La Chine perturbe considérablement la campagne arachidière sénégalaise

 La Chine perturbe considérablement la campagne arachidière sénégalaise
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Il est à l’heure actuelle très difficile de qualifier la campagne arachidière sénégalaise : heureuse pour les producteurs, terrible pour les transformateurs. Alors que la production ne s’est jamais aussi bien vendue,  les licenciements vont se multiplier à la Société nationale de commercialisation des oléagineux du Sénégal (Sonacos) et à la Compagnie d’exploitation des oléagineux (Copeol) à la fin du mois de janvier, tandis que des violences à l’encontre d’opérateurs chinois ont été constatées… Revenons sur cette campagne qui avait dès le départ débuté dans un climat troublé.

A l’aube de la campagne, le gouvernement tente de rassurer la population

La campagne arachidière n’a pas encore commencé que dès la fin du mois de novembre, les paysans expriment leurs mécontentements face aux rumeurs d’un prix de l’arachide fixé à FCFA 210 le kilo, le même que lors des deux campagnes précédentes. La colère des agriculteurs est alors motivée par le souhait de voir le prix grimper à FCFA 225. La suppression du Premier ministre actée quelques mois auparavant, c’est le ministre de l’Agriculture et de l’équipement rural, Moussa Baldé, qui se trouve en première ligne, face aux critiques, et d’un silence pesant (Lire : Campagne arachidière sous tensions au Sénégal ?).

Toutefois, le gouvernement a anticipé les problèmes rencontrés lors de la campagne précédente. Des centrales de stockages pour l’arachides sont mises en place pour la Sonacos dès la fin du mois d’octobre (Lire : Le Sénégal créé des centrales de stockage pour l’arachide), et le gouvernement signe dès le début du mois de novembre une convention de financement avec la Société islamique internationale de financement du commerce (ITFC). Cette convention permet ainsi à la Sonacos de disposer de € 45 millions -une somme en augmentation par rapport à la campagne précédente- destinée à financer l’achat de graines d’arachides aux producteurs sénégalais (Lire : La Sonacos boucle le financement de sa campagne arachidière 2019/20).

Dans le même temps, la Chine invite les PME sénégalaises à la deuxième Exposition internationale des importations de la Chine à Shanghaï. A l’origine de l’achat de près de 400 000 tonnes d’arachide au Sénégal, le géant asiatique rappelle qu’en 2014 le gouvernement sénégalais a signé un protocole d’accord avec la Chine pour autoriser l’exportation de la graine d’huilerie vers l’Empire du Milieu, mais l’huile étant plus onéreuse, le géant asiatique se penche inévitablement vers l’achat des graines bien moins coûteuses. De même qu’en 2018, la Chine aménage un régime de préférence commerciale pour promouvoir les exportations de pays en développement comme le Sénégal. Un signe avant-coureur de ce qui allait se passer ?

La Sonacos rencontre d’immense difficultés

Le prix de FCFA 210 le kilo confirmé (Lire : Le Sénégal maintient le prix au producteur d’arachide à FCFA 210 le kilo en 2018/19), la campagne peut commencer en temps et en heure : le 3 décembre. Huit jours plus tard, le 11 décembre, les premiers constats témoignent que la Chine impose par sa présence sur le marché sénégalais (Lire : La Chine s’approvisionne “massivement” en arachide d’Afrique, selon n’kalo). Deux semaines après l’ouverture de la campagne, les premiers articles commencent à faire état de la situation pesante des industries huilières publiques comme privées qui peinent à trouver de l’arachide face aux exportations vers la Chine toujours plus importantes et des prix proposés aux agriculteurs défiants toute concurrence, allant du triple au quintuple des prix homologués. Une tendance qui ne s’essouffle pas, le 25 décembre, les producteurs se frottent les mains pendant que les transformateurs tirent la sonnette d’alarme et s’inquiètent de devoir mettre la clé sous la porte. Le gouvernement est pointé du doigt d’avoir fixé des prix du kilo de l’arachide aussi bas. Mais ce n’est pas la première fois qu’une telle situation se présente au Sénégal et d’un autre côté la dépendance à l’égard de la Chine fait grincer des dents.

A la veille du jour de l’an, Moussa Baldé est invité sur le plateau de Rétro 2019 de la chaine de télévision RTS, et témoigne des immenses difficultés de la Sonacos pour trouver de l’arachide et produire de l’huile à un prix compétitif sur le marché : « Pour ce premier mois de collecte, nous sommes à presque 200 000 tonnes d’arachides et les exportateurs se sont taillés la part du lion », déclarait alors le ministre, témoignant ainsi de la responsabilité majeur des producteurs dans cette situation qui écoulent leur production à plus de FCFA 250.

La situation dégénère, des ressortissants chinois sont attaqués

Le 6 janvier, le président Macky Sall condamne les agressions portées à l’encontre des opérateurs chinois de la filière arachide et rend compte de deux attaques perpétrées depuis le jour de l’an. Les malfaiteurs, armés de couteaux s’attaquent alors au centre de collecte et de stockage gérées par les chinois. Les malfaiteurs sont « attirés par l’appât du gain », souligne Sidy Ba, secrétaire général du cadre de concertation des producteurs d’arachides à RFI. En effet, les agresseurs ont volé un butin estimé à FCFA 20 millions dans la région de Kaolack. En conséquence, le président demande aux ministres de l’Intérieur et des Forces armées de protéger les citoyens chinois jusqu’à la fin de la campagne. Une protection des ressortissants chinois justifiée en ces termes par le président : « Les ressortissants chinois n’ont fait aucun mal. Ils participent à la campagne arachidière. Sans leur présence, la situation aurait été catastrophique comme l’année dernière ».

La Sonacos et la Copeol obligées de licencier des saisonniers

Face aux difficultés de collecter des graines d’arachides en quantité suffisante, le Sonacos qui n’a récolté que 10 000 tonnes de graines est obligée de prendre des mesures radicales et la direction générale de la Société nationale de commercialisation des oléagineux du Sénégal décide de licencier une grosse partie de ses employés. 1 050 préavis de licenciements sont distribués et prendront effet le 31 janvier, parmi lesquels 200 travailleurs de l’usine de Diourbel, 350 à Kaolkack et 500 autres à Ziguinchor.

Dans le même temps, la Copeol procède à son tour aux licenciements de 200 contrats de saisonniers qui prendront effet le 31 janvier : « Ces travailleurs vont perdre leur emploi et ceci est dû à une campagne de collecte de l’arachide désastreuse. Nous l’avions annoncé et crié partout mais j’ai l’impression qu’on ne nous a pas entendus », souligne Samba Wane, le secrétaire général de la section locale du Syndicat national des corps gras à la Copeol à emedia.sn, et poursuit « Aujourd’hui, nos dirigeants sont découragés, et envisagent de fermer l’usine ».

Rappelons que l’objectif fixé de la Sonacos est de collecter 250 000 tonnes d’arachides au terme de la campagne 2019/2020. En outre, la Sonacos doit rassembler FCFA 16 milliards d’ici 2024 pour renouveler l’outil industriel totalement obsolète de la société.

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