La Chronique Matières du Jeudi (11 juin 2015)

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L'annonce de la hausse de 1,2% des ventes au détail aux Etats-Unis en mai a fait souffler un brin d'optimisme sur les marchés des capitaux, compensant le départ fracassant du FMI de la table des négociations avec la Grèce. Le dollar s'est raffermi et chacun s'attend à ce que la Réserve fédérale américaine relève ses taux cette année.

CACAO

Le cacao a flirté hier avec des niveaux au plus haut depuis 8 mois sur le marché à terme de New York, à $ 3 159 la tonne, la hausse de la livre sterling poussant la fève sur le marché américain. En revanche, sur le marché à terme à Londres, cela eut l'effet inverse, la fève glissant légèrement à £ 2 096 la tonne.

Mais c'est surtout le Ghana qui fait encore parler de lui cette semaine, avec une production attendue en chute libre de 22% sur l'ensemble de la campagne, à 696 000 t, estime l'Organisation internationale du cacao (ICCO).  Toutefois, Jean-Marc Anga, directeur exécutif de l'Organisation s'est montré confiant:  la production devrait se ressaisir en 2015/16. Un optimisme qu'il tire  d'une politique volontariste du Cocobod qui, d'une part distribue des plants et, d'autre part, qui incite les jeunes à se tourner vers la cacaoculture.

Ceci dit, le marché semble ébranlé. "La chute de production du Ghana a confondu l'industrie", souligne Victoria Crandall, analyste matières premières chez Ecobank. "Personne ne l'a vu venir."

Selon le Cocobod, ce sont la météo et les maladies qui expliquent la baisse de production. L'harmattan a été particulièrement fort  durant la deuxième partie de la campagne principale et de nombreuses plantations ont subi ce qui s'appelle "la fatigue de l'arbre" : après avoir fortement donné les campagnes précédentes l'arbre se repose ou est épuisé.

Mais pour l'industrie et les opérateurs de la filière interrogés par Reuters, c'est davantage un ensemble de facteurs qui expliquent cette baisse et certains problèmes, comme ceux liés à la distribution de pesticides, pourraient être résolus la campagne prochaine. D'autres, plus ennuyeux, estiment-ils, sont d'ordre davantage structurel. Le Cocobod doit revoir son programme d'intrants de leur distribution. Mais les restrictions budgétaires peuvent mettre à mal de telles velléités, notamment la nécessité de remplacer certains cacaoyers trop vieux: certains ont été plantés dans les années 2000, voire 1990.

Selon Damien Thouvenel, traders chez Sucre & Denrées, la production au Ghana ne devrait plus chuter la campagne prochaine mais plutôt se stabiliser. "Mais il ya une forte probabilité que la production pourrait continuer à baisser plus structurellement."

A la clé, plusieurs facteurs bien connus des analystes. Pendant la longue crise politique en Côte d'Ivoire, durant près de 10 ans, les fèves ivoiriennes passaient frauduleusement au Ghana: en 2010/11, ces flux auraient atteint 200 000 t. la réforme de la filière en Côte d'Ivoire qui a conduit à la hausse du prix au planteur a mis un terme ou a considérablement réduit les flux dans ce sens. Un sens qui s'est d'ailleurs inversé avec la chute du cedi, la monnaie ghanéenne, les planteurs au Ghana trouvant plus profitables de vendre chez leur voisin au franc CFA fort. Ceci a grignoté dans les volumes qui restaient en fin de campagne et qui donc permettaient de démarrer la nouvelle avec déjà des quantités disponibles. A ceci s’ajoute une inflation élevée et une baisse des prix, base dollar,  aux planteurs au Ghana ce qui a conduit nombre d'entre eux à se tourner vers l'orpaillage, délaissant les cacaoyers, voire les détruisant. En tous les cas, cela a détourné de la main d'Å“uvre habituellement occupée sur les plantations de cacao.

Mais revenons à l'actualité. En Côte d'Ivoire, la campagne s'essouffle. Les arrivages au 31 mai et ce, depuis le 1er octobre, ont été de 1 442 014 t contre 1 456 322 t sur la même période la campagne dernière. Sur le seul mois de mai, ils ont été de 94 070 t contre 126 247 t en mai 2014, selon le Conseil café cacao.

Côté industrie, la Commission européenne a annoncé aujourd'hui approuver l'acquisition ($ 1,3 milliard) par Olam des activités cacao de Archer Daniels Midland (ADM). L'accord ne met pas à mal la concurrence sur le marché, selon Bruxelles, deux géants subsistant : Barry Callebaut et Cargill. Le nouvel Olam représentera 16% de la capacité mondiale de broyages et achètera environ 20% de al production mondiale.

