L’ACRAM et la Coffee Federation of Ghana surfent sur la nouvelle vague du Robusta

 L’ACRAM et la Coffee Federation of Ghana surfent sur la nouvelle vague du Robusta
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Recherche agricole et développement des marchés locaux sont au cÅ“ur des réunions sur le café Robusta organisées hier et aujourd’hui à Accra par l’Agence des cafés Robusta d’Afrique et de Madagascar (Acram) et la Coffee Federation of Ghana (CFG). Loin de toute morosité et en l’absence de toutes Cassandres malgré des cours mondiaux au plus bas, l’optimisme est au rendez-vous tant en matière d’amélioration de la productivité que du développement de la consommation locale, ce qui permettraient de redonner à l’Afrique, berceau du café, ses titres de noblesse.

 

Le monde du café Robusta a rendez-vous à Accra à l’invitation de l’Agence des cafés Robusta d’Afrique et de Madagascar (Acram), qui tient hier et aujourd’hui son 5ème colloque scientifique et sa 7ème assemblée générale, ainsi que de la Coffee Federation of Ghana (CFG) qui organisait hier son premier  Coffee Business Forum. On parle bien du monde du Robusta car au-delà des pays africains producteurs de cette variété de café, des représentants des autres continents sont présents dans la capitale ghanéenne, venus notamment  d’Amérique latine, d’Asie, d’Europe.

Le café au Ghana veut renaitre de ses cendres

L’évènement conjoint Acram-CFG est inédit, résultant d’un protocole d’accord signé en novembre dernier entre les deux organisations afin de booster la relance caféière au Ghana. Selon le président de la Fédération, le très charismatique Chief Nathaniel Ebo Nsarko, qui compte quelque 20 000 planteurs à son actif, “Notre relation avec le Cocobod a été renforcée par cet accord signé avec l’Acram“. Visiblement, il s’agit d’une situation gagnant-gagnant car l’agence de régulation ghanéenne, essentiellement active sur le front du cacao, entend dynamiser cette filière café largement abandonnée dans les années 80. Plusieurs tentatives de relance ont été entreprises, en 1991 ou encore en 2011, mais avec des résultats limités.

Mais un véritable renouveau est attendu de la réforme “Planting for export and rural development” lancée le 19 avril dernier par le président ghanéen Nana Akufo-Addo. Elle porte sur six produits dont le café. Un million d’agriculteurs serait impliqué dans 170 districts à travers le pays, dont 56 seraient ciblés pour la caféiculture.

Quant au Cocobod, il entend réintégrer le café dans sa stratégie globale. Non pas en tenant un rôle similaire à celui sur le cacao, car le secteur privé est appelé à jouer le rôle principal dans la réémergence de la filière café, mais en révisant la réglementation et le cadre opérationnel, de concert avec la CFG. “Le café a un grand potentiel tant sur le marché national qu’international, notamment avec la création d’un marché commun à l’échelle de l’Afrique“, a souligné le directeur général adjoint du Cocobod, Emmanuel Agyemang Dwomoh.

La qualité, la qualité…

Un optimisme largement partagé par l’Acram qui se veut avant tout “un outil de promotion” des cafés Robusta d’Afrique et de Madagascar et ce depuis sa création en 2008, souligne son président, le togolais Enselme Gouthon.

Mais pour promouvoir, il faut un produit de qualité ce qui implique, en amont, la disponibilité en  plants de caféiers, là encore, de qualité. Et le monde de la recherche joue un rôle central. “La dimension recherche est au cÅ“ur de la problématique de l’Acram qui promeut également le partage d’expériences entre ses membres”, explique son patron.

D’ailleurs, ce rendez-vous scientifique qui se tient actuellement à Accra clos un cycle de cinq colloques annuels qui ont démarré en 2014 avec quatre objectifs, a précisé Joseph Mouen Bedimo du Cocoa Research Institute of Ghana (CRIG) : la bonne compréhension des problèmes des caféiculteurs, la recherche de solutions, l’élaboration de conventions de partenariats entre chercheurs notamment pour l’échange de matériel végétal, et la mise en place d’actions concrètes à travers l’expérimentation en champs, la mise en place d’itinéraires techniques, de champs semenciers, de bouturages directs, entre autres.

Au titre de la coopération entre chercheurs de l’Acram, l’accord signé récemment entre la Côte d’Ivoire et le Cameroun a été particulièrement souligné car il porte non seulement sur la formation de producteurs mais aussi sur l’échange de matériel végétal, avec notamment des semences hybrides venus du laboratoire du Centre national de recherche scientifique ivoirien à Divo (lire nos reportage  et interview). Un accord qui a vocation a être élargi et généralisé.  “Dans les acquis institutionnels, on peut souligner la création d’une plateforme de coopération entre tous les membres de l’Acram et la volonté d’avoir des correspondants locaux. Nous voulons créer un programme de communauté de chercheurs du café en Afrique, mais aussi accroître la coopération avec les chercheurs des autres continents“, a déclaré Joseph Mouen Bedimo.

L’Afrique veut retrouver son rang

Mais tout ceci, concrètement, avec quel objectif ? Visiblement, pour reprendre son rang…. L’Afrique est le berceau du café, a-t-il été rappelé. Pourtant, le continent, notamment les pays producteurs de Robusta,  représente aujourd’hui une part négligeable de la production mondiale et n’en consomme pas !

