Irène Koomen, Wageningen University : « Nous transformons la filière mangue en Côte d’Ivoire »

 Irène Koomen,  Wageningen University  : « Nous transformons la filière mangue en Côte d’Ivoire »
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En tant que conseillère principale en Agriculture adaptative à Wageningen University & Research, Irene Koomen a travaillé ces quatre dernières années et demie sur la filière horticole en Côte d’Ivoire, principalement dans le secteur de la mangue.

Pouvez-vous nous décrire brièvement l’historique de l’appui des Pays-Bas au secteur horticole en Côte d’Ivoire ?

Irene KOOMEN (I.K) : Le projet horticole a démarré en 2018 en Côte d’Ivoire et a pris fin en mai 2022. Il convient de préciser que l’ambassade des Pays-Bas conduisait un programme similaire à Accra (Ghana) notamment sur les légumes. Chemin faisant, il nous est apparu judicieux de prolonger le programme au Ghana de 4 ans. Et pour des besoins d’efficacité, il fallait dans le même temps l’étendre à la filière fruit ivoirienne. Autrement dit, travailler concomitamment sur fruits et légumes au Ghana et apporter un appui à la filière horticole, principalement la mangue en Côte d’Ivoire. L’Ambassade à Abidjan venant juste de rouvrir à l’époque, c’est la représentation d’Accra qui a dû piloter cette opération. Je dois préciser que le projet d’horticulture faisait partie du programme de sécurité alimentaire du gouvernement néerlandais. Malheureusement aucun financement n’était disponible pour la Côte d’Ivoire et le Ghana.

En matière de recherche quels sont les partenaires techniques qui ont contribué au projet en Côte d’Ivoire ?

I.K : Nous-nous sommes appuyés sur M. Moussa Coulibaly qui est le Coordinateur local du Bureau de Solidaridad Afrique de l’Ouest. Nous avons également bénéficié du concours fort apprécié d’une jeune Néerlandaise qui a suivi les programmes Young Expert Programme (YEP) pendant deux ans. Je ne saurai oublier les nombreux partenaires du secteur privé ainsi que le Ministère ivoirien de l’Agriculture. A cela s’ajoutent des consultants de l’Université que nous avons embauché pour faire des études spéciales ; de même que des acteurs du secteur privé de la filière mangue.

En quoi ont consisté concrètement vos travaux ?

I.K : Nous avons travaillé dans deux clusters à savoir le cluster mangue et le cluster périurbain. Le premier s’est réalisé au Nord de la Côte d’Ivoire où l’impact a été d’améliorer la production, de surveiller la qualité des fruits et la commercialisation ; tout ceci au profit des coopératives paysannes. Nous nous sommes concentrés sur la filière mangue du fait du potentiel de cette spéculation dans l’amélioration des revenus des agriculteurs. Nous-nous sommes entraînés à bien tailler, à réduire l’utilisation des pesticides et, globalement, aux bonnes pratiques culturales afin d’avoir une agriculture plus durable. Sur le long terme, nous avons travaillé avec des partenaires pour qu’ils prennent en charge la formation et l’accompagnement de la filière en fin de projet.

Quant au cluster périurbain qui soutenait la Coopérative des Vendeuses de Fruits Ivoire Rungis (CVFIR), une association de vendeuses de fruits frais basée à Abidjan. A côté de cela, il y a eu la promotion de l’innovation des acteurs du secteur privé, des jeunes entrepreneurs, des entreprises déjà présentes en Côte d’Ivoire ou prêtes à y opérer. Ce, grâce à un fonds mis à notre disposition par les Pays-Bas. Les travaux ont permis d’introduire entre autres, de nouvelles méthodes dans le secteur fruitier à savoir l’irrigation, le contrôle qualité. Notre approche a reposé sur financement participatif qui a permis aux entreprises de contribuer en nature et en espèces. A noter que le projet a financé 50% du capital d’amorçage pour des idées à haut risque.

En définitive, la qualité s’est améliorée pour les entreprises avec lesquelles nous avons travaillé mais reste à voir si cela va continuer. Il faut dire que quatre ans et demi, c’est assez court pour un projet. Nous avons remarqué qu’au Ghana, où le projet a duré neuf ans, cela a vraiment fonctionné mais il faut construire une relation de confiance avec des partenaires dédiés et voir comment ils vont reprendre le projet.

Le projet visait principalement les marchés à l’exportation ou les marchés locaux et régionaux ?

I.K : Les deux à la fois. Les pays privilégient généralement sur l’exportation car elle génère des devises. Mais nous avons envisagé de l’étendre au marché intérieur pour les groupes de femmes. Il a été également question d’examiner l’approvisionnement en intrants pour les entreprises locales qui les commercialisent. Au Ghana, l’expérience a démontré que le marché intérieur était plus porteur. Les réflexions ont été donc orientées vers ce segment-là. Pour le compte des entreprises néerlandaises, nous avons effectué quelques missions commerciales européennes en Afrique de l’Ouest. Malheureusement, les productions agricoles spécifiquement l’exploitation fruitière aussi bien ghanéennes qu’ivoiriennes ne répondent pas forcément aux besoins du marché.

Avez-vous collaboré avec un agent de certification dans le secteur de la mangue ?

I.K : Notre objectif était plutôt d’accroître la production et surtout de promouvoir les bonnes pratiques culturales. Les fermes de manguiers sont, pour la plupart, gérées à distance, avec le propriétaire du verger vivant à Abidjan et des personnes habitant à proximité. En règle générale, après la récolte la ferme est plus ou moins fermée. Autrement dit, des changements de mentalité s’imposent car une ferme de mangues doit être gérée toute l’année.

Quel était le budget de ce programme ?

I.K : Le budget total pour le Ghana et la Côte d’Ivoire était de 9 millions d’Euros dont environ 15 % destinés à la Côte d’Ivoire.

Quelles leçons peut-on tirer de ce projet ?

I.K : Nous parlons souvent de la transformation du secteur de l’horticulture, mais cela doit être une approche holistique. La pratique nous enseigne qu’en plus de l’objectif production, il faut prendre en compte les paramètres marketing, la transformation et surtout l’aspect réglementaire. Par exemple, nous avons travaillé avec un groupe de femmes près du port d’Abidjan opérant dans le secteur des fruits. Elles transformaient les fruits en jus et collaboraient avec une usine. Elles ont été formées sur des pratiques de manipulation avec des normes d’hygiène. Il s’agissait aussi de responsabiliser ce groupe de femmes et l’amener à être plus professionnelles.

Par rapport à d’autres institutions, qu’apporte l’Université de Wageningen ?

Nous utilisons une approche systémique de sorte à détecter les forces, les faiblesses et les points opportunités. Mieux, l’autre spécificité de notre méthode réside dans l’usage des technologies et des informations innovantes inspirées de nos formations académiques dans la mise en œuvre des projets. Nous nous concentrons également sur la documentation et l’apprentissage (voir : https://edepot.wur.nl/577393).

 

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