D'autre part, c'est un Français, Antoine de Saint-Affrique, qui a été nommé hier, mercredi, au poste de directeur général de Barry Callebaut, remplaçant Jürgen Steinmann qui quittera ses fonctions en août. Antoine de Saint-Affrique, qui prendra ses nouvelles fonctions en octobre, est actuellement à la tête de la division alimentaire d'Unilever et administrateur indépendant d'Essilor.

 

CAFÉ

L'Arabica a terminé à New York en légère baise, à 1,3645 la livre tandis que le Robusta, à Londres, a grimpé à $ 1 740 la tonne. Toutefois, les fondamentaux sont plutôt haussiers :  aujourd'hui, l'Organisation internationale du café (OIC) a estimé à 141,9 millions de sacs de 60 kg (Ms) la production mondiale en 2014/15, soit une baisse de 3,3% par rapport à 2013/14. Le déficit serait donc de 8 Ms.

Quant à 2015/16, l'OIC estime qu'il est encore trop tôt pour se prononcer. La production brésilienne devrait baisser, l'OIC soulignant que l'agence brésilienne Conab estimait la production 2015/16 en baisse de 2,3% à 44,3 Ms. Toutefois, celles en Indonésie et au Pérou, avec la fin des effets de la maladie de la rouille, se redresseraient même si l'importance de ces producteurs n’a rien de comparable avec le Brésil. Globalement, note encore l'OIC, le spectre d'El Nino s'installe de plus en plus avec ses répercussions négatives sur la production.

La production colombienne de café lavé a grimpé de 11% en mai, à 1,17 Ms, selon la Fédération nationale des planteurs de café. De leur coté, les exportations ont bondi de 20%, à 1 006 000 sacs. Sur les 12 mois à mai 2015, la production a été de 12,6 Ms, en hausse de 10% sur la même période en 2013/14.

En Éthiopie, la production atteindrait 6,5 Ms en 2015/16, selon le Département américain de l'Agriculture (USDA). Cela serait en-deçà du niveau record atteint cette campagne encours.  Pour la cinquième année consécutive, les exportations devraient s'inscrire à la hausse et atteindre un record de 3,52 Ms (211 200 tonnes). En revanche, la consommation locale se contracterait à 2,995 Ms toujours en 2015/16, ou encore 179 700 t), en léger retrait par rapport au record, là encore, en 2014/15. Rappelons que l'Ethiopie est un des pays d'Afrique où la consommation nationale de café est la plus élevée per capita.

 

CAOUTCHOUC

Après trois séances de pertes, les cours du caoutchouc à Tokyo ont rebondi jeudi – le contrat de novembre gagnant 3 yens à 237,7 yens ($1,93) – aidés par les gains sur le marché de Shanghai et  la stabilité de la monnaie japonaise. En effet, sur le marché de Shanghai, le contrat de septembre a augmenté pour une troisième journée consécutive et clôturé à 14 485 yuans ($2 334,11) la tonne, en hausse de 110 yuans.

Mais les inquiétudes sur la demande chinoise sont toujours présentes. En mai, et pour le deuxième mois consécutif, les ventes de voitures ont chuté, un fait qui ne s’était pas présenté depuis 2011. En outre, les importations chinoises ont plongé de 18,1% en mai et les exportations de 2,8%.

Sur les 5 premiers mois de l’année,  le Vietnam a exporté 330 000 tonnes de caoutchouc naturel, en hausse de 30,1%, pour une valeur de $475 millions, en recul de 2,9% sur un an, selon le ministère de l’Agriculture et du développement rural. La Chine, la Malaisie et l'Inde restent les premiers débouchés avec 69 % du volume total, dont 44,39% pour le seul marché chinois.

 

COTON

Les cours du coton ont chuté jeudi, perdant 1,41 cents à 64,38 cents pour le contrat de décembre, après que la Chine ait annoncé qu’elle allait procéder à la vente de son coton stocké dans la réserve, ce qui pourrait impacter ses importations d’or blanc. La veille, la publication du rapport mensuel sur l’offre et la demande de coton du département américain de l’agriculture (USDA) soulignant des baisses marginales dans les stocks en début et en fin de campagne, avait étendu les gains.