Mais il ne s’agit pas de redynamiser une filière de petits producteurs pauvres, sans espoir de lendemains meilleurs. Il s’agit, concrètement, de mettre au point des techniques culturales, de sélectionner du matériel végétal performant, d’étudier les associations possibles de cultures avec le café pour concrétiser l’impérieuse nécessité de diversifier les cultures sur les fermes pour réduire, voire annihiler la vulnérabilité liée au prix et au climat.

“Il y a eu des études sur les associations culturales. L’association du café avec le riz et l’arachide ne pose pas de problème et aujourd’hui, grâce à la recherche, le café et le manioc peuvent être sur une même plantation sans problème“, a expliqué Hyacinthe Legnate du CNRA ivoirien. Il a rappelé l’évolution, entre les années 80 et 90, dans la sélection du matériel végétal entre les clones et les hybrides, soulignant les avancées fantastiques, notamment en raison de la grande homogénéité des hybrides.

On est à 3600 kg/ha/an pour les meilleurs hybrides contre 2500 kg/ha/an pour les meilleurs clones” dans les laboratoires du CNRA. Alors, certes, sur le terrain, au niveau des paysans, le rendement est plutôt de l’ordre de 350 à 400 kg/ha/an. “Mais on devrait atteindre 800 à 1000 kg/ha/an avec le nouveau matériel végétal qui est actuellement en train d’être mis en place chez les caféiculteurs“, souligne Hyacinthe Legnate. Depuis 2015, en Côte d’Ivoire, 150 000 ha ont été plantés avec ces nouveaux hybrides.

Une évolution que connaît également le Togo où 40 000 personnes travaillent le café. “Au moment de l’indépendance, le Togo cultivait essentiellement la variété Niaouli, mais les rendements étaient assez faibles. Depuis, nous avons créé des collections et réalisé des essais pour voir quels mélanges clonaux étaient adaptés aux différentes zones de production”, a expliqué Edoh Kokou Adabe, directeur du Centre de recherche agronomique zone forestière (CRAF). Résultat, “On est passé de 150-200 kg/ha/an  avec la culture Niaouli, à un rendement potentiel de 2 600 kg/ha/an en station et à 800 kg/ha/an en milieu réel.”

Des avancées en matière de recherche que chacun s’est déclaré disposé à partager avec d’autres membres de l’Acram, a-t-il été précisé, Hyacinthe Legnate appelant de ses vÅ“ux la mutualisation des efforts de recherche au sein de l’Agence. “Il faut créer un réseau d’essais multi-locaux pour promouvoir et valoriser les variétés améliorées de Robusta.”

Boire du café, c’est ‘bourgeois’

Mais la recherche n’est pas seulement scientifique, variétale et culturale. Des idées novatrices doivent aussi porter sur l’ensemble de la chaine caféière. “Le grand défi est la productivité“, a souligné Denis Seudieu, chef économiste de l’Organisation internationale du café (OIC). “Mais les autres défis sont le développement local de la torréfaction et de la distribution.”

Des défis que l’Afrique des Robusta entend, visiblement, relever. Car, à Accra, malgré les cours mondiaux du café en plein déliquescence, aucun vent pessimiste ne soufflait hier dans la salle du Mariott où se tenait la conférence. Les maître mots étaient -outre la diversification des cultures au niveau de la ferme pour réduire la vulnérabilité- le développement de la consommation locale, espérant surfer sur la mode des cafés très “trendy” dans les villes des pays producteurs.

C’est un moment très excitant pour être dans le café“, s’est exclamé Emi-Beth Quantson, fondatrice et présidente  de Kawa Moka à Accra. “Nos parents n’ont pas eu les opportunités que nous avons“, la chef d’entreprise citant les opportunités liées notamment au digital qui permet d’accéder à l’information et aux produits. “Utilisons nos produits locaux pour rendre le café intéressant. Ayons davantage de coffee shops. Informons pour arrêter les mauvaises interprétations.” Car, visiblement, le consommateur africain craint l’impact du café sur sa santé.

Interrogée sur les prix élevés du café dans ses coffee shops, la patronne de l’entreprise sociale assume : “Les coffee shops sont en milieu urbain. C’est de la consommation de luxe. Le marché de la consommation c’est être cool et être capable de connecter autour d’une tasse de café. Ce ne sera jamais un produit bon marché mais ça en vaut la peine. Boire du café, c’est ‘bourgeois’ !

Une analyse pas entièrement partagée par Hernan Manson, senior officer des chaînes de valeur et du développement durable au Centre du commerce international (CCI) à Genève. Pour lui, face à ces cours mondiaux au plus bas, il faut créer une alliance objective entre les parties prenantes de la filière et connecter le planteur au consommateur. Dans ce cadre, il a identifié quatre phases. La première a rendu accessible le café à tous, notamment au travers du Nescafé. La seconde a été le développement d’une meilleure qualité de café avec les cafés de spécialité et d’origine. La troisième a vu la montée en puissance des cafés de luxe qui se comparent au vin. La quatrième est de boire davantage de café et de qualité, tout le temps et par tout le monde. C’est le “cold boost”. En attendant la nouvelle tendance.

Visiblement, l’objectif énoncé par Emi-Beth Quantson semble déjà atteint : on ne s’ennuie pas dans le monde du café.

 

 

 

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