La Chronique Matières du Jeudi (17 décembre 2015)

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Sans grande surprise, le Réserve Fédérale américaine a annoncé hier soir relever ses taux directeurs. Si le  dollar est demeuré relativement stable toute la journée, la décision étant entendue, les marchés des matières premières ont baissé en symbiose avec le recul du prix du pétrole. Un nouveau glissement du réal brésilien face au dollar a également pesé sur les prix des produits de base du géant latino-américain. L'indice Thomson Reuters CoreCommodity Index qui regroupe 19 commodities est tombé à son plus faible niveau en 13 ans.

CACAO

Le cacao a terminé en baisse de £ 24 mercredi sur le marché à terme de Londres, à £ 2 262 la tonne (t), tandis qu'elle perdait $ 47 à New York, à $ 3 291.

En revanche, sur le terrain, chez le n°1 mondial du cacao, les exportateurs paient des primes de plus en plus élevées afin de sécuriser leurs approvisionnements en fèves. Au fil de la campagne, qui a démarré assez fort le 1er octobre, les volumes d'arrivages aux ports d'Abidjan et de San Pedro se sont effrités, faisant craindre une fin de campagne principale prématurée. Ainsi, du 7 au 11 décembre, les arrivages aux deux ports d'Abidjan et de San Pedro ont été de 58 000 t contre 69 000 t sur la même semaine l'année dernière.  Depuis le début de la campagne 2015/16 et jusqu'au 13 décembre, les arrivages auraient totalisé 592 000 t contre 605 000 t sur la même période la campagne dernière, estiment les exportateurs. En outre, l'harmattan souffle particulièrement fort, faisant craindre pour la suite de la récolte.

Les exportateurs n'hésitent donc pas à payer FCFA 30 à 50 ( € 0,05 à 0,08) le kilo au dessus du prix minimum garanti de FCFA 1 000 (€ 1,52) le kilo cette campagne, ce qui donne FCFA 1 088 le kilo rendu entrepôts aux ports, souligne Reuters. Rappelons que le Conseil du café-cacao (CCC) autorise maintenant que le bonus versé par les exportateurs aux marchands excèdent FCFA 15 le kilo afin de pouvoir sécuriser leurs volumes. Il est aussi revenu sur la limitation des volumes pouvant bénéficier de ce bonus. Les bonus se trouvent, ainsi, totalement débridés.

Les perdants ? Les petits exportateurs locaux qui ne parviennent pas à suivre cette surenchère des montants de primes.

Rappelons qu'en 2014/15, la Côte d'Ivoire a enregistré une récolte record de 1,8 Mt mais différentes sources industrielles s'entendent pour dire que la production chutera cette année. Ce qui, en conséquence, conduit à estimer que le marché mondial cette campagne sera déficitaire. Un déficit estimé par ECOM Agrotrade à 183 000 t. Pour sa part, l'influent courtier américain Eric Bergman l'estime à 100 000 t ; 2014/15 aurait été excédentaire de 25 000 t, estime-t-il.

Mercredi, le Parlement ghanéen a approuvé un don de $ 300 millions au Cocobod afin que le régulateur de marché du cacao puisse refinancer sa dette. Ces $ 300 millions s'ajouteraient au $ 1,8 milliard lever en septembre sur les marchés internationaux pour financer les achats de cacao du n°2 mondial sur la campagne 2015/16.

CAFÉ

Les prix de l'Arabica ont baissé hier, à $ 1,192 la livre, suivant en cela une tendance générale des marchés des matières premières avec un nouveau glissement du prix du baril mais surtout la poursuite de la glissade du real brésilien qui favorise les exportations du pays. Le Robusta, quant à lui, a terminé mercredi soir en hausse de $ 6, à $ 1 486 la tonne, mais après avoir perdu durant 6 sessions consécutives de marché. Le Robusta est à ses niveaux de prix les plus bas depuis 2 ans, ce qui conduit les producteurs et exportateurs vietnamiens à poursuivre leur politique de rétention en attendant des jours meilleurs. Ceci dit, le Vietnam aurait exporté 96 000 tonnes (t) de Robusta en novembre, soit 1,6 million de sacs de 60 kg, en hausse de 8% sur octobre, ce qui conduit à penser que le pays puise dans ses stocks et continue d'écouler son café de la dernière campagne.

