Jean-Marc Anga de l’ICCO : 2017 a été une année très difficile pour le cacao

 Jean-Marc Anga de l’ICCO : 2017 a été une année très difficile pour le cacao
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2017 a été une année très difficile, résume Jean-Marc Anga, directeur exécutif de l’Organisation internationale du cacao (ICCO), interrogé par CommodAfrica ce matin. Des mesures sont à l’étude ; contrairement aux apparences, la Côte d’Ivoire et le Ghana se concertent ;  de nouvelles utilisation du cacao seront discutées lors de la 4ème conférence mondiale du cacao qui se tiendra en avril à Berlin ; mais, surtout, souligne le patron de l’ICCO, les pays producteurs africains doivent adopter des politiques volontaristes  pour promouvoir la consommation de cacao chez eux, comme l’a fait l’Indonésie.

 

Quelle est votre lecture de 2017 sur la scène du cacao?

2017 a été pour nous une année très difficile. Cela a commencé dès avril 2016 et nous sommes toujours dans cette tendance préoccupante parce que les cours restent obstinément aux alentours des $ 2 000 la tonne, ce qui n’arrange pas du tout la situation de nos pays producteurs et de leurs gouvernements. Pour 2018, je souhaite voir la filière cacao reprendre des couleurs, pour le bonheur des paysans et de leurs gouvernements.

Sauf à espérer que les planteurs se désintéressent  de la culture du cacao, que faire pour que les prix remontent car les stocks mondiaux sont très élevés ?

C’est malheureusement ce qui risque d’arriver si rien n’est fait. Nous avons fait le point de la situation en ce qui concerne les causes structurelles de cette baisse au niveau international. La surproduction a joué un rôle important et les pays producteurs, du moins les plus grands, sont conscients de leur responsabilité. Nous avons entendu les différents messages envoyés par ces pays concernant les initiatives à mettre en œuvre. Au niveau de l’Organisation, nous avons organisé plusieurs rencontres que nous avons appelées des Sommets de haut niveau. Un certain nombre de décisions a été arrêté et nous restons optimistes que les pays membres de l’ICCO -les pays producteurs en particulier, assument leurs responsabilités premières et vont mettre en œuvre des mesures.

Des efforts sont faits en matière de promotion de la consommation  et nous restons optimistes : les prix vont augmenter bientôt grâce aux différentes initiatives mises en œuvre par les principaux pays.

Le problème central est une production trop forte ou une consommation trop faible ?

Je dirais que c’est une inadéquation entre l’offre et la demande. Si nous nous trouvons dans un contexte où la production excède la capacité du marché à absorber, nous allons systématiquement nous retrouver dans la situation où nous sommes. En tant qu’ICCO, nous ne sommes pas en train de demander aux pays producteurs de réduire leur production. Ce que nous demandons est de mettre en adéquation l’augmentation de la production avec les besoins du marché.

Mais comment procéder, très concrètement ?

De manière concrète, il s’agit de ne pas investir tous azimuts dans l’augmentation de la  production. En tant qu’ICCO, nous plaidons pour avoir des initiatives à grande échelle mises en œuvre dans les pays producteurs pour promouvoir la consommation. Vous allez me dire que c’est un argument facile ! Mais c’est un argument qui a du poids et qui peut influencer les cours. Dans les quatre pays d’Afrique de l’Ouest et du centre, qui représentent environ 70% de l’offre mondiale, nous ne voyons pas d’efforts faits dans le domaine de la promotion de la consommation. Alors que si vous allez en Asie, l’Indonésie depuis quelques années a fait le pari de la promotion de la consommation. Nous le voyons de manière concrète chaque fois que nous visitons ce pays.

Donc, les pays doivent s’attaquer à la problématique de la promotion de la consommation. On peut dire que ce n’est pas à l’Etat de promouvoir la consommation, que c’est au secteur privé. Je suis d’accord jusqu’à un certain point. Mais nous devons reconnaître également que, dans certains pays, l’Etat a un rôle de facilitateur : il a pour rôle d’impulser le développement d’un secteur donné à travers un certain nombre de mesures.

Côté offre, on avait vu une belle initiative entre la Côte d’Ivoire et le Ghana pour resserrer leurs liens, mais on n’en entend plus guère parler. Où en est-on ?

Je pense que nous devons prendre au sérieux le rapprochement entre la Côte d’Ivoire et le Ghana. Ces deux pays représentent près de 60% de la production mondiale et je sais que les consultations se poursuivent au plus haut niveau des deux Etats, appuyés par des techniciens . Ce sont des initiatives dont nous verrons bientôt les résultats lorsque les pays auront décidé de mettre les fruits de leurs discussions sur la place publique.

Mais la Côte d’Ivoire a baissé son prix garanti au producteur depuis déjà la récolte intermédiaire 2016/17 alors que le Ghana a maintenu un prix élevé. Les flux clandestins vont donc s’intensifier. Peut-on parler de rapprochement entre les deux ?

Les deux pays travaillent de façon très étroite et ils sont conscients de l’impact de leurs politiques sur l’offre mondiale. Je reste optimiste et pense que, bientôt, nous aurons le fruit de leurs consultations.

En Côte d’Ivoire, il y a eu en décembre un nouveau problème de risque de défaut sur des contrat. L’ICCO peut-elle avoir un rôle pour rassurer les opérateurs ?

