Yacouba Dembele d’ADERIZ de Côte d’Ivoire : « nous sommes presque certains que nous pouvons atteindre l’autosuffisance en riz en 2025 »

 Yacouba Dembele d’ADERIZ de Côte d’Ivoire : « nous sommes presque certains que nous pouvons atteindre l’autosuffisance en riz en 2025 »
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Dans un contexte de hausse des prix mondiaux du riz et d’une inflation alimentaire croissante, la Côte d’Ivoire importe encore une grande partie de ses besoins en riz. Où se situe aujourd’hui la stratégie nationale de développement de la riziculture ? Réponses à CommodAfrica lors du SARA 2023 de Youcouba Dembele directeur général de l’Agence pour le développement de la filière riz en Côte d’Ivoire (ADERIZ).

 

A plusieurs reprises, la Côte d’Ivoire  a repoussé son objectif d’autosuffisance en riz.  Où en êtes-vous aujourd’hui, la date de 2025 semble accessible ?  La hausse des prix mondiaux du riz donne-t-elle une nouvelle impulsion à votre stratégie ?

En principe cela devrait. Car la stratégie de développement de la riziculture devrait permettre de diminuer voire d’arrêter les importations. Malheureusement nous sommes encore un peu en retard car nous ne produisons qu’environ 1,2 million de tonnes (Mt) de riz pour une demande de 2 Mt.

Mais aujourd’hui nous sommes presque certains que nous pouvons atteindre l’autosuffisance en 2025.

C’est dans moins de deux années pour gagner plus de 800 000 tonnes supplémentaires ?

Il y a deux ans je ne pouvais pas affirmer un tel objectif. Pourquoi ? Parce que le riz c’est des fondamentaux. La première chose pour arriver à l’autosuffisance, c’est d’avoir des semences de qualité en quantité. Depuis trois ans, nous avons mis en place un projet qui nous a permis d’installer sept centres de production de semences plus quatre laboratoires. Les premiers centres ont commencé à produire. À pleine capacité, se seront environ 26 000 tonnes de semences produites par les 7 centres qui sont situés dans les départements de Korhogo, Man, Bondoukou, Gagnoa, d’Odienné, Agboville et de Yamoussoukro. Certains centres pourront délivrer des semences aux pays limitrophes, comme le Libéria, la Guinée ou le Mali.

Le deuxième élément des fondamentaux, c’est la mécanisation. Ne serait-ce qu’au niveau de la post-récolte, il y a en Côte d’Ivoire, une perte de 30%. Nous avons engagé un vaste programme d’équipements en matériel. Avant nous donnions des tracteurs, nous avons arrêté, cela ne donne pas. Nous avons fait la promotion des prestataires de services. Nous avons formé des jeunes gens et nous les avons équipés. Ces équipements sont remboursables, par exemple pour un motoculteur c’est trois ans. Lorsqu’un riziculteur a besoin d’un labour, il y a un accord entre la microfinance et le producteur puis avec le prestataire. C’est en place depuis deux ans. Nous avions un taux de mécanisation de 4%, il est passé à 17%.

Le troisième élément c’est la transformation. Le producteur ne produit pas du riz mais du paddy.

Ces trois éléments étaient essentiels pour parvenir à l’autosuffisance. Aujourd’hui, je suis à l’aise pour vous dire que les fondamentaux sont là.

Combien de rizeries ont été installées ?

En 2012, l’État avait installé environ 63 usines. Nous les avons cédées aux coopératives. Aujourd’hui, on constate un certain engouement avec 420 usines installées d’une capacité de 6 000 à 10 000 tonnes. En plus, l’État a entrepris d’installer 30 usines chacune de 25 000 tonnes. Aujourd’hui 19 sont déjà achevées. Notre capacité de transformation est même au-delà du potentiel de demain et d’après-demain, autour de 3 Mt.

Au-delà de ces fondamentaux, la production est-elle suffisante ?

Aujourd’hui, il nous manque deux choses.

Les superficies en maîtrise de l’eau sont insuffisantes. Sur un potentiel de 200 000 hectares, nous n’exploitons que 55 000 ha. De grands programmes sont en cours. Nous venons de terminer une étude sur l’irrigation de 30 000 ha sur les berges du lac Kossou. Un autre projet se situe dans la région de Bouaké où l’on va faire du riz, du maïs et du soja sur 25 000 ha. Dans la plupart de notre programme nous ajoutons à la culture du riz, le maïs et le soja car les demandes sont très importantes dans le prolongement du développement de la pisciculture, l’aviculture et l’élevage. Nous avons aussi des programmes à San Pedro et dans la région de Séguéla de 10 000 ha chacun. Ces programmes sont lancés aujourd’hui pour inverser la tendance entre riz pluvial et riz irrigué. Comme toujours l’État fait les aménagements et les mettra à disposition du producteur.

Le deuxième point où nous ne sommes pas très bon c’est le financement. Il faut que les intrants des producteurs soient préfinancés et que l’on vienne acheter les produits cash. Nous sommes en train de mettre en place des partenariats avec le secteur privé, les gros importateurs. Ils ont déjà marqué leur intérêt  et ont commencé à acheter du riz local et envisagent de créer une marque riz de Côte d’Ivoire. Cela nous permettra d’impliquer ceux qui sont en aval. Pour la prochaine campagne, qui commence en janvier,  ces importateurs sont prêts à préfinancer les intrants. Si l’on réussit cela on a fini.

Le riz local est-il apprécié par le consommateur ?

Oui. Le consommateur Ivorien ne choisit pas son riz en fonction des grades de qualité (5% de brisures, 25%, etc.). Il aime le riz de la saison.  Deuxièmement quand il est préparé il faut qu’il ait une bonne odeur et troisièmement qu’il ne sèche pas. Le riz Nerica n’a pu être introduit en Côte d’Ivoire car il sèche au bout de deux heures.  Nous avons plusieurs variétés de riz aujourd’hui qui sont très prisées par les Ivoiriens.

Le Centre national de recherche agronomique (CNRA) et la coopération japonaise la Jica ont fait chacun de leur côté une enquête sur l’appréciation du riz par les Ivoiriens et sont parvenus à la même conclusion : les trois premiers riz préférés des Ivoiriens sont locaux, ne vient qu’en quatrième position le riz importé. Depuis que nous avons introduit de nouvelles machines qui décortiquent le riz sans impuretés assurant une qualité, le riz local est plébiscité.

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