Au Brésil, l'agence gouvernementale Conab a relevé ses estimations de récolte 2015/16  à 43,24 millions de sacs de 60 kilos (Ms) par rapport aux chiffres avancés en septembre (42,15 Ms), mais en baisse par rapport à la récolte 2014/15 qui était de 45,64 Ms. Conab a relevé l'estimation de production d'Arabica à 32,05 Ms contre 31,3 Ms avancé en septembre (32,6 Ms en 2014/15) mais aussi de Robusta –conillon– à 11,19 Ms contre les 10,85 Ms estimés en septembre mais nettement en retrait par rapport à 2014/15 (13,04 Ms).

Au Kenya, le prix de l'Arabica Grade AA a baissé aux ventes aux enchères de Nairobi mardi, se situant dans une fourchette allant de $ 180 à 446 contre $ 184-479 la semaine dernière. Le Grade AB a également été en retrait, à $ 139-362 contre $ 143-399.

Au Vietnam, n°1 mondial du Robusta, environ la moitié de la récolte est achevée et un tiers serait prêt à être exporté, estime un négociant à Ho Chi Minh City. La récolte devrait s'achever en janvier. Les prix intérieurs sont demeurés plutôt stables cette dernière semaine. Quant à l'Indonésie, grand rival du Vietnam sur le segment du Robusta, les exportations devraient se dynamiser mi-janvier. Le Grade 4, 80 défauts, est offert avec une prime de $ 140 à $ 160 la tonne au dessus de la cotation sur le marché à terme de Londres, marché de référence pour le  Robusta, contre $ 150 à 200 la semaine dernière. Le Vietnam Grade 1, pour sa part, est proposé à l'export avec une prime de $ 80 à 100. Sur le marché intérieur, les prix n'ont pas changé, à $ 1 464-1 486 la tonne, soit 33 millions de dongs environ, son niveau le plus bas depuis novembre 2013.

En Ouganda, premier exportateur africain de café, essentiellement de Robusta, les ventes à l'international ont grimpé de  13,2% en novembre par rapport à novembre 2014, à 248 921 sacs de 60 kilos, selon l'Uganda Coffee Development Authority (UCDA). Une pluviométrie adéquate serait une des raisons majeures de cette embellie.

CAOUTCHOUC

Les cours du caoutchouc ont chuté mercredi pour la cinquième séance consécutive à Tokyo. À  161 yens ($1,32) le kilo pour le contrat de mai c’est un plus bas de trois semaines. Les investisseurs ont dénoué leurs positions longues dans un contexte d’effondrement  des prix du pétrole et d’autres matières premières mais aussi du marché financier japonais. En toile de fonds perdurent les inquiétudes sur la demande chinoise.  « Alors que les investisseurs sont incertains quant à la direction du dollar américain face au yen après la hausse des taux américains, ils sont réticents à acheter », a déclaré Satoru Yoshida, analyste chez Rakuten Securities. Ajoutant « Le TOCOM restera probablement aux environs de  160 yens le kilo ce mois-ci, la plupart des investisseurs ne voulant pas faire un gros pari avant la fin de l'année».

La production de caoutchouc en Inde s’effondre alors que l’on se situe dans les mois de pleine récolte. Après avoir diminué de 15% en octobre, elle chute à nouveau de 17% en novembre. En parallèle, la consommation n’a baissé que de 4%. Selon les données publiées par le Rubber Board, la production a atteint 50 000 tonnes pour une consommation de 82 000 tonnes. Et en dépit d’une baisse des prix sur le marché international, les importations ont diminué de 14%. D’avril à novembre, la production a baissé de 16% par rapport à la même période et l’Inde pourrait perdre sa cinquième place de producteur mondial au profit de la Malaisie. La chute des prix est la principale cause de cet effondrement même si les pluies inhabituelles pour la saison ont diminué le rendement.

