Ghana : Pourquoi les industries du cacao reçoivent-elles encore des incitations fiscales ?

 Ghana : Pourquoi les industries du cacao reçoivent-elles encore des incitations fiscales ?

Ghana : Pourquoi les industries du cacao reçoivent-elles encore des incitations fiscales ?

Les producteurs de cacao au Ghana se désintéressent de la culture et leurs terres vont à l’exploitation minière illégale. Donc nous devons tous travailler sur la question des prix du cacao, déclare  à CommodAfrica Jospeh Boahen Naidoo, directeur général du Ghana Cocoa Board depuis début 2017. Car si le segment cacao s’effondre, l’industrie du chocolat fera de même.

Quelle est votre analyse des tendances du prix du cacao ?

Je crois que les prix vont augmenter légèrement mais de peu. La hausse récente a été technique, reposant peu sur les fondamentaux. En Afrique de l’Ouest, le Ghana et la Côte d’Ivoire, qui représentent plus de 60% du cacao mondial, sont confrontés à des défis. Au Ghana, par exemple, la maladie du swollen shoot a affecté plus de 17% des cacaoyers, qui sont déjà dévastés. Et 2 à 3% des arbres sont vieux. Tous ces arbres doivent être coupés et replantés. C’est un défi parce qu’une fois que vous avez coupé un cacaoyer et que vous en avez replanté un autre, il faut environ sept ans avant qu’il ne commence à donner.

Avec la chute des prix et la baisse des revenus des agriculteurs, la plupart des producteurs a perdu tout intérêt pour la culture du cacao. Ce n’est pas attrayant pour les jeunes et ceux qui vieillissent – l’âge moyen du producteur est de 55 ans – ne sont plus motivés et proposent leurs terres à ceux qui exploitent illégalement les mines ou convertissent leurs plantations de cacao en caoutchouc ou noix de cajou. Par conséquent, la production de cacao au Ghana est menacée. C’est pourquoi nous prenons des mesures pour renforcer l’efficacité des fermes de cacao existantes afin que les agriculteurs puissent accroître leur productivité. C’est ce que nous avons entrepris depuis mon arrivée à la tête du Cocobod il y a un an et demi : faire passer les agriculteurs d’une faible productivité à une productivité plus élevée sur leur terre.

Vous avez envisagé il y a quelques mois de cesser d’offrir au planteur un prix garanti fixe et ensuite vous avez changé d’avis. Pourquoi ?

Les agriculteurs n’ont déjà plus guère à cœur la cacaoculture, donc si vous réduisez le prix, c’est comme si vous leur demandiez d’arrêter de produire. Avec la montée en puissance de l’exploitation minière illégale – ce que nous appelons au Ghana «galamsey» qui signifie exploitation minière illégale à petite échelle au Ghana- nous nous devions de maintenir le niveau de prix.

L’exploitation minière illégale signifie que non seulement ils nuisent à l’environnement mais aussi au secteur du cacao. Partout où les sols sont propices au cacao au Ghana, vous êtes également susceptible de trouver de l’or alluvionnaire.

Ainsi, lorsque les agriculteurs perdent intérêt, ils vendent facilement leurs terres aux mineurs. Pour  éviter cela, on ne peut pas réduire le prix de l’agriculteur.

@La Mandarine, Bertrand Boissimon

Mais si vous réduisez les volumes, les prix vont augmenter. Et si vous considérez ce qui se passe au Ghana et en Côte d’Ivoire avec les plantations illégales de cacao dans des forêts protégées et le swollen shoot, les volumes devraient baisser et les prix augmenter…

Le cacao est une culture botanique. Ce n’est pas comme le pétrole où on tourne un robinet. Une fois que l’arbre commence à fructifier, on ne peut plus l’arrêter. Et si le cacaoculteur cesse de produire, l’exploitation minière illégale prendra le relais et détruira la terre.

S’agissant du calendrier avec la Côte d’Ivoire, quels sont les deux ou trois points principaux qui sont à l’ordre du jour à court terme ?

