L’huile de palme responsable en discussion en terre hostile

 L’huile de palme responsable en discussion en terre hostile
Partager vers

C’est à Paris en France pour la première fois que s’est déroulée lundi et mardi la réunion européenne de la Table ronde sur l’huile de palme durable (RSPO). La France qui est à l’avant garde de la contestation de l’huile de palme. Ne voit-on pas fleurir dans les supermarchés des produits estampillés « sans huile de palme » ? Les députés français ne sont-ils pas revenus à la charge plusieurs fois, sans succès, pour imposer une taxe dite Nutella ? Total n’importerait-elle pas trop d’huile de palme pour faire fonctionner sa bio-raffinerie à la Mède ?

Si le lien entre déforestation et production d’huile de palme n’est plus à démontrer, le discours évolue, au sein même des ONG qui ont été à l’origine du boycott de l’huile de palme, pour dire que l’interdire ne ferait que déplacer le problème et serait pire. Première huile consommée au monde, elle est aussi la moins chère et la plus productive avec des rendements 6 à 10 fois supérieurs à ceux d’autres cultures oléagineuses. Les palmiers à huile produisent 39% de l’huile végétale dans le monde mais sur environ 7% des terres affectées aux cultures oléagineuses.

Mardi, l’Union internationale pour la conversation de la nature (UICN) dans un rapport intitulé Huile de palme et biodiversité, tout en soulignant les impacts négatifs de la production de l’huile de palme sur la forêt, la biodiversité, les espèces animales affirme « Le fait que le palmier à huile soit une culture très productive, déjà̀ bien intégrée dans les économies nationales et mondiales, fait que son élimination, en vue d’atténuer ses impacts, ne soit pas une option viable. Un objectif plus réaliste serait, par conséquent, de faire évoluer la demande de consommation vers des sources plus durables ».

Depuis une quinzaine d’années, de nombreuses initiatives ont été prises pour une meilleure gouvernance de toute la filière au niveau des politiques publiques, des industriels et des certificateurs. La création de la RSPO a été la première réponse à ce vaste mouvement vers une huile plus responsable. Elle est aujourd’hui la première référence en matière de certification mais elle est aussi critiquée et certaines limites sont pointées sur doigt. Dernière en date, l’ONG Greenpeace dans une enquête accuse le premier négociant mondial d’huile de palme, Wilmar International, de contrevenir à ses propres engagements en matière de déforestation et de contourner la réglementation de la RSPO en s’approvisionnement auprès de la société indonésienne Gama qui pratique la déforestation. En outre, les concessions de Gama sont détenues et gérées par des cadres dirigeants de Wilmar et des membres de leur famille. Greenpeace demande à la RSPO d’appliquer ses règles et  à Wilmar et à Gama de s’enregistrer en tant qu’un seul et même groupe,  ainsi que de suspendre l’adhésion de Wilmar tant que les forêts tropicales détruites par Gama n’auront pas été restaurées.

Une huile de palme durable et responsable perfectible

Mais, la RSPO depuis 2004 ajoute des cordes à son arc et révise régulièrement ces principes et critères (P&C) de certification. Une nouvelle grille, plus coercitive, devrait être adoptée en novembre prochain. Elle a été discutée à Paris où ont été mis en avant les progrès en cours avec notamment l’inclusion de l’approche High Carbon Stock (HCS) et le développement d’un set de standards pour les producteurs indépendants. Xavier Sticker, ambassadeur délégué à l’Environnement, a rappelé lors de la réunion qu’il existait une double attente sur la certification des produits à risque pour la déforestation. D’une part, une diffusion plus large des labels et d’autre part, un rehaussement de leur niveau d’exigence sur les critères environnementaux et sociaux, la pratique d’audits indépendants et un meilleur accès pour les petits producteurs.

Perfectible, l’huile de palme durable doit aussi conquérir les grands pays consommateurs que sont la Chine, l’Inde ou l’Indonésie. Elle reste pour l’instant cantonnée aux marchés européen et nord-américain. En outre, si aujourd’hui 19% de l’huile mondiale est certifiée RSPO, seulement environ la moitié est vendue comme telle, souligne l’UICN. « En d’autres termes, bien que la certification vise à transformer les marchés pour faire de l’huile de palme durable une norme, la demande de certification de durabilité́ semble actuellement limitée » précise l’ONG. Se pose aussi la question des restrictions imposées à l’importation d’huile de palme sur les marchés occidentaux et de leurs effets éventuellement contreproductifs sur les pays producteurs d’huile de palme, en particulier les deux premiers mondiaux, l’Indonésie et la Malaisie (voir notamment l’interview d’Alain Rival du Cirad dans notre dossier Huile de palme).

Autres Articles

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *