Les attaques dans la mer Rouge menacent-elle les chaines d’approvisionnement ?

 Les attaques dans la mer Rouge menacent-elle les chaines d’approvisionnement ?

@ Océan et mer du monde

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Vendredi dernier, le troisième transporteur maritime mondial, CMA CGM, décidait de suspendre jusqu’à nouvel ordre le transit de ses navires par la mer Rouge. La situation est jugée trop risquée face à la multiplication des attaques des navires commerciaux par les rebelles Houthis du Yemen et proches de l’Iran. Depuis les premières frappes mi-novembre, la tension ne montre pas une baisse d’intensité bien au contraire. Depuis le début de l’année, les attaques sont plus nombreuses et la tension est vive. Aux frappes américano-britanniques sur plusieurs cibles au Yémen le week-end, les Houthis ont juré de riposter.

Conséquence depuis le début de l’année, le trafic en mer Rouge chute, de 30% à 42% selon les sources tandis que celui passant par le canal de Panama est affecté par le changement climatique, le manque d’eau entrainant une baisse de 36% du trafic en décembre, selon les chiffres de la Cnuced.

@ PortWatch

De nombreux armateurs contournent donc l’Afrique en passant par le cap de Bonne Espérance pour rallier l’Asie à l’Europe avec  bien sur un surcoût et un délai d’acheminement allongé. La Banque mondiale souligne que les coûts supplémentaires de l’itinéraire autour du cap de Bonne Espérance — qui incluent jusqu’à un million de dollars de carburant pour chaque trajet aller-retour — se traduisent par des tarifs de transport maritime plus élevés.

Ainsi, l’indice composite Drewry WCI se situait le 1er février à $3 824 par conteneur de 40 pieds, soit son niveau le plus plus élevé depuis octobre 2022 et 169 % supérieur aux taux moyens de 2019 (avant la pandémie), qui étaient de $1 420. Par rapport à la mi novembre, avec les attaques Houthis, l’indice était à $1 384.

@ Drewry World

Au delà des coûts, l’impact pourrait être important sur le commerce mondial et les chaines d’approvisionnement.

La question des chaines mondiales d’approvisionnement

Les négociants en matières premières estiment qu’il est devenu plus difficile mais non impossible de réserver des navires pour les traversées de la mer Rouge. La semaine dernière davantage de navires transportant des céréales ont été détournés du canal de Suez vers des routes autour du cap de Bonne-Espérance. “Nous estimons que 12 autres navires ont été détournés de la mer Rouge cette semaine, transportant un total d’environ 700 000 tonnes de céréales“, indique Ishan Bhanu, analyste principal des matières premières agricoles chez Kpler. Rappelons qu’environ 7 millions de tonnes (Mt) de céréales transitent habituellement par mois par le canal de Suez. Précisant « Au total, environ 4,5 à 4,6 Mt de céréales ont évité la mer Rouge depuis décembre ».

Plus problématique peut-être le transport de denrées périssables. Ainsi un navire australien, parti le 5 janvier à destination d’Israël et transportant environ 14 000 moutons et 2 000 bovins, est actuellement bloqué dans une chaleur étouffante au large des côtes australiennes après avoir été contraint d’abandonner son voyage à travers la mer Rouge, suscitant un tollé des défenseurs du bien-être animal.

Mais ce sont aussi les géants du textile qui sont impactés, comme Walmart, Asos, H&M, etc., qui étudient des alternatives, éventuellement par avion et train, en particulier pour les articles « tendances » les plus urgents. Alors que les filatures en Asie sont pour la majorité dans une situation financière difficile, les délais de livraison plus importants pourraient entraîner des retards et des annulations de commandes souligne l’International Cotton Advisory Committee. Ajoutant : « si les coûts de transport élevés s’étendent à d’autres régions, l’ensemble du commerce du coton sera affecté ».

«Le niveau d’incertitude est extrêmement élevé et l’évolution de la situation déterminera l’ampleur du changement et de la modification des schémas commerciaux en termes de volume, mais aussi en termes de durabilité», selon Jihad Azour, directeur régional du Moyen-Orient et d’Asie centrale du FMI. «Sommes-nous à la veille d’un changement majeur dans les routes commerciales ou est-ce temporaire en raison de l’augmentation des coûts et de la détérioration des coûts de sécurité»? s’interroge-t-il ?

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