Télébo SOUNDELE, Project Manager Orange Corner Côte d’Ivoire : « Nous aiguisons l’appétit des jeunes pour l’agri-entrepreneuriat »  

 Télébo SOUNDELE, Project Manager Orange Corner Côte d’Ivoire : « Nous aiguisons l’appétit des jeunes pour l’agri-entrepreneuriat »  
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Les Pays-Bas ont confié au cabinet Entrepreneurial Solutions Partners (ESP) à Abidjan la gestion du programme d’entreprenariat pour les jeunes, Orange Corners pour la Côte d’Ivoire. Télébo SOUNDELE en est le Project manager depuis 2022, date à laquelle elle a intégré ESP. Elle nous livre son analyse du programme et de sa mise en place en Côte d’Ivoire, soulignant par la même occasion, les défis majeurs que représente la mutation sociétale en Côte d’Ivoire à travers ses jeunes et comment Orange Partner apporte sa pierre à l’édifice.

Qu’est-ce qui rend le programme Orange Corners unique ?

Télébo SOUNDELE (T.S) : Le Ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas est à l’initiative de ce programme Orange Corners qui existe dans 20 pays d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient. Ce programme aide à développer des cultures de l’innovation auprès des jeunes entre 18 et 35 ans, des étudiants en particulier, en Côte d’Ivoire.

Je dois préciser que « Orange » est la couleur symbolique des Pays-Bas, d’où le nom du programme. Il offre aux jeunes entrepreneurs une formation, un mentorat, un réseau, un financement et des installations pour démarrer et développer leur entreprise.

La Côte d’Ivoire est un des premiers pays en Afrique où les Pays-Bas ont implanté ce programme en 2019 et qui vise essentiellement à accompagner l’innovation non-digitale dans les secteurs structurants de l’économie nationale.

Ce pays regorge de talents et nous estimons que ces derniers ont juste besoin d’un « capital intelligent », (Intelligent Capital, Ndlr). Notre Cabinet (ESP, Ndlr) qui allie assistance technique et financement met essaie d’apporter cette plus-value substantielle au bénéfice des bénéficiaires du programme Orange Corner. Notamment en adaptant ce capital intelligent à leurs besoins à l’effet de soutenir leurs innovations.

Ce programme unique en son genre en ce sens qu’il est axé sur l’intégration féminine. Nous mettons un accent particulier sur les jeunes femmes entrepreneures en boostant leur potentiel et en positionnant leur business à l’échelle de ceux des Hommes. Cette stratégie a permis entre autres de faire émerger des « role model » féminins dans divers secteurs. A l’idée que cela incitera davantage la gent féminine. Notons que le « role model » est un terme anglais pour désigner quelqu’un qui va jouer le rôle d’un modèle d’inspiration pour d’autres générations.

Comment procédez-vous pour justement détecter ces talents ?

T.S : Nous faisons un appel à candidatures via internet et utilisons beaucoup la communication digitale pour toucher notre cible. A cela s’ajoutent des tournées « Inspiration » dans les universités du pays dans le cadre des « dare to dream (osez rêver, Ndlr) » pour parler du programme et les encourager à postuler avec pour maître mot : l’innovation. Tout ceci a permis de toucher plus de 5000 étudiants.

Vous estimez à combien le nombre de bénéficiaires impliqués dans les activités agro-industrielles et agricoles à ce jour ?

T.S : 60% des étudiants travaillaient sur des sujets agricoles. Nous avons approximativement le même taux du côté des entrepreneurs incubés, soit environ 60 à 70% des 160 entrepreneurs. A l’analyse, ceci est lié aux différents partenariats que nous avons conclus avec des écoles abritant des filières agricoles.

Comment se traduit l’implication des entreprises privées dans la mise en œuvre de ce programme ?

T.S : Les entreprises privées partenaires jouent un rôle déterminant dans le programme. D’une part, elles nous apportent une contribution financière. Ces fonds permettent de financer les activités, les ateliers de formation, les tournées dans les universités ainsi que les évènements liés aux femmes. D’autre part, ces entreprises font elles-mêmes du renforcement de capacités au travers d’animations de master class ou du mentorat avec les incubés. Elles aident en outre les bénéficiaires à accéder à certains marchés par le truchement d’expositions commerciales, de participation à des B2B. Enfin, nos partenaires participent également aux jurys de sélection et d’investissement dans le cadre de l’octroi de fonds d’investissements aux meilleurs des cohortes.

