Bras de fer entre l’Union européenne et l’Asie sur l’huile de palme

 Bras de fer entre l’Union européenne et l’Asie sur l’huile de palme
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L’huile de palme est ces dernières années sur la sellette et l’adoption de l’huile de palme durable sous les critères de la RSPO (Roundtable on Sustainable Palm Oil), encore imparfaite pour certains groupes ou négociants, n’a pas réussi à effacer l’association entre huile de palme et déforestation. Un cran supplémentaire a été franchi le 13 mars avec l’adoption des critères de durabilité pour les biocarburants par la Commission européenne. En effet, selon ces critères, seule l’huile de palme a été classifiée dans les biocarburants non durables car elle provoque de la déforestation.

Ainsi, l’utilisation d’huile de palme dans les biocarburants, qui découle des objectifs de l’Union européenne (UE) en matière d’énergies renouvelables (RED II), sera progressivement réduite à partir de 2023 pour atteindre zéro en 2030. Les États membres de l’UE et le Parlement européen ont deux mois pour adopter ou opposer leur veto à l’acte, mais ils n’ont pas le pouvoir de modifier la règle. Un vote de la commission de l’environnement du Parlement européen est prévu également aujourd’hui.

Si l’acte est donc encore dans l’attente du vote du Parlement européen, la tension est palpable avec les deux producteurs mondiaux d’huile de palme, l’Indonésie et la Malaisie, qui s’estiment victimes de mesures discriminatoires. Lancés dans une intense campagne de lobbying depuis plusieurs mois, les deux pays asiatiques se font plus menaçant. L’Indonésie pourrait porter la question devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC). « Peu de temps après son adoption par le Parlement européen, il devient formel. Par conséquent, l’Indonésie est déterminée à renvoyer cette question à l’OMC », a déclaré hier le ministre de la Coordination des affaires économiques, Darmin Nasution lors d’une conférence de presse sur la politique discriminatoire de l’UE en matière d’huile de palme. Parallèlement, le ministre de la coordination des Affaires maritimes, Luhut Binsar Panjaitan, a déclaré que l’Indonésie entretenait de bonnes relations avec l’UE et espérait que ces relations pourraient être maintenues à l’avenir.

Du côté de la Malaisie, même indignation et volonté de passer à une étape supérieure. « En fait, nous avons écrit à tous les chefs de gouvernement de l’UE et leur avons signalé qu’il serait peut-être nécessaire de prendre des mesures de représailles s’ils poursuivaient cette discrimination à l’égard de l’huile de palme » a déclaré le Premier ministre Tun Dr Mahathir Mohamad. Parmi les mesures envisagées, des restrictions des exportations européennes. A la suite, du vote des parlementaires français en faveur de la suppression de l’huile de palme du programme de biocarburants à compter de janvier 2020, le Premier ministre avait adressé une lettre au président Emmanuel Macron où était spécifié que si la France persistait à interdire l’huile de palme, la Malaisie serait forcée de suspendre les négociations de libre-échange avec l’UE et d’imposer des sanctions similaires à l’encontre des exportations françaises.

De son côté, le Malaysian Palm Oil Council (MPOC) estime que l’acte européen devrait être suspendu tant que tous les éléments du régime proposé soient «clairs, correctement définis, fondés sur des données scientifiques, établis de manière factuelle, non discriminatoires et ne créent pas d’obstacles non nécessaires au commerce international», indique un rapport d’évaluation juridique et technique de l’acte européen. Le MPOC affirme que la politique de l’UE dans la nouvelle directive sur les énergies renouvelables  modifierait effectivement l’égalité des conditions de concurrence pour les matières premières de biocarburants concurrentes, violant ainsi les obligations de non-discrimination découlant du système de l’OMC et entraînant une restriction quantitative injustifiable contraire à l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce. Le MPOC pointe également l’absence d’études d’impact sur l’expansion des cultures vivrières et fourragères en Europe, conteste la période de référence choisie de l’UE, etc.

Un bras de fer qui intervient dans le contexte morose du marché mondial de l’huile de palme dont les cours ont perdu plus de 15% l’année dernière. Si la demande de la Chine et de l’Inde est déterminante pour l’évolution des cours, l’UE est le deuxième importateur mondial d’huile de palme, dont plus de la moitié est utilise pour fabriquer du biocarburant.

 

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