Café-cacao : la réponse du CICC au « qu’est-ce qu’on fait ?» du planteur désespéré

 Café-cacao : la réponse du CICC au « qu’est-ce qu’on fait ?» du planteur désespéré
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Face aux défis des filières café et cacao au Cameroun et partant du principe que le planteur ne saurait attendre 10 ou 15 ans que la recherche ait éventuellement trouvé une solution miracle aux changements climatiques -solution d’autant plus illusoire qu’il s’agit de dérèglements climatiques, erratiques, et non de changement – le Conseil interprofessionnel du café et du cacao (CICC) a lancé en 2016 un plan d’urgence.  Objectif : fournir au planteur des outils face aux défis climatiques mais aussi tendre vers sa meilleure rémunération en fixant pour objectif d’atteindre un kilo au minimum de cacao marché et de café par arbre, mettant fin aux objectifs par hectare, trop imprécis.

Cette démarche s’inscrivait dans la droite ligne de la convention signée en 2013 entre le CICC et l’Institut de recherche agricole pour le développement (Irad) du Cameroun, créant un Observatoire sur les changements climatiques dans les bassins de production du cacao et du café (OC4). D’une phase expérimentale, le projet de veille sur le dérèglement climatique et de compilation des données dans les zones de production entrent dans sa phase opérationnelle durant cette campagne 2022/23 en cours.

Une réponse à « qu’est-ce qu’on fait ? »

Depuis trois ans, un travail de terrain de collecte numérique de données a été entrepris par des observateurs du CICC afin de mieux cerner ce qu’il se passe au niveau des sites de production et des planteurs avec pour objectif de fournir des réponses adaptées.

« Le CICC est une interprofession qui compte 512 coopératives. Chaque jour, les producteurs appellent le CICC et demandent « qu’est-ce qu’on fait ? » car les feuilles de leurs cacaoyers tombent, car il pleut trop, car il y a des maladies, etc. On sait que les réponses scientifiques prendront 10 à 15 ans. Donc, en attendant, on a trouvé une piste et on a testé : on oublie le calendrier rigide et lorsque le producteur appelle pour demander « qu’est-ce qu’on fait ?», on sait que face à telle situation observée, dans telle zone de production, on peut dire au producteur : tu dois faire ça », explique Omer Maledy, secrétaire général du CICC.

Car les éléments recueillis par les observateurs et transmis au CICC ont fait l’objet de modélisations, d’analyses croisées, etc. pour parvenir à une compréhension des facteurs impactant les arbres. Un Guide a été élaboré. Il propose des itinéraires techniques non pas selon un calendrier agronomique rigide réglé par les saisons de production et les mois de l’année, mais en fonction du comportement du caféier et du cacaoyer.

C’est ce concept innovant – « Observer et Agir » – que le CICC propose aux filières, plaçant le planteur au cœur de l’action : il doit connaitre et reconnaitre, observer, veiller, analyser chacun de ses plants et s’alerter au moindre comportement suspect. A chaque stade de l’évolution de la plante – renouvellement des feuilles, floraison, apparition des fruits, formation des fruits, maturation, et selon le lieu précis où il se trouve, des conseils peuvent être apportés quasiment en temps réel au planteur en désarroi, explique Joseph Mouen Bedimo, directeur général adjoint de l’Institut de recherche agricole pour le développement (Irad) du Cameroun.

C’est la phénologie qui se voit ainsi érigée en principe pour redynamiser les filières, cette science qui étudie l’influence des variations climatiques sur certains phénomènes périodiques de la vie des plantes (germination, floraison), insectes et autres. Le planteur doit devenir un « bon observateur » de son plant. « Le producteur devient le maître de sa plantation », par son observation et sa connaissance et non un exécutant d’un calendrier technique « hors-sol » face aux réalités du dérèglement climatique. A noter, d’ailleurs, qu’un « Guichet producteur » est en train de se mettre en place actuellement au Cameroun.

Aller au-delà

La démarche est nouvelle et prometteuse même si certains, lors de la conférence, se sont inquiétés de savoir si on n’en demandait pas trop au producteur ou encore si, au préalable, on avait recensé de façon scientifique les comportements actuels des producteurs avant de vouloir les modifier. La question est restée entière.

Ceci dit, le planteur est bel et bien remis au cœur de la problématique café-cacao. Et ce devrait être payant. Car qui dit durabilité dit qu’un planteur doit travailler pour une activité rentable pour assurer son développement social et pour bien vivre dans son environnement, a rappelé Omer Maledy, évoquant l’existence du programme de professionnalisation du producteur avec à la clef plus de 100 sessions de formation par an.

Un modèle de durabilité qui prend en compte les composantes de qualité, de traçabilité, de juste prix pour tendre notamment vers l’excellence, notamment à travers le programme « Chocolatiers engagés » en France avec pour pilote quatre chocolatiers de renom dont les français Daniel Mercier et Yann Bertrand, présents à Yaoundé à la conférence scientifique du CICC.

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