Transformation de l’anacarde : donnons à la Côte d’Ivoire les moyens de lutter contre la concurrence asiatique

 Transformation de l’anacarde : donnons à la Côte d’Ivoire les moyens de lutter contre la concurrence asiatique
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Face aux résultats historiques de la campagne 2021 de commercialisation de la noix de cajou, le Conseil coton-anacarde (CCA) peut se frotter les mains, le pays ayant réalisé sa meilleure campagne depuis cinq ans tout en respectant le prix plancher fixé aux planteurs (305 FCFA). Quelque 950 000 tonnes d’anacarde ont ainsi été achetées aux planteurs, soit près du triple de la campagne précédente, particulièrement difficile du fait de prix très bas et d’une demande en berne sur fond de crise pandémique. Favorisée par la forte demande sur le marché international, cette embellie a permis au CCA de dépasser son objectif de 900 000 tonnes. 

Aussi satisfaisants soient-ils pour le premier producteur mondial d’anacarde, ces résultats ne doivent pas masquer les efforts à réaliser en faveur des agriculteurs, qui bénéficient encore trop peu des retombées de ce marché en pleine croissance, comme le soulignait en début d’année un rapport de la Cnuced. Ils ne doivent pas non plus faire oublier que le taux de transformation locale plafonne à 12%.

Gagner en compétitivité

Si des progrès indéniables ont été enregistrés ces dernières années sur ce volet, le chemin est encore long, au vu de l’objectif de 50% d’ici 2025 fixé par le gouvernement, malgré les diverses initiatives prises depuis 2014 pour accélérer la transformation locale de l’or gris. Prime pour la transformation d’anacarde de 400 Fcfa/kilo, subvention de 20% à 25% auprès des banques pour l’achat des noix, rétention de 10% de la production nationale des noix brutes en faveur des transformateurs, augmentation du nombre d’entreprises de transformation locale, mesures fiscales incitatives… L’arsenal de mesures déployées depuis sept ans a été complété par la signature de conventions en 2019 avec douze entreprises du secteur, en contrepartie de leur engagement à accroître les quantités de noix brutes transformées de 107 mille tonnes sur quatre ans. Avec un triple objectif : améliorer la compétitivité de la chaîne de valeur, créer de l’emploi et, in fine, limiter l’exposition des 250 000 producteurs ivoiriens et des finances publiques aux aléas du marché international.

D’ici 2023, il s’agira de porter à 170 000 tonnes les engagements de transformation de la filière – soit un volume doublé par rapport à 2021. Avec un défi majeur : élargir les marchés d’exportation au-delà des marchés traditionnels que sont l’Inde, le Brésil et le Vietnam, qui les transforment localement. Et un véritable enjeu : la conquête du marché américain, qui représente 40% de la capacité mondiale, alors qu’il n’importe que 1% des noix de cajou ivoiriennes. Il s’agit de mettre fin à un système aberrant selon lequel les exportations de noix brutes ivoiriennes font l’objet d’un commerce triangulaire entre la Côte d’Ivoire, l’Asie et les Etats-Unis. Trois leviers permettront d’y parvenir : des capacité de décorticage décuplées, l’adhésion aux normes internationales et un appui renforcé des autorités aux opérateurs ivoiriens.

 

 

Spéculation

Si la dynamique est véritablement enclenchée et les résultats encourageants, reste à allier le qualitatif au quantitatif. Les unités de transformation doivent s’engager dans une démarche qualité afin de satisfaire aux normes internationales sur la sécurité sanitaire des aliments. Mais pour véritablement donner aux transformateurs ivoiriens les moyens de l’ambition gouvernementale, reste à leur permettre de gagner en compétitivité par rapport à la concurrence asiatique. Une concurrence massive, déloyale, qui lui permet d’acheter et d’exporter chaque année 80 % de la production ivoirienne par le biais de leurs partenaires locaux en proposant des prix plus élevés aux producteurs grâce à leur assise financière et leurs économies d’échelle, au détriment des acteurs locaux. Cette situation met en péril nos investissements, empêche nombre d’usines ivoiriennes de s’approvisionner en noix brutes ou les condamne à acquérir une part infime de leur capacité installée. Bénéfique pour les producteurs, la hausse des prix de vente nous pénalise, paradoxalement, la spéculation sur les prix se faisant au détriment de l’industrie locale.

Afin de tenir le cap de la valorisation de la filière, le gouvernement doit renforcer ses facilités financières, en prolongeant notamment en 2021 la prime de de 800 Fcfa/kg pour la noix de cajou brute initiée dans le contexte pandémique. Une autre piste à étudier serait d’accorder des droits exclusifs aux opérateurs locaux en début de récolte afin de nous donner accès à des noix de première qualité. Il en va de la cohérence de l’approche gouvernementale et des retombées économiques de cette filière hautement stratégique pour le pays.

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