Mohamed Kagnassy, PDG Westwind en Guinée: La digitalisation est une chance incroyable

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Pour Mohamed Kagnassy, PDG du groupe guinéen Westwind, l’application Kobiri dédiée au monde rural et développée sur la base d’un partenariat public-privé qu’il estime indispensable, remporte un franc succès : le nombre d’engins agricoles disponibles s’avère insuffisant face à la demande dès la première année. Mais la digitalisation permet aussi de créer des bases de données, autre élément incontournable du développement agricole, fer de lance de l’économie en Guinée, comme ailleurs.

Interview exclusive de Mohamed Kagnassy à CommodAfrica au Salon international de l’agriculture (SIA) à Paris, en marge de la conférence « Digital Africa : catalyseur de l’innovation agricole » organisé sur le stand de La Ferme digitale, une association qui promeut l’innovation et le numérique dans l’agriculture et qui a reçu 10 start-up africains. Digital Africa est une plate-forme d’appui à l’innovation en Afrique initiée par l’Agence française de développement (AFD).

 

En quoi consiste votre application Kobiri ?

Le groupe Westwind a travaillé durant deux ans au développement d’une application digitale qui s’appelle Kobiri et nous sommes opérationnels depuis un peu plus d’une année.

Cette application est dédiée au monde rural. Il s’agit d’un nouveau système pour mieux organiser le secteur, que ce soit l’agriculture, l’élevage, la pisciculture, l’aviculture, l’apiculture et la pisciculture.

Quel est votre lien avec le ministère de l’Agriculture sur ce projet ?

C’est un partenariat public-privé. Aujourd’hui, en Afrique, les gouvernements ont compris qu’il y avait vraiment  une utilité opérationnelle à aller de l’avant dans un esprit de partenariat public-privé. Cela permet d’améliorer ce que nous faisons actuellement car l’implication du privé donne un résultat plus efficace que si c’était purement public. Cela se constate d’ailleurs à travers le monde où on voit que l’implication du privé permet d’obtenir un résultat meilleur et viable.

Au bout d’un an, quels ont été les projets concrètement réalisés ?

Au bout d’un an, on se rend compte qu’avec l’innovation technologique, on peut franchir certaines étapes du développement assez rapidement. Pour nous, il s’agit presque d’opérations miracle car sur notre continent, on a plutôt tendance à gérer des problèmes. Or,  pour une fois, nous avons des solutions. C’est le côté très positif, très encourageant, qui nous mène à croire que la digitalisation peut être une solution pour tendre vers un développement inclusif.

Mais, pour répondre à votre question, quand on prend des segments opérationnels comme, par exemple, la mécanisation, nous avons déployé au niveau de la Guinée sept centres de développement rural. Ce sont des centres de proximité qui sont localisés dans les bassins de production. A travers la plateforme, que le paysan ait un hectare (ha), 10 ou 50 ha, il pourra commander son engin -un tracteur, une moissonneuse-batteuse, et ce sera payé par des moyens mobiles que nous avons aujourd’hui, notamment Orange Money ou MTN Money, et la prestation faite.

Cela nous permet aussi d’avoir une base de données sur la communauté, savoir quelles superficies ils cultivent, quelle est la progression de superficies cultivées au fil des années grâce à la mécanisation, et aussi connaitres le type de cultures cultivées.

A ce jour, combien d’agriculteurs utilisent cette plateforme ?

Nous couvrons tout le territoire mais il est clair qu’il faut qu’on monte en puissance avec le nombre d’équipements pour faire face aux demandes. On n’a pas encore les chiffres définitifs mais ce qui est certain est que les machines ont travaillé sur toute la période des moissons, par exemple. Il y avait plus de demande que d’équipement.

Combien avez-vous de véhicules ?

Modestement, on a 300 moissonneuses et tracteurs, ce qui est insuffisant par rapport à la demande.

Ceci implique aussi de former les agriculteurs….

En fait, l’agriculture moderne sur laquelle nous partons est dans l’innovation. Et cette innovation se situe à plusieurs points. La digitalisation est uniquement la forme visible de l’innovation.  Nous, quand on parle d’innovation pour le paysan, on parle de semences améliorées ;  pour l’éleveur, d’insémination artificielle par rapport à l’élevage traditionnel pour augmenter la production de lait et de viande grâce au métissage ; on parle de phytosanitaires contrôlés et non “piratés” ; on parle d’introduction d’alevins pour empoissonner et non seulement en tilapias car c’est la production courante ; on parle de variétés végétales améliorées, notamment le cacao Mercedes et, pour le café,  de certains arbres notamment l’Arabica dans le Fouta-Djalon qui est propice à cette culture qui se faisait déjà dans le passé. Aujourd’hui, nous le réintroduisons avec des variétés plus rentables et surtout  des variétés appréciées par le marché international. C’est le Rwanda qui nous assiste dans ça.

Comment les agriculteurs parviennent-ils à financer vos services ?

C’est là où nous jouons encore la carte du public-privé. Qu’on soit d’accord : ce n’est pas parce que c’est mécanisé que c’est plus cher. Car si on raisonne d’une manière purement mathématique, on se rend  compte qu’un hectare à moissonner requiert un certain nombre de personnes qu’on emploie à la journée. Il faut aussi calculer le temps qu’on y passe, les volumes récoltés manuellement par rapport à celles obtenues mécaniquement, etc. Il y a une grande différence et donc un réel avantage économique. Le paysan a déjà les ressources pour payer toute cette main d’œuvre, donc il l’aura pour payer le recours à la mécanisation. D’ailleurs, le nom de l’application Kobiri veut dire en soussou “argent”. Donc , l’esprit est de leur faire gagner plus.

La nouveauté est que le prix est uniformisé sur  l’ensemble du territoire national, que l’agriculteur ait un hectare ou 50. La plateforme permet de mutualiser car c’est la seule à le faire sur toute l’étendue du territoire.

D’autres sociétés offrent-elles le même service ?

Non, pour le moment. Mais on souhaite qu’il y en ait d’autres dans d’autres services car comme je disais la digitalisation pour l’Afrique est une chance  incroyable. Car, lorsque vous avez une base de données et vous savez qui fait quoi et où, lorsqu’on doit augmenter la production de telle spéculation, on sait exactement à qui s’adresser ; si on veut accompagner une filière bien précise, on sait  à qui s’adresser ; si on veut aussi avoir des statistiques par rapport à l’accroissement des superficies cultivées, on a une base de données.

Vous avez un soutien international ?

Non. Je suis aussi conseiller du Président de la République pour le développement rural car, que ce soit dans les pays développés ou dans la sous-région, comme en Côté d’Ivoire avec le président feu Félix Houphouët-Boigny, on a vu que là où il y avait un succès dans le développement rural, il y a toujours eu une implication présidentielle. Aujourd’hui, on sait que l’agriculture est le seul secteur qui peut employer le plus grand nombre, c’est le secteur  qui a la possibilité de créer des chaînes de valeur, et c’est le secteur primaire, par définition, qui nous permettra de développer un secteur secondaire où on peut parler de transformation.

En Afrique, nous sommes partis de la forme vers le fond. Le fond c’est ce qui donne des résultats. Est s’il y a des difficultés, on sait maintenant que si on les surmonte, on aura des résultats.

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