La Chine a annoncé jeudi qu’elle allait commencer à vendre une partie de ses stocks, estimés à environ 10 millions de tonnes, soit plus de 40% des stocks mondiaux, mais qu’elle le ferait sans faire pression sur le marché souhaitant maintenir des prix et un marché stables. Selon Yin Jian, fonctionnaire à la National Development and Reform Commission (NDRC) un plan détaillé de vente sera mis au point dans les dix prochains jours tout en soulignant qu’il faudra plusieurs années pour que le marché digère les stocks chinois. Si la Chine affiche ne pas vouloir faire pression sur les prix, les analystes estiment que  pour vendre la fibre ancienne, elle devra être cédée  avec un important discount pour attirer les acheteurs.  Des rabais importants pourraient pousser les prix vers le bas et accroître le coût pour le gouvernement chinois de son nouveau programme de subvention mis en place cette année et qui a remplacé sa politique de stockage.

Toutefois la politique de soutien n’est pas totalement arrêtée. Dai Gongxing  le président de la China Cotton Association a déclaré jeudi que la Chine devrait améliorer la façon dont elle subventionne la production de coton et réduire les coûts opérationnels. Ainsi le pays pourrait explorer de nouvelles formes pour subventionner les producteurs, y compris,  l’assurance, les subventions pour la technologie, la construction d’infrastructure et la promotion des ventes estime le président de l’association. De son côté le directeur de l’association, Gao Fang, a indiqué que la production de coton en Chine devrait atteindre 5,86 millions de tonnes den 2015/16, en recul de 9,8% par rapport à la campagne précédente.

En Inde, l’effondrement des cours ainsi que les craintes d’une sécheresse devraient inciter les agriculteurs à se détourner du coton au profit d’autres cultures qui présentent un meilleur rendement comme  le pois d’Angola, l’ haricot mango ou encore le soja.

Selon Dhiren Sheth, président de l'Association cotonnière de indienne (CAI), les superficies pourraient être réduites de d’ordre de 7%, soit la plus forte baisse depuis 2002/03.  Une  production plus faible du deuxième exportateur mondial après les Etats-Unis pourraient apporter un soutien aux cours du coton qui ont progressé de 13% depuis le plus bas atteint en janvier à $57,05 cents la livre.

Au Mali, le prix payé au producteur est légèrement augmenté passant FCFA235 le kilo à FCFA 237,5  le kilo pour la campagne 2015/16. L’objectif de production est fixé à 650 000 tonnes (Cf CommodAfrica :  Pour développer la production de coton, le Mali subventionne les tracteurs).

 

HUILE DE PALME

Depuis le début de la semaine, la hausse du ringgit et des stocks plus élevés en Malaisie, dans un contexte de faibles échanges, ont fait plongé les cours de l’huile de palme. Les dernières données du Malaysian Palm Oil Board ont montré que les stocks en mai ont atteint leur plus haut niveau depuis novembre pour s’établir à 2,24 millions de tonnes. En outre, les exportations du 1er au 10 juin montrent un ralentissement  de la hausse des achats à environ 2%. En outre, les analystes estiment que le rythme des expéditions devrait se ralentir en juin  l’effet « Ramadan » devrait s’estomper, la majorité des stocks ayant été constitués pour le Ramadan qui démarre la semaine prochaine.

 

RIZ

Le manque de demande a maintenu les prix, tant en Thaïlande qu’un Vietnam, à un niveau bas cette semaine, tandis que les acheteurs pourraient attendre que les prix s’abaissent un peu plus avec la nouvelle récolte  qui se profile au Vietnam pour se porter aux achats.

Le Vietnam a signé, le 10 juin, un contrat de fourniture de 150 000 tonnes de riz à 25 % de brisure aux Philippines, après avoir participé à une adjudication avec la Thaïlande la semaine dernière, selon l’Autorité nationale des vivres des Philippines (NFA). Selon la NFA, après deux tours d’adjudication, le Vietnam a présenté aux Philippines des prix de vente inférieurs aux prix de référence, à $410,12 la tonne, contre $419 pour la Thaïlande. Mais ce volume a été insuffisant pour soutenir les prix. De son côté la Thaïlande devrait lancer le 15 juin un appel d’offres pour vendre 1 million de tonnes.

Le Vietnam a exporté 2,08 millions de tonnes de riz sur les cinq premiers mois de 2015, en baisse de plus de 11% par rapport à la même période en 2014, selon Vietnam Food Association.