COTON

Cinquième séance consécutive de baisse avec un faible niveau d’échange pour le coton. Les cours ont clôturé mercredi à 63,25 cents la livre pour le contrat de mars.

La Chine a importé 84 500 tonnes de coton en novembre, en baisse de 8,3% par rapport au même mois l'an dernier selon  l'Association cotonnière chinoise. Les importations de  fibre ont chuté de 41% sur les 11 premiers mois de l'année à 1,29 million de tonnes. La baisse des prix du coton chinois a rendu les importations moins compétitives tandis que les contingents à l’importation ont été limités. La demande de coton a également diminué selon les négociants poussant les prix à terme sur le marché domestique à un nouveau plus bas inférieur à 11 500 yuans ($1776,80) la tonne la semaine dernière et ce en dépit d’une petite récolte nationale, estimée à moins de 5 Mt contre 6,5 Mt en 2014.

Le Burkina Faso  n’atteindra pas son objectif de production de 800 000 tonnes de coton en 2015/16. La production devrait s’élever à 722 000 tonnes, soit 40 000 tonnes de plus qu’en 2014/15. La Sodefitex compte acheter 580 000 tonnes de coton pour une valeur de FCFA 100 milliards (€ 152,4 millions).

Globalement, en Afrique de l’Ouest, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Sénégal et le Tchad, la production devrait baisser de 10% par rapport aux objectifs fixés mais se maintiendrait sensiblement au même niveau qu’en 2014/15, soit 1,89 million de tonnes selon l’USDA (voir : La météo contrarie les ambitions cotonnières de l’Afrique de l’Ouest en 2015/16).

Dans le domaine du négoce, en petite forme, le singapourien RCMA reprendra le 11 janvier 2016 l’activité négoce, à l’exception de la Chine, de  Plexus Cotton, présent dans le secteur depuis plus de deux décennies, annonce un communiqué de Plexus Cotton. Les termes de l’accord n’ont pas été divulgués, toutefois l’équipe de trading,  y compris son directeur Chris Harman, sera reprise par RCMA. Dans le cadre de cette restructuration, Plexus Cotton va donc se recentrer sur ses opérations de production et la chaîne d’approvisionnement en Afrique, notamment au Mozambique, en Ouganda et au Nigeria où il est déjà présent.  

De son côté RCMA, présent également dans le sucre, le caoutchouc, le café et l’énergie, combinera le négoce de Plexus avec sa partie, opérée sous le nom Tong TeiK. L’ensemble sera renommé RCMA Cotton.

HUILE DE PALME

La chute du brut, le déclin des autres huiles végétales et le ralentissement des exportations ont fait baisser les cours de l’huile de palme, le contrat de mars clôturant jeudi à 2 379 ringgits ($549,80) la tonne sur la Bursa Malaysia Derivative.

« La faiblesse de la demande brouille aussi le sentiment du marché. Le ringgit fournit un peu de force, mais il n’est pas assez fort pour pousser le marché vers le haut » a déclaré un négociant.

Les acteurs du marché estiment que les exportations vont ralentir en décembre, que les stocks seront élevés ce qui mettra les prix sous pression. Les exportations malaisiennes ont chuté de 12,4% en novembre et les stocks ont atteint un record de 2,9 millions de tonnes.  Sur les 15 premiers jours de décembre, les exportations diminuent de 34 à 36% par rapport à la même période en novembre.

La production d’huile de palme brute de l'Indonésie a glissé 7% en novembre par rapport au mois précédent, à 2,8 millions de tonnes, selon une enquête réalisée par Reuters auprès de plusieurs  représentants de l'industrie indonésienne et des sociétés de production. « La production a chuté  en novembre car la principale saison de la récolte est presque terminée », a déclaré Fadhil Hasan, directeur exécutif de l'Association huile de palme indonésienne (GAPKI). Ajoutant « Les exportations sont plus faibles en raison de baisse de la demande de l'Inde et des États-Unis, tandis que la consommation intérieure est en augmentation en raison du mandat sur le  biodiesel ».

