La Chronique Matières du Jeudi (19 novembre 2015)

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Suite aux attaques terroristes à Paris vendredi et aux ripostes militaires en Syrie, l'or, valeur refuge, mais aussi le pétrole, valeur très sensible au géo-politique, ont enregistré un sursaut lundi à l'ouverture des marchés, sans pour autant entraîné les autres matières dont les fondamentaux demeurent, globalement, baissiers. Le reste de la semaine, les marchés ont eu les yeux rivés sur la Réserve fédérale américaine qui, mercredi, a annoncé la possibilité d'une hausse de ses taux le mois prochain, ce qui serait une première depuis près de 10 ans. Mais la Réserve fédérale a mis en garde les banquiers centraux qui doivent s'attendre  Ã  une diminution du potentiel à long terme de l'économie américaine, ce qui paraît exclure un cycle de resserrement agressif.

CACAO

Le cacao continue de surfer sur des sommets, avec des prix au plus haut depuis le mois de mars 2011. Londres a clôturé hier soir à £ 2 275 la tonne et New York à $ 3 341. En effet, on s'inquiète du ralentissement des arrivages de fèves aux ports en Côte d'Ivoire qui, la semaine du 9 au 15 novembre,  n'ont totalisé que 47 000 tonnes (t) contre 61 000 t sur la même semaine l'année dernière.

Ceci dit, depuis le début de la campagne, le 1er octobre, les arrivages cumulés chez le n°1 mondial totalisent 387 000 t contre 342 000 t sur la même période la campagne dernière. Des pluies légères et un bon ensoleillement dans la plupart des zones de production conduisent les planteurs à un certain optimisme quant à l'évolution à venir des cacaoyers mais la période sèche, de mi-novembre à mars, et de l'harmattan approchent. Dans la région de Soubré, au cÅ“ur de la ceinture cacaoyère, un planteur a confié à Reuters  qu'il n'était tombé que 35 mm de pluie cette semaine contre 92 mm la même semaine l'année dernière.

Source : Reuters

CAFÉ

Le café a démarré la semaine très fort, avec des prix de l'Arabica en hausse sur le marché à terme de New York, ce qui a conduit à des prises de bénéfice ; les prix sont donc retombés hier. L'Arabica a clôturé hier soir, mercredi, à $ 1,1575 la livre et le Robusta à $ 1 507 la tonne après avoir touché, en cours de session, un plus bas en deux ans à $ 1 494.

La faiblesse persistante des prix a conduit les caféiculteurs vietnamiens à ralentir leur récolte et en Indonésie, à ralentir leurs ventes de la nouvelle récolte déjà achevée dans ce pays. Les planteurs au Vietnam se sont vus offrir $ 1,47 le kilo, soit le prix le plus bas depuis janvier 2014, et très loin de leur objectif de $ 1,7-1,8 le kilo. Conséquence, moins de10% des superficies caféières vietnamiennes ont, à ce jour, été récoltées; à pareille époque l'année dernière, on était à 20%.  Ces deux pays représentent le quart des exportations mondiales de café et, par conséquent, leur stratégie actuelle risque d'impacter le marché.

Un marché qui serait déficitaire durablement, a souligné Vivek Verma, directeur de la division café chez Olam, la semaine dernière, à la conférence Sintercafé qui s'est tenue au Costa Rica. Il estime le déficit en 2015/16 à 4,8 millions de sacs de 60 kg (Ms), déficit qui s'ajoutera à celui de 2014/15 estimé par le spécialiste à 5 Ms.  Sur 2015/16, il voit la production mondiale à 145,9 Ms face à une consommation de 150,6 Ms. Il n'a pas donné de chiffres globaux pour 2016/17 mais estime la production brésilienne à 60-62 Ms sur 2016/17 (le Brésil a déjà achevé sa récolte 2015/16), ce qui serait un niveau record, mais ne suffirait pas à combler des baisses ailleurs et donc, globalement, à satisfaire la demande globale. Selon Vivek Verma, ces 10 prochaines années, la production mondiale devra augmenter de 40 Ms pour satisfaire la demande croissante. Ceci dit, rappelons qu'en 2013/14, le marché mondial était excédentaire de 3 Ms…

