Sucre ou éthanol, le Brésil hésite mais broie à tour de bras

 Sucre ou éthanol, le Brésil hésite mais broie à tour de bras
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Au Brésil, la récolte de la canne ne démarre officiellement qu’en avril, mais les raffineries, notamment dans la ceinture de production du centre-sud, n’ont pas attendu. Et depuis le début du mois de mars, on broie à tour de bras. Selon le groupe industriel brésilien Unica, 3 millions de tonnes (Mt) de canne ont déjà été broyées durant la première quinzaine du mois de mars, soit 88% de plus que sur la même période l’année dernière ! Des raffineries qui ont consacré 14% de la canne à la production de sucre contre 6% début mars 2019. En comparant toujours à un an d’intervalle, 32 raffineries étaient en opération début mars contre 25, avec une production de sucre qui a atteint 41 000 t contre 9 000 t ; la production d’éthanol s’est élevée à 244 millions de litres contre 147 millions.

Selon Antonio de Padua Rodrigues, directeur technique d’Unica, il est encore trop tôt pour avoir une idée précise de la répartition de la transformation de la canne entre le sucre et l’éthanol. Certes, les cours du pétrole sont très faibles (au Brésil cette semaine, les prix de l’essence aux raffineries ont été au plus bas depuis octobre 2011), ce qui n’incite guère à produire de l’éthanol mais le Brésil pourrait constituer des stocks de ce carburant face aux incertitudes liées au coronavirus.

Ceci dit, la plupart des analystes interrogés par Reuters considèrent que la production de sucre augmentera cette année. Rappelons que, ces deux dernières années, 34% de la canne seulement allait à la production de sucre, son plus faible ratio historique. Juio Maria Borges, ancien responsable de Copersucar, la plus grande coopérative sucrière au monde, estime que ce taux atteindra 46% cette année. Selon lui, 10 Mt supplémentaires de sucre iront à l’export, portant à 29 ou 30 Mt le sucre vendu à l’international cette année contre 19 Mt la saison dernière ; c’était alors son plus faible volume depuis des années. Il faut souligner que, l’année dernière, 40% du carburant utilisé dans les véhicules légers était de l’éthanol, la production atteignant 34 milliards de litres.

Pour sa part, le consultant brésilien Safras & Mercado a révisé à la hausse son estimation de mix du mois de décembre, à 46% de sucre contre 44% avancé avant ; il était de 34% la campagne dernière, selon l’expert. Evidemment, souligne Claudiu Covrig chez S&P Global Platts, si le Brésil connait la récession, les gens utiliseront moins leur véhicule et la demande en éthanol baissera. En outre, si les cours mondiaux du brut chutent encore davantage, cela pourrait déboucher sur une guerre des prix sur le marché brésilien de l’énergie, avec à la clef l’importation de pétrole à des prix défiant toute concurrence. Ce qui aurait un impact dramatique sur le marché mondial du sucre car le Brésil consacrerait encore plus de canne à la production de sucre qui, inévitablement, partirait à l’export. Or, rappelle Claudiu Covrig, chaque hausse de 1% dans le mix en faveur du sucre représente environ 800 000 t de plus de sucre produit.

Mais les raffineries connaissent des limites dans cette bascule de production entre l’éthanol et le sucre, poursuit Reuters. Pour pouvoir broyer l’intégralité des 600 Mt de canne à temps, elles doivent utiliser leurs capacités de production dans les deux segments que sont l’éthanol et le sucre. Le patron d’Unica, Evandro Gussi, est en discussion avec le gouvernement à Brasilia pour accorder aux producteurs d’éthanol des reports fiscaux pour les aider à demeure rentables ces prochains mois. Sont en jeu le marché brésilien et le marché mondial du sucre.

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