RIZ

Les prix à l'exportation de riz vietnamien se sont abaissés cette semaine dans un contexte de faibles échanges alors qu'ils glissaient encore pour le riz thaïlandais avec une demande modérée et un affaiblissement de la monnaie. Tant du côté du Vietnam que de la Thaïlande, les acheteurs sont rares ces dernières semaines.

Le Viet 5 %  se situait à  $ 375- $ 378 la tonne, contre à $ 373- $ 380 la semaine dernière, tandis que le Viet 25 % cotait $355  la tonne contre $360. « Il n’y a  presque pas de nouveaux ordres. Les prix sont maintenant trop élevés », a déclaré un exportateur vietnamien à Ho Chi Minh-Ville, ajoutant que les transactions récentes étaient pour la plupart réalisées avec les gouvernements.

Les Philippines, l'un des plus grands importateurs mondiaux de riz, envisage de conclure en janvier un accord pour une livraison au deuxième trimestre afin d’assurer un approvisionnement suffisant en raison des préoccupations sur la présence d’El Nino en début d'année prochaine, selon National Food Authority du pays. Mais les Philippines peuvent se tourner vers d’autres pays plutôt que le Vietnam puisque les prix sont beaucoup plus élevés, soulignent les négociants.

En Thaïlande, le Thaï 5 % a chuté  à $ 345- $ 355 la tonne contre $ 353- $ 365 la tonne la semaine dernière. Une chute des prix qui s’explique par l’absence de demande fraîche et  un nouvel affaiblissement de la monnaie nationale, le baht.

SUCRE

Le sucre roux s'est stabilisé hier sur un marché à terme de New York globalement calme, après avoir enregistré des mouvements à la hausse et à la baisse les jours précédents. Le roux a terminé hier soir à 14,59 cents la livre à New York et le blanc à $ 401,50 sur le marché à terme de Londres.

Le sucre qui, globalement, suit à la trace les soubresauts des cours du pétrole, la canne à sucre brésilienne allant, selon les prix, soit à la fabrication de sucre soit à l'éthanol. Avec des cours du baril si faibles, la canne se destine principalement à la fabrication de sucre, ce qui pèse sur les prix de ce dernier. En outre, la perspective d'exportations de sucre d'Inde est également un facteur baissier.

En contrepartie, chaque publication d'une estimation de campagne sucrière déficitaire – en l'occurrence la publication mardi des prévisions de Platts KIngsman – soutient les prix du sucre. Platts estime, en effet, que le déficit en 2016/17 (octobre à septembre) pourra atteindre 7,8 millions de tonnes (Mt) car la consommation ne cesse de croître.

Le Brésil a révisé à la baisse ses estimations du mois d'août : la production serait de 34,6 Mt de sucre en 2015/16 contre le chiffre de 37,3 Mt avancé en août en raison d'une baisse de rendement, a souligné ce matin l'agence gouvernementale Conab. Ceci est en phase avec les estimations avancées par un certain nombre d'opérateurs privés. En effet, des pluies excessives ont impacté la récolte et ont réduit la teneur en sucre de la canne.

A noter que l'Inde envisage d'obliger les fabricants automobiles à ne construire des voitures qui ne roueraient qu'à l'éthanol, a annoncé hier le ministre des Transports Nitin Gadkari qui devrait en dire plus le 26 janvier, a-t-il précisé. Mais, estiment les observateurs, la mesure risque de prendre du temps à être adoptée par le législateur.

Côté entreprise, Louis Dreyfus a nommé hier Anthony Tancredi pour diriger son département sucre, remplaçant Jacques Gillaux. Anthony Tancredi, depuis 30 ans chez Louis Dreyfus, était à la tête auparavant du département coton. 

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