L’Agriculture occupe visiblement une place prépondérante dans le programme…

T.S : Je dirai à 100%. Nous avons même une entreprise spécialisée dans l’élevage. Nous avons ouvert le programme à l’agriculture, aux transports et à la logistique, aux énergies renouvelables y compris les techniques intelligentes. Mais force est de constater que l’Agriculture pèse énormément dans l’écosystème entrepreneurial.

Quels sont les défis auxquels sont confrontés les jeunes entrepreneurs en Côte d’Ivoire ?

T.S : Le premier des défis est relatif à l’adaptation des mentalités, autrement dit le « mind-set ». Malheureusement les jeunes manquent souvent du bon « mind-set » pourtant déterminant en entrepreneuriat. A défaut, les jeunes sont maintenus dans un état de stagnation. Pour relever ce défi, nous organisons des ateliers sur la résilience, la gestion du stress, le « personal building ». L’autre challenge concerne l’accompagnement technique. Ils ont besoin de plus de compétences et d‘outils pour le pilotage de leurs idées d’entreprise. En sortant du système scolaire classique, ils ne disposent pas d’assez de rudiment pour entreprendre en effet. A ce qui précède se greffe l’accès aux financements. Je le mets après le « mind-set » et l’accompagnement technique parce que, lorsqu’ils ont le bon état d’esprit, ils parviennent à accéder à certains financements. L’accès au financement est tout de même un défi pour les entrepreneurs, peut-être parce qu’ils n’ont pas forcément la bonne information à ce niveau-là.

Existent-ils d’autres facteurs limitants selon vous ?

T.S : Effectivement. L’agriculture n’a pas la meilleure image auprès des jeunes. Ils trouvent que c’est un métier dépassé, pénible. Car ils ont vu leurs parents et grands-parents pratiquer une agriculture ancestrale, pas moderne du tout. Ils ont des préjugés sur la pénibilité du secteur et du métier.

Nous essayons par conséquent de mettre en avant les opportunités à travers l’innovation dans l’agriculture, les nouvelles techniques, les moyens de pratiquer une transformation agricole. Les Pays-Bas sont une référence en termes d’innovations agricoles, horticoles. Fort de cela, nous effectuons beaucoup d’échanges avec les membres de l’Ambassade, du ministère des Affaires étrangères qui viennent souvent en Côte d’Ivoire rencontrer nos entrepreneurs pour évoquer les opportunités liées à l’innovation agricole.

Quelles sont les actions mises en place pour accompagner et soutenir les femmes dans l’entreprenariat ?

T.S : Depuis 18 mois, les femmes sont au cœur du programme. Il se trouve qu’à l’arrivée, elles sont parmi les entrepreneurs les plus performants. Ce n’est pas évident de voir des femmes cheffes d’entreprises diriger des hommes. Nous travaillons pour ce faire sur leur « mindset » à travers des activités spécifiques lors d’événements. Dans la pratique nous regroupons les femmes de toute la communauté pour rebooster leur capital confiance.

Lors des recrutements, la communication est appuyée par une tournée dans les écosystèmes féminins. Pour ces rencontres, nous usons d’un vocabulaire accessible et procédons par une communication visuelle de sorte à les toucher davantage. Même sur les 18-25 ans, il y a énormément de travail à faire sur le « mind-set » des jeunes femmes. Les plus jeunes sont les plus susceptibles de ne pas avoir confiance en elles car elles sortent du cocon familial. Elles sont encore marquées par l’éducation et la culture, par le regard des parents, de la communauté, qui peuvent être un frein pour devenir entrepreneur. Pour les plus âgées, si ce ne sont pas leurs parents, ce sont les conjoints. Au début, lorsque c’est une simple petite activité informelle, ils ne sont pas contre mais quand ça devient une entreprise plus prospère, qu’elles commencent à embaucher, à être plus occupées, à rentrer plus tard à la maison, cela devient un souci pour le conjoint. Fort de cela, nous avons convenu d’impliquer un peu plus les parents et les conjoints.

 

 

 

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