao, on produit environ 2 millions de tonnes, donc si on veut transformer 1 Mt, il faut trouver des débouchés. Il n’y a pas que les débouchés  traditionnels sur lesquels compter. Il faut penser aussi promouvoir la consommation domestique. C’est dans ce cadre que le CCC a des activités diverses dont celles au niveau des écoles, de la toute petite enfance, car ce sont des générations  de consommateurs et de décideurs de demain. Nous avons aussi des actions de promotion dans les institutions, dans l’administration. Mais il faut aussi des artisans bien formés qui travaillent dans ce secteur pour devenir des torréfacteurs et chocolatiers.”

De salariés du Conseil à torréfacteur

C’est dans ce cadre que, s’agissant du café, le CCC a décidé de lancer un appel à candidatures au sein de son propre personnel pour faire ressortir des projets. “Pour être certain de la qualité des postulants, nous avons pris 10 jeunes au sein du personnel du CCC. Donc ce sont des personnes qui connaissent déjà l’activité, qui connaissent les enjeux, la matière. On a effectué une sélection au vu des intentions”, précise le responsable du CCC.

Le CCC a envoyé en novembre un mail à chaque salarié lançant un appel à candidature“, explique une des bénéficiaires du programme, Valérie Brou-Toka, communicante de formation et salariée du CCC depuis 1999, et -déjà- directeur-général de Café Connexion. “J’ai soumissionné et en février nous avons été appelés : sur 75 candidatures, 10 ont été retenues. C’était sur dossier. Il fallait au moins bac +4 ou +5.”

Pour sa part, Kassem Koné, également parmi les 10 heureux élus et lui aussi déjà directeur-général de Café Naka, a fait des études d’informatique à l’Université de Syracuse aux Etats-Unis avant de revenir en Côte d’Ivoire et travailler au CCC. “C’était un rêve que de devenir torréfacteur… Quand le projet a été lancé, je me suis présenté et j’ai été choisi.

Une formation de terrain, en Europe

Une fois choisis, les 10 torréfacteurs en herbe ont suivi une formation au CCC, notamment avec le  Cirad, puis en Europe pendant un peu plus d’un mois. Tout d’abord en Italie chez le géant Lavazza, puis chez le plus grand torréfacteur portugais Delta Cafés, avant de venir en France à l’Agence pour la valorisation des produits agricoles (AVPA) dirigée par Philippe Juglar, spécialiste de longue date du café (lire Philippe Juglar : le snobisme doit se mettre sur le café, ou encore, Les cafés africains remportent 9 médailles au concours de l’AVPA), puis en Normandie chez Sébastien Lerat. Cet ancien salarié de Renault Sandouville, frappé par un plan de licenciement, est devenu meilleur torréfacteur de France en 2013 et gérant de la Brûlerie  de Bernay.

On les a envoyés en mars-avril être formés en Italie, au Portugal et en France, pour qu’ils sachent comment la consommation se fait et quelles sont les difficultés et les enjeux du métier“, explique Fernaud Koffi.

Le pied à l’étrier avec une machine de torréfaction

Troisième étape, la réception, la semaine avant le SARA, donc mi-octobre, de machines de torréfaction, entièrement financées par le CCC. Des machines commandées en Turquie mais qui serait de fabrication allemande.

 “Car nous les aidons de bout en bout“, précise Fernaud Koffi. “Ils continuent d’être salariés du Conseil jusqu’à l’achèvement de leur installation. Le CCC se charge de leur donner leur premières machine pour faire les premières torréfactions et se charge de leur installation. La seule chose que le Conseil ne fait pas est de choisir leur endroit d’implantation. C’est eux qui le choisissent en fonction de leur stratégie de promotion et le Conseil les accompagne jusqu’à ce que leurs industries soient opérationnelles.”

 Ils sont installés un peut partout, à Yamoussoukro, près d’Abidjan, etc. “Chacun s’installe où il veut.” C’est la phase actuelle.

Cafés au gingembre ou au petit cola

Des échantillons sont sortis pour le Sara mais maintenant nous allons véritablement travailler sur chaque produit. J’ai lancé mon service commercial et nous alons travailler la distribution sur le marché local en Côte d’Ivoire et dans la sous-région : le  Sénégal, le Burkina, le Mali et autres. Puis, au fur et à mesure, à l’international. On va exploiter tous les réseaux de commercialisation : on va déjà démarrer avec les grossistes, par le réseau des supermarchés et être références, et utiliser aussi le e-commerce pour vendre notre café. Nous ferons du 100% Robusta mais aussi des blends. Nous ferons  découvrir au consommateurs des marchés de terroir ivoirien mais aussi des cafés africains de nichen du Rwanda, du Kenya, d’Ethiopie, etc. Ceux d’Afrique centrale aussi. Il faut satisfaire tous les gouts“, explique Valérie Brou-Toka.

 

Et comment évolue le goût du consommateur ivoirien ? “Les Ivoiriens n’aimaient pas le café à cause de préjugés à l’égard de la santé. Donc il faut dans un premier temps leur expliquer que ces préjugés ne sont que des préjugés, que le café et le cacao ont des vertus énormes sur la santé. Quand ils auront intégré cela, le café ne se boira plus pour se faire un petit plaisir mais parce que c’est nécessaire à l’organisme“, précise Fernaud Koffi du CCC, prenant quelque peu à contre-courant des tendances de marketing ailleurs, basées essentiellement sur le “café-plaisir”..

Ceci dit, “En Côte d ‘Ivoire, nous avons du Robusta mais le Robusta n’a pas le même goût d’une région à l’autre. C’est pourquoi on parle de café terroir. En fonction du climat, des sols, de la végétation, les goûts diffèrent. Donc il leur appartient de sortir des cafés de niche, des cafés de terroir, des cafés avec d’autres saveurs car c’est eux qui sauront demain quel est le produit qui sied à tel groupe d’Ivoirien et à tel marché”.

Et pour la patronne de Café Connexion, il faut aller vers les goûts qui étonnent. “On a du café au gingembre, ca lui donne de la puissance car le gingembre pique. On a aussi du café au petit cola aussi qui est un aphrodisiaque. Le petit cola a un peu d’amertume donc avec le café, ça donne un gout spécial. On fait des recherches et des tests au niveau de la dégustation.”

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