La digitalisation de l’agriculture face au défi de la connectivité en Côte d’Ivoire

 La digitalisation de l’agriculture face au défi de la connectivité en Côte d’Ivoire
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Les contours du nouveau visage de l’agriculture en Côte d’Ivoire, deuxième thème abordé au cours du séminaire de sensibilisation des étudiants journalistes aux questions agricoles organisé cette semaine à Abidjan par CommodAfrica et l’ISTC, ne font vraiment que s’esquisser. Alors, certes, l’effet cumulé des annonces de création de start-ups et de projets d’e-agriculture laissent à penser, dans un premier temps, qu’un pas réel est déjà franchi dans les zones agricoles et rurales ivoiriennes. Or, on n’en est à peine aux balbutiements, était-il rappelé hier lors du séminaire ; les choses se mettent en place lentement et, souvent, encore à titre expérimental. Or, “il ne faut pas perdre de vue qu’au moins 50% des productions sont perdues. Les gens produisent mais n’arrivent pas à vendre“, souligne Henri Danon du ministère de l’Economie numérique et de la poste.

Bien sur, certains acteurs privés sont déjà en place, comme l’entreprises Seekewa qui “agrège des biens et services pour les mettre à la disposition des agriculteurs aux meilleurs prix“, comme l’a expliqué hier son PDG Serge Zamblé. Il s’agit pour l’entreprise de rassembler le maximum de données, de data, de les faire passer à travers les algorithmes et autres outils d’analyse pour parvenir à offrir à l’agriculteur l’information la plus ciblée par rapport à sa culture, son lieu de production, les conditions météorologiques, etc. Ainsi, l’agriculteur peut être informé s’il est effectivement pertinent de cultiver de l’igname dans telle parcelle ou non, d’irriguer ou non, etc.. Il s’agit aussi -et surtout- par le biais d’une plateforme participative, de vendre à ceux qui veulent investir dans tel ou tel projet, des bons d’achats valorisés en points qui permettent d’acquérir des biens et services revendus sans bénéfice à de petits agriculteurs.

En revanche, AMD Agro Services cible les coopératives pour mettre à leur disposition des bases de données informatives et les aider dans les mises en relation avec des clients. Car “aujourd’hui en Côte d’Ivoire, nous n’avons pas de problème de productivité, nous avons un  problème de commercialisation, de vente“, explique Steve Djé, associé directeur et directeur de la plateforme qui reçoit 2 000 à 2500 visiteurs par mois. “Lorsque nous avons démarré en 2006, il n’y avait pas de base de données sur les coopératives. Les coopératives cherchaient les entreprises qui pourraient les financer. C’est ainsi qu’on a créé en 2013 cette plateforme qui permet à toutes les coopératives et entreprises de mettre tous types de documents. Depuis 2017, on a démarré avec les cultures de rente, le riz et les produits vivriers. Nous recevons des demandes de personnes voulant entrer en partenariat avec des coopératives qui ne pouvaient pas répondre aux demandes.”

Et les projets se multiplient avec des start-ups qui émergent sans cesse avec des idées plus astucieuses les unes que les autres. L’une d’entre elles menée par Vehi Gogbe Severin, étudiant en automatisme et fondateur de la start-up Agritech, est partie du constat suivant: “Notre économie est basée sur l’agriculture mais quand on voit comment nos parents vivent, c’est pénible !” D’où l’idée de concevoir des mécanismes intelligents en matière d’utilisation d’engrais et d’irrigation. Un projet qui a été primé au dernier salon de l’Agriculture et des ressources animales.

Nous voulons rendre disponible le réseau

Mais aussi brillantes que soient toutes ces entreprises et projets, ils requièrent, bien entendu, la connectivité en milieu rural. Le gouvernement, notamment le ministère de l’Economie numérique et de la poste a lancé un Projet de solutions numériques pour le désenclavement en zones rurales et l’e-agriculture (PSNDE). “Sur financements du gouvernement ($ 16 millions) et de la Banque mondiale ($ 70 millions), le projet est actuellement dans sa phase pilote dans les 10 régions (6 au nord et 4 au centre-ouest) de zone blanche, non connectées, et les spéculations ont été identifiées”, a expliqué son coordonnateur Henri Danon à la trentaine d’étudiants de l’ISTC en séminaire hier. Il s’agit de produits vivriers, riz, maïs, manioc, igname, plantain et des produits maraîchers. Pour les fermiers du nord, le karité est inclus.

Le gouvernement est actuellement en négociation avec les trois grands opérateurs que sont Orange, Moov et NTM pour le financement de l’extension du réseau national. “Car ces opérateurs n’ont pas d’obligation de couverture territoriale, juste de population. Or, on veut qu’ils couvrent les zones rurales où la densité démographique est faible”, précise Henri Danon. Il s’agit d’étendre le réseau téléphonique et internet 3G dans les zones blanches du Projet, soit dans 333 localités, et faire migrer 884 villages connectés du 2G au 3G. Lorsque ces territoires seront connectés, le ministère entend, lui aussi, offrir des services en ligne et des conseils agricoles notamment par l’intermédiaire des coopératives et de l’Anader.

D’autre part, le ministère organise avec les jeunes des hackathon sur des projets de développement de l’information. “Car pour déployer ces informations collectées en ligne, on a besoin des jeunes“, déclare Henri Danon. En 2018, quatre applications ont été primées ; en décembre 2019, une deuxième édition s’est tenue.

Un projet d’envergure qui s’annonce prometteur mais dont l’exécution doit s’accélérer car les start-ups et les entreprises privées d’e-agriculture, quant à elles, pressent le pas. Il y a urgence mais cette urgence se heurte aux lenteurs des process de la Banque mondiale pour valider tout projet car elle mesure les différents impacts de toute décision.

La voie vers la bancarisation

95% du secteur agricole en Côte d’Ivoire n’est pas bancarisé, a-t-il été rappelé. Et ces différentes initiatives, d’entreprises privées comme du gouvernement, ont comme première conséquence d’agréger des données sur des agriculteurs jusque là hors radar. La coopérative et l’agriculteur sont aidés s’ils donnent leur propre information sur leurs produits, leur exploitation, leur terrain, etc. A terme, l’historique de ces informations devrait permettre de débloquer l’impasse actuelle de la non disponibilité des agriculteurs au crédit bancaire. Car, les banques actuellement disent ne pas pouvoir financer les projets agricoles car ils ne disposent pas d’information sur les clients et les produits. Ceci fournirait un début de réponse.

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