SIA 2023 : la Côte d’Ivoire se veut provocatrice pour parler de l’agriculture

 SIA 2023 : la Côte d’Ivoire se veut provocatrice pour parler de l’agriculture
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Le rendez-vous était devenu routinier mais le ton était résolument nouveau ! Volontairement nouveau…

La Côte d’Ivoire a voulu frapper les esprits et sonner le renouveau lors de sa journée officielle, jeudi, au Salon international de l’agriculture (SIA) qui a fermé ses portes hier soir. Déjà, dans le traditionnel hall 5 où les Ivoiriens ont l’habitude de séduire, Abidjan s’était donné les moyens : pas moins de deux pavillons battaient les couleurs orange-blanc-vert avec des stands riches en produits et en animations, avec des délégations importantes et dynamiques. Clin d’œil qui a produit son effet : au stand du Conseil café cacao (CCC) était présenté pour la première fois le « vin gourmand pétillant aux fèves de Côte d’Ivoire », alliage de Chardonnay et de cacao ivoirien. Le mariage pétillant du cacao ivoirien, du Chardonnay français et du chocolat belge !

Et on pouvait entendre jeudi matin, dans la salle à l’étage du hall 1 du SIA où la Côte d’Ivoire tenait sa conférence officielle, une salle archi remplie qui riait aux éclats aux quelques vérités distillées avec humour et à-propos le ministre de l’Agriculture et du développement rural, Kobenan Kouassi Adjoumani, à l’égard des exigences de plus en plus pointues de l’Union européenne sur le cacao ivoirien. Des exigences bien connues dont nous nous faisons régulièrement l’écho sur CommodAfrica comme le travail des enfants, la déforestation, la juste rémunération, etc. Des sujets qui devaient être, entre autres, au menu des discussion que le ministre devait avoir à Bruxelles lors de son déplacement prévu le lendemain, soit vendredi.

Mais jeudi au SIA, devant un auditoire conquis, le ministre a fait remarquer sans ambages que si l’Union européenne s’arrogeait le droit de s’immiscer dans les politiques sociales et environnementales de la Côte d’Ivoire, la Côte d’Ivoire, elle, pourrait très bien donner des leçons sociétales à l’Europe et à la France en particulier en matière de nouveaux nés placés dans des crèches à un mois d’âge voire moins, ou encore des vieillards placés dans des Ehpad pour terminer leurs vieux jours. Il a rappelé que les palmiers à huile avaient été importés en Côte d’Ivoire et plantés par ce qui était alors le colonisateur, la France…

Le développement contrarié de l’agriculture ivoirienne

Il faut souligner que, jeudi, avant que le ministre ne close la conférence par ses propos quelque peu provocateurs – qui font, somme toute, écho à la levée de boucliers de certains pays et d’une partie de la jeunesse d’Afrique de l’Ouest – son directeur de cabinet, Nouhoun Coulibaly, qui habituellement distille chiffres et graphismes sur la situation agricole ivoirienne, avait annoncé une présentation novatrice, soulignant que la Côte d’Ivoire a un « développement contrarié » de son agriculture.

Contrarié car, certes, l’agriculture a été le maillon majeur du développement de la Côte d’Ivoire ces dernières années mais « malgré tous les efforts », on n’a pas atteint les résultats escomptés, a-t-il précisé. Les rendements restent faibles car on manque d’irrigation et de semences ; les pertes post-récoltes sont encore élevées car la Côte d’Ivoire connait un problème de stockage. En matière de riz, par exemple, ou encore de modernisation, d’équipements agricoles, les autorités ivoiriennes sont allées voir les bailleurs et les investisseurs mais leurs interventions étaient bien souvent déclinées selon leur cahier des charges et pas toujours celui de la Côte d’Ivoire.

Récemment, il y a eu la crise Covid, la crise liée à l’inflation, au transport, au stockage, au renchérissement des intrants et autres moyens de production. Mais la Côte d’Ivoire n’a pas vu venir la crise interne de ses filières agronomiques et scientifiques face au fléau des nuisibles. « Pour la première fois depuis 2017, la production vivrière a baissé en 2021 », a-t-il constaté, navré.

Elaborer nos propres politiques, sans influence de l’extérieur

Ceci a conduit le gouvernement à élever au premier rang l’objectif de la souveraineté alimentaire.  Pour ce faire, « Il faut élaborer nos propres politiques, sans influence de l’extérieur ». Cela exige d’avoir « un changement d’approche » pour obtenir des financements. « Il nous faut centrer nos efforts sur un cadre institutionnel fort à 2030 et sur notre Programme national de développement agricole. Le PNIA a été revu ».

« En parallèle, pour qu’il n’y ait pas d’interférences négatives de la part de nos bailleurs, on a établi avec chacun d’entre eux un document de stratégie pays. Si un projet n’entre pas dans le cadre de ce document, le projet ne sera pas validé par le Président de Côte d’Ivoire », a déclaré le bras droit du ministre.

Les champs d’action se déclinent autour de trois axes : la production semencière, la production de masse et la transformation sur place. Ceci offre de grandes opportunités pour les investisseurs privés mais, là encore, tout et n’importe quoi ne seront pas acceptés de l’extérieur.

Ainsi, en matière de semences, il faudra qu’elles soient impérativement adaptées aux sols et climats de la Côte d‘Ivoire. Et le ministre de rappeler que récemment deux accords ont été conclus avec le secteur privé en matière de semences maraichères et de semences soja. Il a souligné qu’il existait des opportunités en matière de semences pour le maïs, le mil, le sorgho mais aussi sur le blé qui peut être cultivé dans le nord du pays. D’ailleurs, cette semaine, des investisseurs brésiliens doivent se rendre en Côte d’Ivoire pour étudier des possibilités en matière de blé car certaines régions du Brésil connaissent les mêmes caractéristiques naturelles que le nord de la Côte d’Ivoire.

Au plan intérieur, s’agissant des semences, le CNRA a été rattaché au ministère de l’Agriculture pour plus d’efficience en matière de « semences de base ».

Pour les « productions de masse », comme le cacao, palmiers à huile, etc. il faut maîtriser l’eau et intégrer la protection et le développement des ressources en arbres dans les contrats fonciers.

Des réformes sont en cours, a-t-il annoncé, notamment avec la mise en place d’un guichet agriculture pour la gestion des risques pour les institutions financières. En outre, les investisseurs dans les agropoles pourront bénéficier d’un fonds de développement.

Bref, une nouvelle politique et surtout un nouveau déterminisme agricole semblent en marche en Côte d’Ivoire.

 

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