Adama Ibrahim Diallo : « Nous avons un destin commun avec les petits producteurs laitiers européens »

 Adama Ibrahim Diallo : « Nous avons un destin commun avec les petits producteurs laitiers européens »
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La 4ème édition des 72 heures du lait local s’est déroulée du 25 au 27 octobre à Ouagadougou au Burkina Faso. Sur le thème “Quel environnement incitatif pour un accès des produits aux marchés institutionnels ?”, les acteurs du monde laitier burkinabè entendent réfléchir aux stratégies à adopter pour impliquer davantage l’Etat dans leur campagne d’éducation des populations à la consommation du lait local. C’est également l’occasion de discuter des enjeux et défis du secteur avec leurs compères européens avec qui ils partagent un destin commun, confie à CommodAfrica Adama Ibrahim Diallo, président de l’Union nationale des mini-laiteries du Burkina.

Quelle est la place de la production laitière au Burkina ?

Selon les statistiques du ministère de tutelle, nous avons un potentiel de 250 millions de litres de lait par an, mais seulement 5% est aujourd’hui valorisé. Nous avons aussi près de 9 millions de bovins au Burkina Faso. Vraiment, le potentiel est la pour accroître la part de l’élevage dans le PIB qui est aujourd’hui de 18%.

Quels sont les défis majeurs à relever dans le secteur laitier au Burkina Faso ? 

Les défis sont multiples. Au niveau de la production, c’est le défi de l’alimentation du cheptel mais aussi celui de la sécurisation foncière et du changement de méthode de production. La production agro-pastorale domine, mais elle ne valorise que faiblement notre potentiel. Nous incitons nos producteurs à aller vers plus de professionnalisme notamment en introduisant des méthodes de culture fourragère et de conservation du fourrage. Il y a aussi le défi de la qualité et celui de l’image du lait local.

A travers ces 72h, nous cherchons à relever ces défis en renforçant les mini-laiteries en équipements, fournis par Oxfam. Chaque année, au moins 10 mini-laiteries bénéficient d’un accompagnement pour intégrer les bonnes pratiques de transformation du lait et in fine mettre sur le marché de bons produits. Ainsi, le consommateur s’orientera vers le lait local au lieu de consommer le lait importé qui « détruit » le petit producteur au Burkina.

Les enjeux de la filière laitière sont énormes. Qu’en est-il à votre niveau ?

Les enjeux pour le lait nous dépassent. Ça implique les grands groupes qui s’installent sur le marché ouest-africain. Ils prétendent nous aider à développer la production, mais en réalité ils viennent pour vendre leur production.

Des organisations comme ROPPA et bien d’autres ont réussi à inscrire la question de l’offensive du lait dans l’agenda de la CEDEAO. Nous devons aussi à notre niveau donner du contenu à cette offensive.

Le problème est que nous sommes liés par des accords internationaux et sous régionaux. Le Tarif extérieur commun (TEC) sur le lait en vrac n’est que de 5%. Il y a aussi les Accords de partenariat économique (APE) avec l’Europe. Tous ces accords nous lient avec des enjeux économiques énormes qui font que les petits producteurs ne s’en sortent pas. Selon nous, le lait n’a pas été inscrit comme un produit agricole sensible dans ces accords. Donc cela pose problème.

A l’image de FaireFrance en France et de FaireBel en Belgique, un label FaireFaso a été créé il y a deux ans. Qu’est-ce-qui explique cette union ?

Depuis la levée des quotas laitiers en Europe, les producteurs européens souffrent parce que le lait est devenu moins cher sur le marché mondial. Nos producteurs locaux souffrent aussi. D’une manière ou une autre, il y a une sorte de dumping sur notre marché. Nous avons donc un destin commun.

Sur cette base, à l’image de FaireFrance et FaireBel qui se battent pour le lait équitable chez eux, nous avons créé FaireFaso. Avec ce label, nous interpellons les consommateurs, nous les informons sur le lait local, leurs apprenons à faire la distinction avec le lait en poudre. Même si le lait local est plus cher, ils doivent le consommer pour développer leur pays.

Des acquis ont-ils déjà été engrangés en deux ans de lutte commune ?

Nous avons été accompagné par FaireBel et aujourd’hui FaireFrance emboite aussi le pas. Des laiteries ont été fortement équipées pour qu’elles puissent porter la marque. Nous comptons 53 mini-laiteries. Déjà 3 mini-laiteries, accompagnées par FaireBel, portent la marque FaireFaso, qui assure une bonne qualité au Nord, à l’Est et au Sud-Est. Lors des 72 heures du lait local, FaireFrance a apporté un soutien financier de €10 000 qui bénéficiera à la mini-laiterie mini-laiterie Kossam de l’Ouest.

Quelles sont les ambitions futures et les stratégies pour les atteindre ?

Le label a été lancé en 2016. La population commence à le connaitre et à en comprendre la philosophie.

La deuxième stratégie, c’est l’orientation vers le marché institutionnel. Il faut que l’ensemble de nos mini-laiteries puissent fournir du lait dans nos écoles par exemple. Notre génération a été éduquée avec le lait en poudre. En consommant, ce lait ils pensent que c’est le meilleur. Il faut que les achats institutionnels soient une réalité pour toutes les mini-laiteries du Burkina Faso. Si nous éduquons dès maintenant nos enfants avec le lait local, ils comprendront que c’est le meilleur lait. Au Kenya, la majorité ne sait pas ce que c’est que le lait en poudre.

Quel est l’impact du marché institutionnel ?

L’impact des achats institutionnels est positif. Nous avons vu une min-laiterie, qui ne collectait pas plus de 50 litres de lait il y a trois ans, et parvient aujourd’hui à 1000 litres grâce à un accompagnement de la FAO pour les achats institutionnels. Elle a développé son réseau de collecte. Si les producteurs ont un marché, ils vont continuer à produire et à prendre des risques pour que la production puisse leur permettre d’avoir accès à ce marché, de faire des investissements et de prendre des crédits.

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