Le Rendez-Vous Matières du Jeudi
Zoom sur le coton et le cacao
(26/06/08)
Cacao. « On est très haut », souligne un négociant. Mais à £ 1680 la tonne, le cacao n’a pas dit son dernier mot. La prochaine campagne 2008/09, il pourrait s’établir, en moyenne, à £ 1800. Et ce n’est pas de la pure spéculation, même si le mouvement haussier global sur les matières premières actuellement le tire vers le haut. Ses fondamentaux sont haussiers ! Sur les trois campagnes, la dernière, l’actuelle et la prochaine, il y aurait 650 000 t de cacao en moins. A fin 2009, le ratio stock/consommation serait à peine de 3 mois. Il est de 4 mois environ actuellement.
Aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, les fruits sur les cacaoyers représentent ce qui sera récolté entre octobre et décembre, durant le gros de la campagne principale. Et, déjà là, il manque 150 000 t, explique le négociant. Même si la petite campagne était extraordinaire, il est fort à parier quelle ne pourra pas rattraper le déficit de la première.
Quant au Ghana, il a déjà pré-vendu 75% de sa récolte 2008/09, soit 420 000 t sur les 570 000 t attendues. Du cacao vendu à $ 3400 la tonne, ce qui ne s’était pas vu depuis 1984 !
En outre, l’industrie est mal couverte. D’où la situation de déport sur le marché, où le rapproché est plus cher que l’éloigné : même si les perspectives à terme ne sont pas très bonnes, l’industrie peut vouloir acheter sur le marché de suite pour couvrir ses besoins.
Un marché du cacao qui est attentif à l’actualité ivoirienne qui fait un grand ménage dans la filière, au niveau de ses structures au plus haut niveau. La police ivoirienne a arrêté le 19 juin les deux principaux dirigeants de la Bourse du café-cacao (BCC) dans le cadre d’une vaste opération contre la fraude : Lucien Tapé Do, président du conseil d’administration de la BCC, et son directeur général, Tano Kassi Kadio. La veille, deux autres dirigeants de ce secteur, Henri Kassi Amouzou et Théophile Kouassi, avaient également été arrêtés. Tous quatre figurent parmi 23 dirigeants du secteur du café et du cacao mis en cause dans le cadre d’une vaste enquête anti-fraude ordonnée par le président ivoirien Laurent Gbagbo. Les investigations, selon la presse locale, portent sur le détournement de plus de 100 milliards de francs (152 millions d’euros) qui étaient destinés à développer les secteurs du café et du cacao.
Café. « Le marché à terme est toujours en hausse mais sur le marché physique, il est plutôt calme. Comme les autres marchés de matières premières, le terme devient incontrôlable, totalement déconnecté de l’offre et demande de physique. Les acheteurs devront finalement s’en accommoder », selon un spécialiste.
Caoutchouc. Les cours à terme du caoutchouc naturel sur le marché de Tokyo se sont nettement inscrits à la hausse en début de semaine, en réaction aux cours du pétrole. La hausse du pétrole suscite habituellement des achats de caoutchouc naturel au détriment du synthétique qui devient plus cher.
Dans les entrepôts japonais, les stocks de caoutchouc ont baissé d’environ 5% du 1er au 10 juin, ce qui correspond à un recul de 36% par rapport à la même période d’il y a un an. Sur le marché au comptant asiatique, les prix étaient soutenus par la faiblesse des approvisionnements, selon Reuters. Plusieurs traders anticipent une demande soutenue de la Chine, premier consommateur mondial de caoutchouc. Mais avec le niveau élevé des prix, les Chinois tardent à faire grossir leurs stocks.
Coton. On constate une reprise importante à New York, souligne un négociant de la place parisienne, de l’ordre de 10 cents la livre (lb) : sur une base décembre, le contrat était à 70 cents environ début juin. Il est aujourd’hui à 81 ! « On a récupéré 10 cents », constate-t-il.
Pourquoi ? Tout d’abord en sympathie avec les autres matières premières. Pétrole, cacao, café sont en hausse mais aussi le maïs en raison de mauvaises conditions météorologiques dans la ceinture cotonnière américaine en ce début de cycle. Le coton, lui aussi, est en plein « weather market », ce qui alimente la hausse des cours : il n’a pas plu au Texas, cette région des Etats-Unis qui produit quasiment la moitié de la production cotonnière nationale, en mai et au début du mois de juin alors qu’on était en pleine période de semis. Cela, bien entendu, suffit pour commencer à spéculer sur d’éventuels problèmes climatiques.
Autre facteur haussier, la baisse des stocks américains qui provoque une chute des stocks mondiaux. Finalement, il n’y a pas beaucoup de coton disponible, que ce soit en Inde où il est cher ou en Afrique zone Franc où il y a 25 000 t de moins qu’en 2006/07. Et ce coton n’arrivera sur le marché qu’en janvier.
Le troisième facteur explicatif de la hausse est plus psychologique. Le pic spéculatif en mars suivi de la chute, dans un contexte de crise liée aux subprimes, a ébranlé le négoce. « Chacun fait plus attention à ses positions », souligne l’opérateur.
Actuellement, le marché a de la peine à dépasser le seuil des 85 cents et se consolide autour des 83-84 cents. « Il ne faut pas se faire d’illusion », explique le négociant. « Le marché a du mal à aller plus haut car la consommation n’est pas bonne. Pour la ménagère, le textile n’a pas la priorité face aux produits alimentaires. Les ventes de fils, tissus, vêtements ne sont pas bons en France, au Royaume Uni, partout dans le monde. Les coûts de production des filateurs augmentent, même dans des pays jusqu’alors préservés comme l’Inde ou la Chine. Car, là aussi, les coûts de l’énergie, de la main d’œuvre augmentent. »
Sucre – Dans son dernier rapport sur le sucre, Fortis Commodity Derivatives écrit: ”Il ne serait pas surprenant, étant donné les fondamentaux et les facteurs techniques des matières premières, de voir le marché repartir de nouveau à la hausse d’ici peu.”
Le marché du sucre est soutenu par les dernières pluies au Brésil qui risquent d’affecter le rendement et la production de 2008/2009. En outre, la baisse de la production en Inde, la demande mondiale soutenue et l’intérêt grandissant des fonds investisseurs pour le sucre sont aussi des facteurs favorables. Et avec la cane à sucre qui est de plus en plus utilisée pour l’éthanol, les analystes pressentent une montée des prix dans les semaines à venir.