Nous ne portons pas de jugement sur la politique d’un pays membre pris individuellement. Nous avons une responsabilité qui s’étend à 51 pays membres et nous restons disponibles pour assister n’importe lequel de nos pays membres dans la conception et la mise en œuvre de sa politique  cacaoyère. Nous avons déjà eu à échanger avec de hauts responsables, ici, en Côte d’Ivoire et dans d’autres pays. Nous restons à leur disposition pour faire avancer la cause.

Pour revenir à la fluctuation des prix, comment peut-on faire pour les éviter et comment pouvez-vous, ICCO, promouvoir des mécanismes pour éviter ces fluctuations ?

Nous débattons tous, depuis plusieurs années maintenant, sur la forte fluctuation des prix du cacao. Personne ne peut prétendre détenir la solution. Nous continuons à préconiser que les pays maintiennent un niveau de coordination de leurs initiatives.

A ce sujet, au niveau de l’ICCO par exemple, les pays ont accepté la nécessité d’au moins réviser l’accord international actuellement en cours, sinon d’en renégocier un nouveau. Donc les pays membres de l’ICCO reconnaissent que l’accord de 2010, qu’ils ont négocié et ratifié, contient un certain nombre d’insuffisances qui ne permettent pas de répondre à ces crises telles que celle que nous observons actuellement. Des discussions ont déjà commencé entre les pays membres ; elles vont se poursuivre à Berlin en avril lors de la conférence internationale sur le cacao, et nous sommes persuadés que très bientôt les pays vont s’engager dans un processus soit de révision, soit de négociation d’un nouvel accord.

Dans ce nouvel accord, un certain nombre de dispositions seront introduites pour pallier ce que nous constatons comme des lacunes et qui provoquent des fluctuations considérables.

Quelles sont ces possibles solutions ?

Il y en a plusieurs dont nous réservons la primeur à nos pays membres pour examen en avril prochain à Berlin.

Avec le changement climatique, on envisage des changements de zones de plantation. Cela peut-il impacter l’Afrique, notamment l’Afrique de l’Ouest ?

La question du changement climatique ne s’adresse pas spécifiquement au cacao. Mais si on peut dire que l’avancement de la désertification peut avoir une influence négative en terme de production de cacao, réduisant la superficie disponible, il n’est pas exclu non plus que ce même changement climatique permette à des zones qui hier n’étaient pas propices à la culture du cacao, de le devenir. Donc il faut savoir raison garder et  laisser les experts travailler, faire des propositions qu’ensemble nous examinerons.

Quant aux marchés d’avenir, outre le développement  de la consommation dans les marchés producteurs africains, quels autres types de marchés d’avenir avez-vous à l’esprit?

Lors de la 4ème conférence mondiale du cacao à Berlin, une journée entière sera dédiée à la promotion du cacao sous des formes autres que le chocolat et sur l’innovation. A travers le monde, plusieurs pays ont des initiatives innovantes qui sont en train d’être vulgarisées. Nous avons aujourd’hui l’ambition de creuser hors des sentiers battus pour souligner un certain nombre de bienfaits du cacao,  que ce soit sous forme de chocolat  ou autres.

Que cela a-t-il changé pour votre organisation et pour le marché du cacao que le siège de l’ICCO soit maintenant en Côte d’Ivoire ?

D’abord, en terme de fonctionnement de l’organisation, les coûts sont réduits car nous ne payons pas de loyer, contrairement à Londres. Deuxièmement, la décision de venir à Abidjan nous permet de toucher du doigt la réalité des producteurs de manière plus concrète. Par exemple, nous avons pour ambition d’organiser un vaste programme de renforcement des capacités et former un plus grand nombre d’experts dans le domaine du cacao. Si nous organisons un atelier de formation, ici, à Abidjan ou dans un autre pays producteur, la probabilité d’avoir un plus grand nombre de participants originaires des pays producteurs, ceux-là mêmes qui vont bénéficier de ces formations,  est plus élevée que si nous le faisions à partir de Londres où ils seront soumis, non seulement aux frais de voyage, mais également aux difficultés d’obtention des visas et toutes autres dispositions logistiques.

 

Donc pour nous, il ne fait aucun doute que la délocalisation l’organisation de Londres à Abidjan répond au besoin de se rapprocher des pays producteurs. N’oubliez pas que le secteur du cacao à Londres se justifiait par l’existence d’une politique d’intervention au niveau du marché ; l’ICCO disposait d’un stock régulateur qu’il pouvait utiliser pour vendre et  acheter du cacao sur le marché. L’ICCO disposait de stocks de cacao dans certains ports de pays consommateurs. C’était l’époque ancienne. Depuis l’accord de 2001, l’ICCO est devenue une organisation de développement. Or, le développement se fait là où les besoins existent réellement, c’est-à-dire dans les pays producteurs. Aujourd’hui, l’industrie est véritablement le bras armé des pays consommateurs et dispose de l’expertise nécessaire pour répondre à ses propres besoins. Au niveau des pays producteurs, cette expertise est plus limitée. L’ICCO vient pour essayer de combler ceci.

Pour conclure, sur 2018, hormis un évènement météorologique grave, que pourrait faire remonter les cours rapidement ?

Nous sommes en train de peaufiner nos estimations pour les prévisions de la campagne 2017/18 et dans quelques semaines, l’ICCO va publier ses premières prévisions.

Et cela devrait permettre de faire remonter les cours ?

Notre objectif est de communiquer les statistiques et, comme d’habitude, les statistiques de l’ICCO sont attendues par tout le marché du cacao.

 

 

 

 

 

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