Le partenariat porte essentiellement sur les prix – car l’écart entre le producteur et l’industrie est si grand – et nous devons examiner si nous pouvons harmoniser nos systèmes de commercialisation car ils sont très différents entre la Côte d’Ivoire et le Ghana. En outre, nous voulons nous attaquer à la contrebande transfrontalière du cacao. Il est très difficile de contrôler la frontière parce que c’est en grande partie une zone forestière et qui s’étend sur plus de 600 km. Vous ne pouvez pas déployer des forces de police tout le long.

L’harmonisation des prix serait donc la solution ?

Oui, nous voulons harmoniser notre prix et annoncer les prix afin que personne ne puisse spéculer et frauder. En outre, nous essayons de voir comment combler l’écart de prix, ce qui pousse les gens à frauder. Nous avons fait cela pour les engrais, et nous allons essayer pour le cacao.

Mais je voudrais également ajouter que nous devons tous travailler sur la question du prix du cacao au producteur.
dans la chaîne de valeur.

On parle de consacrer les recettes de la TVA dans les pays consommateurs pour aider les pays producteurs et faire quelque chose à propos des lois antitrust ? Quel est votre sentiment sur les deux questions ?

Les lois anti-trust travaillent contre nous. Chaque fois que nous rencontrons l’industrie et que nous voulons parler prix, ils disent: non, non, vous ne pouvez pas y toucher. Même lorsque nous parlions de la Cocoa Forest Initiative à Londres, quelqu’un a suggéré qu’on offre un prix équitable. Mais cette proposition n’a pas figuré dans les recommandations au nom des lois antitrust.

L’initiative doit venir de l’Europe car le défi est commun et la solution doit être gagnante-gagnante. Si l’industrie du cacao devait s’effondrer, l’industrie du chocolat s’effondrerait également. Le secteur du cacao est le maillon le plus faible de la chaîne de valeur et nous devons tous nous assurer que ce lien ne se brise pas, sinon les agriculteurs abandonneront leurs fermes et se lanceront dans d’autres cultures. Cela commence déjà dans la partie centrale du Ghana où tout le monde se tourne vers la noix de cajou. Il y a 10 ans, tout le monde était dans le cacao. Cela devrait être un signal fort pour l’industrie en Europe et en Amérique.

@La Mandarine, Bertrand Boissimon

Le Ghana est le n°2 mondial du cacao, alors pourquoi ne pas prendre une participation au capital de Barry Callebaut, Nestlé, etc. ?

C’est quelque chose que le Ghana envisage. J’en ai discuté avec mon président du conseil d’administration et même avec le chef de l’Etat. Vous savez que je suis en fonction depuis un an et demi seulement…

Quelle est votre position à l’égard de l’industrie du cacao au Ghana et les aides qu’elle reçoit ?
 

Au Ghana, les usines locales comme Cargill, Barry Callebaut, Olam, bénéficient toutes d’une décote de 20% sur le prix des fèves, juste pour les motiver …! Nous leur avons octroyé cet avantage pour  les inciter à investir au Ghana et construire leurs usines. En outre, ils sont situés dans la zone franche et donc bénéficient d’allègements fiscaux ou ne paient pas du tout d’impôts. Mais certains de ces groupes sont au Ghana depuis longtemps, depuis 10 ans, 15 ans ! Cela signifie que nous nous sacrifions, que nous ne prenons rien en contrepartie, et nous continuons à leur donner des avantages fiscaux, juste pour les motiver.

Vous voulez donc arrêter de les subventionner ?

C’est quelque chose que nous devons peut-être envisager.

Quelle est la consommation de chocolat au Ghana ?

Elle est très faible. Nous ne sommes même pas à 1,5 kg/ha. Nous devons améliorer ceci et nous démarrons en septembre un programme alimentaire scolaire. Dans toutes les écoles, on servira du  cacao.

Le Nigeria, la Côte d’Ivoire, le Cameroun démarrent, chacun aussi, ce type de programme…

Oui. Chaque pays a décidé, de son côté, d’initier un tel programme. Avec la Côte d’Ivoire, dans le cadre de notre accord, nous avons échangé des idées et l’une des décisions prises par les deux pays porte sur l’augmentation de la consommation locale, en commençant par les enfants. Parce que le cacao et le chocolat ont des avantages nutritifs. Nous voulons que nos enfants en profitent et développent également leur goût pour le cacao afin que nous puissions avoir un marché local et ne pas toujours chercher des marchés à l’exportation.

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