Avec la flambée des prix des produits alimentaires, le retour du protectionnisme

 Avec la flambée des prix des  produits alimentaires,  le retour du protectionnisme
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Bis repetita ! A l’instar de la crise alimentaire mondiale en 2007/08, les pays producteurs de matières premières agricoles sont de plus en plus enclins à faire du protectionnisme, suspendant leurs exportations, afin d’assurer leur sécurité alimentaire mais surtout de contenir la hausse des prix intérieurs et d’éviter des troubles sociaux.

La dernière interdiction en date vient de l’Inde, deuxième producteur mondial de blé, qui depuis samedi dernier a suspendu ses exportations de blé. Et pourtant, quelques jours avant, l’Inde s’était placée en fournisseur de blé en lieu et place des approvisionnements de la mer Noire limités par l’invasion de l’Ukraine par la Russie  et ambitionnait d’expédier un montant record de 10 millions de tonnes (Mt) cette année (Lire : L’Inde, nouveau grenier à blé du monde ?). Une décision vivement saluée par le président de la Banque mondiale, David Malpass, lors de son appel aux pays riches à déstocker leurs réserves alimentaires en faveur des pays les plus fragiles, notamment ceux du continent africain.

Mais la vague de chaleur qui sévit en Inde a conduit en mai à une réduction de la production de blé à 105 Mt contre 111,32 Mt en février. New Dehli fait aussi face à une flambée des prix intérieurs. Les prix du blé en Inde ont atteint des niveaux record, atteignant 25 000 roupies ($320) la tonne sur certains marchés au comptant, bien au-dessus du prix de soutien minimum du gouvernement de 20 150 roupies. Plus globalement, la hausse des prix de l’alimentation et de l’énergie a poussé l’inflation annuelle des prix de détail en Inde près d’un sommet de huit ans en avril, renforçant les attentes que la banque centrale augmenterait les taux d’intérêt de manière plus agressive.

L’Inde a affirmé que les exportations dotées de lettres de crédit déjà émises seront autorisées. Selon Reuters, seulement  400 000 tonnes, sur les quelque 2,2 Mt de blé actuellement dans les ports ou en transit, disposeraient d’une lettre de crédit. Si, les exportateurs indiens vont donc se retrouver avec des stocks de blé sur les bras,  ce sont aussi les acheteurs d’Afrique et du Moyen-Orient qui vont en être privé et qui vont difficilement trouver des alternatives et dont les prix pourraient grimper encore.

Cette décision de l’Inde n’est pas isolée. Sur un autre marché aussi très tendu et également affecté par le conflit Russie-Ukraine, les huiles végétales, l’Indonésie, premier producteur d’huile de palme, a interdit depuis fin avril les exportations de  plusieurs produits à base d’huile de palme  dans le but aussi de sécuriser l’approvisionnement intérieur et de faire baisser les prix (Lire : La Chronique matières premières agricoles au 28 avril 2022). On peut ajouter le plafonnement du volume exporté de blé et de maïs de l’Argentine, l’interdiction des exportations de céréales de la Hongrie, etc.

Multiplication des restrictions depuis le déclenchement de la guerre Russie-Ukraine

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février, « le nombre de pays imposant des restrictions à l’exportation de produits alimentaires est passé de 3 à 16 (début avril 2022). Le montant total des exportations concernées par les restrictions représente environ 17 % du total des calories échangées dans le monde » observe l’International Food Policy Research Institute (IFPRI). Et les produits touchés par les restrictions sont essentiels à la sécurité alimentaire. Ainsi, montre l’IFRRI, les cinq produits agricoles, représentant près de 90 % des calories importées, sont actuellement concernées par les restrictions à l’exportation : le blé (31 % des calories totales concernées), l’huile de palme (28,5 %), le maïs (12,2 %), l’huile de tournesol (10,6 %) et l’huile de soja ( 5,6 %). En termes de commerce total de produits individuels, les restrictions à l’exportation affectent 35,9% des exportations de blé, 55% des exportations d’huile de palme, 17,2% des exportations de maïs, 78,2% des exportations d’huile de tournesol et 5,8% des exportations d’huile de soja.

Un retour du protectionnisme qui alimente l’inflation et entrave la sécurité alimentaire dans nombre de pays, en particulier africains. Or l’Afrique, après la crise de la Covid-19 a vu ses marges de manœuvre très réduites avec des finances publiques fragilisées et un endettement croissant. Lors de la réunion du G7 à Stuttgart, le directeur général de la FAO a appelé les gouvernements à «s’abstenir d’imposer des restrictions à l’exportation, qui peuvent aggraver la hausse des prix des produits alimentaires et saper la confiance dans les marchés mondiaux». Ajoutant, nous devons en revanche «veiller à ce que les mesures prises pour faire face à la crise n’aient pas pour effet d’aggraver l’insécurité alimentaire et permettent au contraire d’accroître la résilience».

Prônant une plus grande transparence des marchés, la FAO a proposé lors de la réunion la création d’un mécanisme de financement des importations de produits alimentaires pour d’aider les pays à faire face à l’augmentation des prix des aliments. Le mécanisme, dont les interventions seraient strictement fonction des besoins et limitées aux pays à revenu faible ou à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, aux pays importateurs nets de produits alimentaires et à certains bénéficiaires de l’Association internationale de développement, pourrait profiter à près de 1,8 milliard de personnes dans les 61 pays les plus vulnérables du monde.

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