Philippe Chalmin, rapport Cyclope : « Nous vivons la fin de la mondialisation heureuse »

 Philippe Chalmin, rapport Cyclope : « Nous vivons la fin de la mondialisation heureuse »
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On vit actuellement le calme entre deux tempêtes. Mais une chose est certaine, nous assistons à la fin de « la mondialisation heureuse ». Tels ont été les propos introductifs du professeur Philippe Chalmin, mardi, en présentant à Paris la 37ème édition du rapport annuel sur les marchés mondiaux de matières premières, Cyclope.

Cyclope est devenu une institution et une référence dans le monde des marchés, avec ses 60 collaborateurs (dont vos serviteurs…) qui analysent l’évolution sur l’année 2022 de la conjoncture mondiale et par grandes régions -dont l’Afrique bien sur- mais surtout de chacun d’une centaine de marchés de produits très diversifiés, allant du blé au zirconium en passant par les engrais, le fret ou encore l’art, avec  deux nouveaux venus cette année : le lin et le miel. Bien entendu, les produits tropicaux sont couverts comme le café, le cacao, l’huile de palme, l’ananas, la vanille, etc.

Les deux produits vedettes en 2022 ont été le gaz et le blé, selon Philippe Chalmin, avec pour toile de fond la « stagflation » qui rappelle les années 80 : ce mix d’inflation liée aux différentes tensions (énergies, industrielles, etc.) et de stagnation liée aux changements de données monétaires mais aussi à la Covid et notamment à la politique zéro-Covid de la Chine qui l’a mise en panne sur les trois derniers trimestres de 2022, précise encore le spécialiste.

Au fil des interventions des spécialistes agricoles, mardi, on notait que le marché céréalier le plus tendu aujourd’hui est celui du riz après une grande stabilité en 2022 jusqu’en septembre, lorsque l’Inde a adopté de nouvelles mesures restrictives à l’exportation, notamment sur les brisures de riz très demandées par la Chine qui s’est détournée en 2022 quelque peu du blé et du maïs, devenus trop chers.

Quant à l’Europe, elle est dans une période de « désarmement agricole », Philippe Chalmin soulignant son « inquiétude » car l’Europe ne vas faire qu’« exporter ses soucis environnementaux » sans véritablement contribuer à les régler. Une vraie inquiétude car « l’agriculture commence  à être en première ligne dans la lutte contre le changement climatique », Yves Jégourel, co-directeur de Cyclope, soulignant que l’UE a une stratégie en matière de ressources minérales mais non en matière agricole.

Le calme entre deux tempêtes

Qu’attendre de 2023 ? Ce calme entre deux tempêtes…. Le calme car l’heure est à la détente sur la plupart des marchés, notamment ceux de l’énergie. « L’ensemble du prisme énergétique reprend son souffle », indique le spécialiste. Mais cela ne devrait pas durer, notamment sur le pétrole avec la réunion la semaine prochaine de l’Opep+ qui pourrait décider de nouveaux quotas. Le brut est attendu à $ 110 le baril cette année alors qu’il est autour des $ 77 actuellement. Au second semestre 2023, la demande en pétrole devrait atteindre 102 millions de barils/jour, battant son record des 100 Mbj de 2019, a indiqué le spécialiste Francis Perrin, soulignant les revenus et profits records des entreprises pétrolières et l’utilisation massive des stocks pétroliers stratégiques dans le monde comme jamais auparavant.

Quant aux marchés agricoles, de nombreux produits comme le blé ont vu leur prix fondre de moitié depuis l’année dernière et les perspectives de récolte cette année sont bonnes. « Mais on est sur un calme passager en attendant l’incidence du phénomène météorologique El Niño », met en garde Philippe Chalmin. Les prix des métaux ont aussi été divisés par trois en un an. Quant au fret, « on est revenu à des taux d’avant la crise alors qu’ils avaient été multipliés par dix…. » Ce n’est pas pour autant que l’inflation n’est plus source d’inquiétudes, « l’élasticité à la baisse des prix au consommateur étant plus lente qu’à la hausse. »

Ceci dit, nous ne serions pas face seulement à un nouveau cycle mais véritablement à la fin d’un monde en attendant le prochain car les défis climatiques et alimentaires changent totalement la donne dans ce monde qui vient de franchir le cap des 8 milliards d’habitants. La crise actuelle est profonde, rappelant les crises des années 70 qui avaient sonné la fin des “trente glorieuses”. C’est en ça que Philippe Chalmin et Yves Jégourel, qui co-dirigent Cyclope, ont choisi comme sous-titre du rapport « Les cavaliers de l’Apocalypse », s’inspirant de l’Apocalypse de St Jean. L’Apocalypse, loin du pessimisme et du catastrophisme, évoque l’avènement d’un nouveau monde, a-t-il été rappelé mardi.

Ces « cavaliers » sont au nombre de quatre : la guerre (la réapparition de la guerre sur le sol européen avec l’invasion de l’Ukraine mais qui ne doit pas faire oublier toutes les autres, notamment au Soudan), la famine (la malnutrition pour un million de personnes), la peste (les pandémies humaines avec la Covid dont l’impact mondial est estimé par le FMI à $ 25 000 milliards, mais aussi animales avec, entre autres, la grippe aviaire), et les bêtes sauvages caractérisées à la fois par les guerres, le climat et la famine.

Le slogan de mai 68 « Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi », hantait mardi les salles aux plafonds dorés du très chic Autombile Club de France….

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