De son côté, à la même conférence au Costa Rica, Rabobank a fait état de prévision d'un excédent mondial de 3,7 Ms en 2016/17. Ce serait un rebondissement  après deux campagnes déficitaires (déficit de 2,7Ms en 2015/16 et 6,1 Ms en 2014/15) et ce, grâce à une récolte brésilienne 2016/17 estimée à 58 Ms, la plus élevée depuis 2010/11, selon Carlos Mera, analyste commodités à la banque. Ces 58 Ms serait un véritable bond après les 48,4 Ms en 2015/16 et 48,6 Ms en 2014/15

En attendant, la faiblesse des prix actuels du café permet à l'américain Keurig Green Moutain de se frotter les mains: en annonçant ses résultats trimestriels, le groupe a déclaré entrevoir de "légers bénéfices" de la faiblesse des prix du café en 2016 par rapport à2015. Le directeur financier Peter Leemputte  estime que les coûts du café demeureront élevés au premier trimestre 2016 avant de baisser au 2ème semestre. A noter que Keurig se base sur un Arabica à 90 cents la livre pour faire ses prévisions financières sur 2016.

En Afrique, le Kenya entend doubler sa production  caféière d'ici 2020 et atteindre 92 000 t. Pour ce faire, les superficies caféières vont augmenter en ouvrant de nouvelles zones caféières dans la vallée du Rift et dans l'ouest du pays, en formant les producteurs, en offrant des semences et des financements à faible taux d'intérêt de 2,5 à 5%/an, a déclaré à Reuters le directeur (faisant office) de l'Autorité de l'Agriculture, de la pêche et de l'alimentation, Alfred Busolo.  Rappelons que sa production a atteint un pic de 129 000 t en 1988/89. Depuis  lors, elle n'a cessé de baisser. De janvier à septembre de cette année, sa production a  été de 41 000 t ; elle devrait atteindre 50 000 t sur la campagne 2015/16.

COTON

Après un plus bas d’un mois atteint vendredi suite à la baisse hebdomadaire des ventes américaines à l’exportation et à  la hausse du dollar, les cours ont rebondi enregistrant trois séances de hausse. Les investisseurs roulent leur  position longue vers le contrat de mars, la date de l’expiration du contrat de décembre s’approchant.

Le Bangladesh devrait dépasser la Chine et devenir le premier importateur mondial de coton cette année selon l’Intercontinental Exchange (ICE). Les données disponibles montrent que les importations du Bangladesh sont passées  de 0,7 million de tonnes (MT)en 2012 à 1,2 Mt en Octobre et Novembre 2015, tandis que les importations chinoises au cours de la même période ont diminué de 5,3 Mt à 1,3 Mt. Actuellement, le  Bangladesh importe 40% de son coton d'Inde, 20-22% de l'Asie centrale, 13% de l'Afrique et 7% des Etats-Unis.

En Inde,  l’invasion du ver rose du cotonnier et la maladie du flétrissement du cotonnier  devraient réduire de 30% la production de coton dans le Gujarat, le plus grand producteur de coton dans le pays.

Côté négoce, Anthony Tancredi quitte la direction du  département coton chez Louis Dreyfus Commodities mais reste dans la société à un poste encore non défini. Joe Nicosia, chef du merchandising devrait reprendre le département coton.

HUILE DE PALME

La faiblesse de la demande continue de peser sur le marché de l’huile de palme tandis que le renforcement du ringgit ajoute de la pression sur les prix. Si les derniers chiffres montrent une hausse de 2 à 4% des exportations de la Malaisie sur la première quinzaine de novembre, les stocks sont importants, 2,83 millions de tonnes à la fin octobre. 

Les cours devraient se maintenir aux niveaux actuels jusqu’à la fin de l’année compte tenu de la demande et de l’offre abondante en  huile de soja qui limite les gains, indique une enquête de Reuters réalisée auprès de 11 analystes et négociants. Le prix médian serait de 2 300 ringgits ($526,32) la tonne à la fin 2015 contre 2 266 ringgits à la fin de l’année dernière.

