Abou Simbel Ouattara : “Etre aviculteur n’est pas le résultat d’un échec professionnel”

 Abou Simbel Ouattara : “Etre aviculteur n’est pas le résultat d’un échec professionnel”
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Abou Simbel Ouattara, fils de paysan, “né dans le milieu rural” comme il tient à le préciser, a renoncé à son poste de directeur régional au sein de l’ex-Office national des céréales (Ofnacer) au Burkina Faso afin de se lancer dans l’aviculture. Le choix de ce domaine d’activité répond à un besoin d’utilité pour lui, sa famille et son environnement social souligne-t-il, mais aussi à une passion pour l’élevage moderne des poules.

Dans cet entretien réalisé à l’occasion d’un tournage effectué lundi par notre partenaire Agribusiness TV, Abou Simbel Ouattara, PDG de Moablaou-SA, la plus grande société avicole au Burkina Faso revient sur son parcours, la description de la filière dans un pays comme le Burkina Faso et lance un cri de cœur.

Comment un ancien  fonctionnaire est arrivé à la tête d’une si grande entreprise ?

Il faut nuancer les choses. Au moment où j’ai démissionné de l’Ofnacer, j’ai lancé une opération beaucoup plus modeste avec 500 pondeuses. Mon atout principal était ma volonté, mon besoin d’utilité pour moi-même, ma famille et mon environnement social. Il y avait également, en amont, une passion : je suis fils de paysan, je suis du milieu rural. Donc pour moi, élever des poules et en faire une activité en plein temps étaient un défi.

Quelle est la capacité actuelle de production de votre entreprise ?

L’entreprise a une capacité de production de 150 000 à 180 000 œufs par jour sur un cheptel d’environ 200 000 pondeuses.

Comment faites-vous pour alimenter un si important cheptel ?

Une usine d’aliments est adossée à cette entreprise, ce qui permet à notre cheptel d’avoir une alimentation en quantité et surtout en qualité. Pour produire ces aliments, nous achetons chaque année plus de 6 000 t de maïs produit localement.

D’où viennent vos poussins ?

Auparavant, nous les importions des pays voisins, principalement de la Côte d’Ivoire. Mais aujourd’hui, compte tenu de l’envergure qu’a pris notre entreprise, nous ne trouvons plus de réponses dans ces pays, surtout en termes de moyens de transport. Nous importons donc de Belgique, des Pays-Bas et accessoirement de France.

L’installation d’un couvoir industriel répond à beaucoup de normes et il faut savoir que l’accouvage, la production de poussins, est une science qui est proche de la science exacte. A la moindre erreur, vous perdez tout ou vous mettez sur le marché des produits de mauvaises qualités. Alors il faut beaucoup de réflexions, de technologies et de maitrises pour produire les poussins.

Votre principal production sont les œufs. Comment évolue la demande au Burkina Faso ? Quelle est votre part de marché ?

En me basant sur mes 30 années d’expérience dans cette activité, nous avons multiplié par 120 la consommation des œufs dans notre pays. Une entreprise comme la nôtre était inimaginable il y a vingt ans. La consommation a beaucoup évolué surtout avec la croissance démographique. Nous revendiquons aujourd’hui environ 55% des parts de ce marché.

Comment s’opère la distribution ?

Tous nos œufs sont collectés ici à la ferme et calibrés. Le calibrage consiste à mettre tous les œufs d’un même emballage au même calibre. Vous n’allez pas trouver des petits œufs de taille M avec des œufs de taille XL. La déontologie de la profession interdit de vendre des œufs de taille inégale sur une même plaquette.

Une fois calibrés, les œufs sont expédiés sur document, enregistrés dans un logiciel de vente. Notre directeur commercial et ses collaborateurs repartissent immédiatement les œufs à chaque client, grossistes comme détaillants. Nous avons 4 grossistes et plus de 1200 distributeurs. Ce sont eux qui sont chargés de l’écoulement de la totalité de notre production et cela dure depuis plusieurs années déjà.

Le paradoxe chez nous est que ce n’est pas le client qui choisit le calibre ni la quantité des œufs ; c’est nous qui affectons un quota à chaque revendeur. La quantité ne suffisant pas, si chacun avait le choix, beaucoup seront brimés.

Parmi ces distributeurs, on compte beaucoup de femmes…

Dans nos sociétés, les femmes travaillent plus que les hommes. Elles sont plus méticuleuses, plus prudentes ; donc la commercialisation des œufs est principalement réussie lorsqu’effectuée par les femmes. Dans le portefeuille de 1200 personnes, il y a environ 800 femmes.

Comment faites-vous face à la concurrence des œufs importés ?

Nous rencontrons, de temps en temps, une concurrence d’œufs importés du Ghana ou de la Côte d’Ivoire. Cela peut perturber la production et dissuader les petits producteurs de continuer.

Sinon, l’importation n’est pas un frein. Au contraire. Tous ceux qui consomment les œufs importés sont des clients potentiels car ils seront habitués à consommer des œufs.

En 2015, vous avez perdu plus de 120 000 pondeuses lors d’une épidémie de grippe aviaire. Comment arrive-t-on à se remettre d’une telle épreuve ? 

On se remet parce qu’il y a longtemps que nous menions l’activité. Nous avons une expérience des animaux à cycle cours. En mars 2015, nous n’avions aucun cheptel mais en juillet 2015, nous nous sommes retrouvés en production parce qu’à l’époque nous avions un lot qui représentait une bande entière de 70 000 poulettes en élevage qui, elles, n’ont pas été emportées par la grippe aviaire. Nous nous en sommes servis comme tremplin pour relancer l’activité et un an après, nous avions 180 000 pondeuses.

Quelles leçons en avez-vous tirées ? 

Compter uniquement sur nous-mêmes. A ce jour, nous n’avons bénéficié d’aucuns soutiens matériels pour relancer notre activité contrairement aux dispositions qui sont émises par les organismes internationaux qui gèrent de tels secteurs. Mais nous avons pu nous relever et nous avons eu besoin d’appui technique pour savoir comment éviter à l’avenir ce genre de situation. Les vétérinaires nationaux et étrangers reconnaissent que notre système de biosécurité est une des meilleures de quasiment toute la sous-région. Mais il faut poursuivre les efforts. Mais nous renforçons la biosécurité car le risque zéro n’existe pas.

 

 

 

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