En mai, les cours mondiaux ont baissé de 1% pour le troisième mois consécutif. Un  recul qui affecte tous les marchés d’exportation, à l’exception
 du Pakistan où les prix se maintiennent fermes, constate Patricio Mendez del Villar dans son  dernier rapport mensuel sur le marché mondial du riz, Osiriz. Le possible retour d’El Nino pourrait toutefois avoir un  impact, encore non défini, sur les récoltes asiatiques en 2015 mais d’ore et déjà, la production 2014/15 se contracterait tandis que les stocks mondiaux déclineraient, après une hausse ininterrompue depuis une décennie. Autre changement de tendance, la consommation mondiale devrait dépasser la production mondiale en 2015 et ce aussi pour la première fois depuis 10 ans.

Du côté de l’Afrique, la production de riz devrait croître de 2% en 2015 par rapport à 2014 grâce à l’extension des superficies cultivées mais compte tenu de la croissance démographique, les importations devraient se maintenir voir légèrement progresser dans les principaux pays importateurs en Afrique de l’Ouest, observe Patricio Mendez del Villar.

Une étude de l’Institut de recherche JICA  sur les déterminants de la productivité élevée dans les zones irriguées du Sénégal a montré que, contrairement aux idées reçues, les agriculteurs dans les systèmes d’irrigation à grande échelle atteignaient des rendements nettement plus élevés que ceux qui cultivaient avec des systèmes d’irrigation à petite échelle. La riziculture irriguée dans la vallée du fleuve Sénégal donne des rendements élevés, de l’ordre de 5 tonnes par hectare.

 

SUCRE

Les cours du sucre roux sont toujours mornes sur le marché à terme de New York, ployant sous l'abondance de l'offre mondiale. L'échéance juillet a chuté jeudi soir à son plus bas en six ans et demi, à 11,64 cents la livre, repassant en dessous du seuil des 12 cents, la monnaie brésilienne, entrainant des ordres de vente automatiques. Le sucre blanc, côté à Londres, a été entrainé et a clôturé à $ 344,80 la tonne.

En effet, les récoltes en Inde et en Thaïlande devraient être meilleure qu'initialement prévues, selon le dernier rapport de Sucre & Denrées. Face à cela, les importations en Chine sont contenues et le Brésil a tellement de canne à sucre qu'il pourra produire tout le sucre qu'il veut. Selon l'analyste Safras e Mercado, les exportations brésiliennes de sucre atteindraient 26 Mt en 2015, progressant  de 8% par rapport aux 24,12 Mt en 2014. De janvier à mai, le n°1 mondial a expédié 8,3 Mt, en hausse de 1% par rapport à la même période en 2014.

En Inde, le gouvernement a décidé d'accorder des prêts à taux zéro aux raffineries en manque cruel de liquidités afin qu'elles puissent payer au moins 30% de leurs dettes cumulées de $ 3,3 milliards dus aux planteurs. En effet, le prix du sucre a chuté en deçà du prix de production mettant la filière dans une situation hautement périlleuse.

Dans l'Union européenne, l'association allemande de l'industrie du sucre WVZ en appelle à la Commission pour prendre des mesures afin de réduire l'énorme" stock européen qui ne cesse de gonfler face à la perspective de la libéralisation du marché. Une filière européenne qui va mal : mardi, le sucrier français Tereos a annoncé une chute de 90% de ses bénéfices annuels suite à la dégringolade des prix du sucre et de l'éthanol. Rappelons qu'en mai le sucre est tombé à son plus bas en 6 ans.

Aux Etats-Unis, la production atteindrait 8,72 Mt en 2015/16, en hausse par rapport au chiffre de 8,45 Mt avancé lors des dernières estimations mensuelles, et en hausse également par rapport à la production de 2014/15 estimée à 8,56 Mt, et ce essentiellement en raison d'une bonne performance de la betterave sucrière, selon le département américain de l'Agriculture (USDA).

La production de sucre au Nigeria en 2015/16 est estimée à 70 000 t(valeur roux), selon le département américain de l'Agriculture (USDA), en baisse de 7% par rapport aux 75 000 t attendues sur 2014/15. L'infrastructure doit être améliorée si on veut que le production parvienne aux consommateurs, la consommation de sucre devant croître régulièrement ces 5 prochaines années.

Notons que l'essentiel des besoins en sucre au Nigeria est couvert par du sucre brut importé, essentiellement du Brésil,  et raffiné sur place. En 2015/16, ces importations sont estimées atteindre 1,3 Mt, en hausse de 5 000 t sur 2013/14. Rappelons que des quotas à l'importation ont été établis et des raffineurs ne peuvent importer du sucre brut que s'ils produisent du sucre localement.

Côté entreprises, le négociant agricole Ecom Agroindustrial s'est allié à son petit rival V&A Commodity Traders, créant une entité présente à Londres, New York et Sao Paulo. 

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