Toutefois, les prix pourraient s’apprécier dans les prochains mois si la  production diminue  Ã  un rythme plus rapide que celui des exportations de maintenant au premier semestre 2016, selon plusieurs participants à l’enquête. « Cependant, ce rallye ne serait que temporaire car l'offre mondiale d’huile  de palme et végétale demeurera relativement satisfaisante, malgré le net ralentissement de la croissance de la production », a déclaré Aurelia Britsch, un analyste matières premières à BMI Research. « La demande d'importation de l'UE et de la Chine restera terne, alors que la récolte exceptionnelle 2015/16 de soja en Amérique latine et aux États-Unis permettra d’avoir un bon apprivoisement du marché en huile de soja ».

En Indonésie, les exportations d’huile de palme brute (CPO) devraient diminuer entre 2 millions de tonnes et 2,5 Mt en 2016 et se situer entre   24 Mt à 25 Mt en 2015, selon Bayu Krisnamurthi qui dirige l’Indonesia Oil Palm Estate Fund. Une diminution consécutive à la hausse de la consommation domestique de biodiesel et à une production stagnante ou en légère baisse. Bayu Krisnamurthi estime que les prix de la CPO devraient se situer entre $500 et 600 la tonne au premier trimestre 2016.

Les  importations d’huiles végétales en Inde  ont bondi de 23,6£% en 2014/15 pour atteindre un record de 14,61 millions de tonnes.

RIZ

Tant en Thaïlande qu’au Vietnam, les prix à l’exportation sont demeurés stables cette semaine. Les négociants thaïlandais sont attentifs à l’impact de la baisse des prix du pétrole sur la demande des pays africains, qui sont habituellement d’importants acheteurs du riz thaïlandais. Du côté du Moyen-Orient, des petites commandes ont été passées tandis que les importateurs d’Iraq et de Syrie ont totalement cessé leurs achats en raison des conflits.

Au Vietnam, la demande est aussi faible, les prix étant trop élevés.

SUCRE

Le prix du sucre roux a chuté mardi et mercredi sur le marché à terme de New York, clôturant hier soir à 14,47 cents la livre, entrainant avec lui le sucre blanc qui a terminé à Londres à $ 390,80 la tonne. La raison? L'Inde qui, pour la première fois, va subventionner le sucre de canne que les producteurs vendent aux raffineurs qui actuellement perdent de l'argent. Ceci devrait donc  booster l'activité de ces usines, accroître leurs volumes et leur permettre, le cas échéant, d'exporter, ce qui augmentera les volumes sur le marché mondial et devrait peser sur les prix.  Cette annonce de l'Inde a déclenché des ordres de vente sur les marchés à terme du sucre, un mouvement amplifié par les spéculateurs.

Côté marchés à terme, ICE a annoncé mardi lancer au premier trimestre 2015 un contrat de sucre blanc conteneurisé qui viendra s'ajouter au contrat actuel basé sur du sucre transporté sur des vraquiers.

En 2015/16, la Chine devrait enregistrer un déficit de 6 Mt sur son marché sucrier, la production et les importations ne suffisant pas à satisfaire la demande nationale qui ne cesse de croître, a souligné Tom McNeil, directeur de Green Pool, lors de la conférence de l'Organisation internationale du sucre (OIS) qui s'est tenue à Londres mardi et mercredi. La production devrait baisser à 9,3 Mt en 2015/16 contre 10,6 Mt en 2014/15 ; les importations (la Chine est le premier importateur mondial de sucre) totaliseraient 5,3 Mt en 2015/16 contre 5,7 Mt en 2014/15. Tom McNeil estime à un million de tonnes le sucre entrant cette année en contrebande en Chine des pays voisins , notamment de Myanmar. Face à cela, la consommation atteindrait 15,4 Mt en 2015/16 contre 15,2 Mt en 2014/15. On est juste… Les stocks de fin de campagne seraient de 10 Mt en 2015/16 contre 10,9 Mt en 2014/15.

Côté entreprises, l'allemand Suedzucker  a, pour la deuxième fois cette année,  relevé ses prévisions de revenus suite à une nette amélioration des prix du bioéthanol. Le plus important raffineur européen voit ses bénéfices opérationnels atteindre € 200 à 240 millions durant son exercice financier 2014/15, à février, contre € 180 à 230 millions essimés auparavant. Sur 2015/16, ses bénéfices opérationnels baisseraient à  € 70 à 90 millions et encore en 2016/17 à € 30 millions.

 

 

 

 

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