Omer Maledy : Que faire de la coque du cacao, toxique ? Les pièges à éviter….

 Omer Maledy : Que faire de la coque du cacao, toxique ? Les pièges à éviter….
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Succédant à la 4ème Conférence mondiale du cacao qui a pris fin hier soir, à Berlin, après trois jours de débats intensifs, les membres du Conseil de l’Organisation internationale du cacao devaient se réunir aujourd’hui et demain. Omer Maledy, secrétaire exécutif du Conseil interprofessionnel du cacao et du café (CICC) du Cameroun, présent à Berlin, a bien voulu répondre aux questions de CommodAfrica sur l’ordre du jour et les enjeux de cette réunion interne de l’ICCO.

 

Quel est l’enjeu de la réunion de l’ICCO en cette fin de semaine?

Il y a trois problèmes majeurs. Tout d’abord, celui du cadmium qui n’est pas petit, surtout pour les pays d’Amérique latine qui sont fondamentalement sur des terres volcaniques comme certains pays en Afrique. Ceci porte sur de gros volumes de cacao. Il faudrait qu’on trouve la bonne réglementation de limite admise en cadmium. Nous pensons que l’Union européenne (UE) va revoir sa réglementation car il est prouvé que c’est la coque qui contient le cadmium, ce n’est pas la fève.

Est-ce, quelque part, un problème déguisé ?

Non. La coque de cacao retient effectivement beaucoup de cadmium, 80 à 90%. Mais la coque est enlevée pour fabriquer le chocolat et la teneur en cadmium qui reste dans la fève est très faible. C’est scientifique. Par conséquent, le problème du cadmium doit être revu.  C’est le premier enjeu.

Que peut faire l’ICCO ?

L’ICCO peut mobiliser -et il le fait déjà très bien- tous les pays producteurs, y compris l’industrie pour que la règlementation européenne soit revue et soit plus équilibrée.

Il y a la cabosse, il y a la fève entière et la fève décortiquée sans pulpe. Donc, où est le problème ? Si le problème est le chocolat, il n’y en a pas, car il n’y a pas de coque dans le chocolat ! La coque, c’est un déchet.

Et l’UE regarde au niveau de la coque?

Non, elle regarde au niveau de la fève “telle qu’elle vient”, c’est-à-dire avec la coque.

Ce pourrait être une incitation pour les pays producteurs d’aller plus loin dans la transformation, pour exporter sans coque…

C’est un autre problème. Je crois que c’est l’enjeu des années à venir entre l’industrie, qui est en Occident, et les pays producteurs. Puisque la coque détient du cadmium qui est un déchet toxique, où va partir ce déchet toxique ? Nous craignons -nous pouvons en parler à haute voix maintenant – qu’on nous mette en place, dans nos pays, des industries qui retirent les coques pour qu’elles restent dans nos pays… Il vaut mieux qu’on trouve une solution globale sur ce point de fond.

Les coques restent nuisibles pendant combien de temps ?

Comme tous les métaux lourds, avec le temps, ça devient nuisible pour la santé. Mais la durée, c’est combien ? Tout est dans la mesure : quelles sont les limites autorisées et quelles sont les limites raisonnables?

Quelles sont vos propositions pour ces déchets ? Où iraient ?

Aujourd’hui, ces déchets sont en Occident puisque l’industrie importe les fèves avec les coques. Maintenant qu’il faut enlever les coques, c’est un problème pour l’industrie, qu’elle doit résoudre. Pourquoi serait-ce quelqu’un d’autre ? C’est un produit, c’est une matière brute. Que ceux qui en ont la fève, que ceux qui gagnent de l’argent avec le cacao et le chocolat s’occupent de la coque !

Puisque les pays producteurs veulent transformer, les industries vont saisir l’occasion ?

C’est le piège que nous devons éviter. Nous devons l’éviter. Rien n’empêche de transformer mais trouvons le moyen d’éliminer les produits dangereux. Trouvons ensemble un moyen. Si on doit transformer dans nos pays, il faut que les industriels trouvent avec nous une solution.

Quel est le deuxième point important à l’ordre du jour pour l’ICCO?

L’élection du nouveau directeur exécutif de l’organisation car Dr. Jean-Marc Anga est en fin de mandat. Il se présente pour un nouveau mandat comme candidat des pays producteurs; c’est le seul. Côté consommateurs, il y a deux candidats.

La réglementation de l’ICCO est assez stricte : le directeur exécutif doit avoir deux-tiers de chaque collège. Mais en général, le directeur exécutif est bien élu. Cela va se jouer, je crois, au consensus car c’est le principe de base de la prise de décision à l’ICCO.

Et le troisième point ?

Le marché. Il est actuellement désorganisé. Nous voyons les limites d’un accord international sans disposition d’ordre économique, sans aucune disposition contraignante. Alors, où allons-nous? L’objectif est de mettre un peu d’ordre, d’insérer quelques contraintes qui nous obligent à maintenir un bon équilibre du marché.

Comme quoi, par exemple ?

Certains ont émis l’idée de revoir l’accord, d’autres disent que non mais on peut prendre quelques dispositions ça et là. Toujours est-il que la question doit être vue. Et ce n’est pas une petite question, sinon il va régner un grand désordre.

Que la Côte d’Ivoire et le Ghana se rapprochent, envisagent de stocker des fèves, cela peut-il mettre un peu d’ordre ?

Je ne sais pas. S’ils constituent des stocks chez eux, ce sera toujours du cacao stocké qui existe quelque part. Au lieu d’être à Amsterdam ou à Hambourg, il serait à Abidjan ou Accra. Cela ne changera pas grand-chose fondamentalement. Par conséquent, c’est une solution qui aurait une portée très limitée à mon avis, car tout le monde saura qu’il y a du stock quelque part.

Et le stockage dans les pays producteurs n’est pas aisé…

Oui, cela coûte cher, très cher. Donc c’est une décision que le Côte d’Ivoire et le Ghana prennent en toute connaissance de cause. Mais, fondamentalement, je ne vois pas ce que cela changerait de savoir que le cacao est stocké, surtout si les productions à venir ne vont pas dans le sens de la baisse. Car on pense équilibrer le marché en stockant lorsqu’on prévoit une baisse des productions à  venir. Est-ce le cas ? Si c’est le cas, il vaut mieux stocker; si ce n’est pas le cas, je ne sais pas. Et aujourd’hui, personne n’a la maîtrise de la production car il n’y a pas de politique coordonnée de la production. Chaque pays veut être premier producteur. C’est là le problème. C’est pourquoi on se retrouve dans la situation actuelle.

Pensez-vous qu’entre la Côte d’Ivoire et le Ghana se soit un vrai rapprochement?

Il vaut mieux que ces deux pays se rapprochent ; ce sont les deux premiers producteurs mondiaux. En outre, ils sont voisins. Ils ont tout intérêt à se rapprocher et, avec eux, ils entraineraient les autres – le Nigeria, le Cameroun et tous les autres. Nous avons intérêt, nous, pays producteurs, à nous rapprocher.

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