Inquiétudes dans la filière riz au Nigeria et en Afrique

 Inquiétudes dans la filière riz au Nigeria et en Afrique
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La plateforme logistique nigériane, Kobo 360, l'”Uber pour camions”, lance un cri d’alarme, se faisant l’écho de nombreuses situations alarmantes en Afrique liées au confinement : les denrées alimentaires périssables se perdent faute de transport.

Les choses ne sont pas claires sur ce qui peut bouger… ou ce qui est considéré comme du transport essentiel“, souligne le co-fondateur de la start-up à succès, Ife Oyedele, interrogé par Reuters. Rappelons que Kobo 360 est une plateforme qui met en contact les propriétaires de flottes de véhicules avec les sociétés demandeuses de services de transport.

Actuellement, 30% de sa flotte de camions au Nigeria, Togo, Ghana mais aussi au Kenya et Ouganda n’opère pas. Des agriculteurs lancent des signaux de détresse devant leurs récoltes qui pourrissent dans les champs ou dans les entrepôts, en attendant des camions qui ne viennent pas. Et les moulins ne parviennent pas à acheminer leur riz décortiqué aux commerçants.

Le Vietnam pourrait reprendre ses exportations de riz

A l’import aussi les denrées se font rares car l’Inde, le Vietnam et le Cambodge ont interdit ou fortement réduit leurs exportations notamment de riz, afin de sécuriser leur propre approvisionnement, même si c’est en train de reprendre. Des mesures que l’Afrique sub-saharienne, premier importateur mondial, prend de plein fouet.

Aujourd’hui, le ministère vietnamien de l’Industrie et du commerce a demandé au Premier ministre de lever le quota sur l’exportation de riz afin que les livraisons reprennent totalement en mai. Rappelons que le troisième exportateur mondial de riz a interdit en mars toute exportation de la précieuse céréale, puis a autorisé en avril un quota à l’export de 500 000 tonnes (t). Reste à savoir ce qui sera décidé pour le mois de mai. A noter que sur les quatre premiers mois de l’année, le Vietnam a exporté 1,9 million de tonnes (Mt) de riz. Il lui resterait 6,5 à 6,7 Mt à exporter d’ici la fin de l’année, après avoir mis de côté les volumes nécessaires à sa consommation intérieure et à son stockage.

Quant à l’Inde, le confinement a été étendu au 5 mai, limitant fortement les flux commerciaux des marchandises dont le riz. Début avril, le pays a temporairement cessé de signer de nouveaux contrats à l’export. Les confinements ou des perturbation dans les chaînes d’approvisionnement au Pakistan ou encore au Cambodge perturbent leurs disponibilités à l’export. Rappelons que, habituellement, 9% seulement de la production mondiale de riz se retrouve sur le marché mondial.

Des réserves très faibles au Nigeria

Mais revenons au Nigeria où les transporteurs sont, théoriquement, exempts des restrictions du confinement, mais craignent d’être contaminés ou arrêtés voire pénalisés par des éléments zélés de police ; si les mesures de confinement ont été assouplies dans les Etats de Lagos, Ogun et dans le territoire fédéral d’Abujan, il a été imposé ce week-end dans l’Etat de Kano face à la hausse de cas de Covid-19 ce week-end.

Côté consommateurs, le manque d’approvisionnement alimentaire fait grimper les prix. Selon SBM Intelligence, le prix du sac de riz importé a augmenté de plus de 7,5% à Abuja et Lagos entre la troisième semaine de mars et début avril ; le sac de riz local a aussi grimpé de 6 à 8%.

 

Selon le ministre nigérian de l’Agriculture, Muhammed Sabo Nanono, le pays disposait d’environ 38 000 t de céréales dans ses réserves stratégiques gouvernementales, ce qui fait de cette région une de celles ayant les plus faibles stocks par rapport à la consommation. Selon le chef économiste pour l’Afrique de l’Ouest et centrale du Fonds internationale pour le développement agricole (Fida), John Hurley, des restrictions à l’exportation de pays rizicoles pourraient se traduire très vite en pénurie pour le Nigeria et d’autres pays de la région. Le gouvernement nigérian entend renflouer ses entrepôts de 100 000 t additionnelles, rapporte Reuters. Au Sénégal, le directeur exécutif de l’Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal (Unacois), Ousmane Sy Ndiaye, estime que les importations de riz ont baissé d’environ 30%.

Si le Nigeria a considérablement augmenté sa production nationale de riz ces dernières années, les chiffres du Département américain de l’Agriculture (USDA) soulignent qu’un tiers de ses besoins rizicoles est toujours importé. Au niveau de l’Afrique sub-saharienne, les pays dépendent des importations à hauteur de 40% de leur consommation.

Le gouvernement ivoirien se veut rasurant

S’agissant de la Côte d’Ivoire, dimanche, le ministre de la Promotion de la riziculture, Gaoussou Touré, a rassuré qu’il n’y aura aucune rupture de stock de riz en Côte d’Ivoire, dans la mesure où la mise en œuvre du Programme d’urgence riz permettra la production de 500 000 t additionnelles de riz blanchi, et apportera une réponse concrète aux effets néfastes du COVID-19 sur la filière, selon le communiqué.

Selon le ministre, le Programme d’urgence riz (PUR) 2020 qui a été élaboré permettra, entre autres, de soutenir les riziculteurs par la mécanisation de la mise en valeur des superficies retenues, de soutenir les riziculteurs par la mise à disposition de kits sanitaires et d’intrants (semences certifiées à haut rendement, engrais, produits phytosanitaires). Le PUR assurera aussi, a-t-il affirmé, la promotion du riz local Ivoire et la dynamisation des réseaux de distribution, ainsi que des revenus décents aux riziculteurs par l’obligation faite aux leaders de pôles d’acheter toute la production de riz paddy dans leurs zones d’activités respectives.

On craint pour l’avenir

Et l’inquiétude ne porte pas que sur la situation actuelle. Selon un sondage réalisé par l’entreprise nigériane qui fournit logistique et financements au secteur agricole, Afex Commodities Exchange, les stocks d’engrais dans le pays sont actuellement 20% moins élevés que d’habitude et il n’y aurait assez de semences et autres intrants que pour cultiver un million d’hectares contre les 30 millions habituellement cultivés, souligne Reuters.  Les banques ne viennent plus inspecter les fermes et donc n’accordent plus de crédit ; or, on commence à planter le riz au Nigeria en mai.

Le gouvernement prend des mesures pour limiter l’impact du coronavirus sur l’agriculture. le ministère de l’Agriculture a ainsi créé des cartes d’identité spéciales pour ceux travaillant dans le secteur agricole afin qu’ils puissent circuler librement. Il veille aussi à ce que les cultivateurs, meuniers, commerçants puissent opérer. Il incite à la production locale d’engrais tandis que la banque centrale œuvre à accroître les financements destinés aux agriculteurs.

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