Révolution au Cameroun : les filières café-cacao optent pour la phénologie

 Révolution au Cameroun : les filières café-cacao optent pour la phénologie
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Les 6, 7 et 8 juin prochain, le Conseil Interprofessionnel du Cacao et du Café (CICC) au Cameroun organise une conférence scientifique internationale tendant à révolutionner l’approche d’adaptation de ces deux filières aux dérèglements climatiques. Pour le Secrétaire Exécutif du CICC, Omer Maledy, il y a urgence pour chacun. On ne peut pas attendre le jour où la science trouvera la solution face à ces dérèglements. C’est pourquoi, après 10 ans de recherche et 3 ans de test, le CICC propose une nouvelle approche, replaçant la plante au cœur du dispositif d’observation afin de mieux la connaitre, l’écouter et l’accompagner dans son développement pour une meilleure production.

Le président du CICC, Apollinaire Ngwe, estime que cela fait 10 ans qu’on cherche une solution aux dérèglements climatiques et que maintenant, on ne peut plus attendre davantage. Qu’il y a urgence. Peut-on parler, alors, d’échec dans la recherche de solutions ? Ne doit-on pas se donner plus de temps que 10 ans ? Et quel est ce constat d’échec ?

Il ne s’agit pas vraiment d’un échec. Mais le fait est là : cela fait une dizaine d’années, voire un peu plus, que nous parlons de changements climatiques, que nous cherchons des solutions pour adapter nos cultures café-cacao à ces changements climatiques. Cela fait 10 ans que tout le monde en parle et surtout les producteurs car ce sont eux qui subissent de plein fouet ces changements climatiques.

Aujourd’hui, les producteurs sont désemparés ; ils ne savent plus quand faire quoi car rien ne se fait plus selon la même régularité. Dix ans, c’est court pour la recherche d’une nouvelle variété car il faut en général au moins 15 ans, mais c’est long pour un planteur qui, chaque année, ne sait plus quand il fait traiter son champ, quand il faut planter, quand il faut soigner. Dans les organisations qui accompagnent les producteurs, nous sommes interpelés tous les jours. Et dix ans d’interpellations quotidiennes, c’est long… C’est pour toutes ces raisons qu’il fallait trouver une solution.

Donc, ce n’est pas un échec car la recherche se poursuit. Mais en attendant de trouver les variétés qui seront résistantes aux changements climatiques, en attendant que tous les producteurs aient les moyens pour s’offrir des systèmes d’irrigation (ce qui n’est pas le cas aujourd’hui), en attendant le jour où il entrera dans les habitudes de tous les producteurs de faire de l’agroforesterie car c’est une nouvelle habitude à adopter et ce n’est pas évident, en attendant tout ça, que fait-on ?

C’est pourquoi nous avions hâte de trouver une solution. Mais une solution qui soit pratique, facile, qui soit adaptée au producteur en attendant les autres grandes solutions et pistes que nous propose la recherche.

Dix ans plus tard, nous avons quelque chose qui nous semble correcte, qui marche, que nous avons testé et que nous voulons partager lors de cette conférence qui se tiendra la semaine prochaine.

Quels sont les objectifs recherchés ? Un accroissement de la productivité, une meilleure rémunération des producteurs, une plus grande adaptabilité aux changements climatiques ?

En réalité, le producteur ne parvient plus à obtenir sa production comme par le passé parce que le climat s’est déréglé. Par conséquent, l’objectif principal est d’avoir trouvé une piste, un moyen, une approche qui permettent au producteur d’adapter désormais ses pratiques aux changements climatiques afin de perpétuer sa production et d’en vivre mieux. Car son revenu s’est amoindri depuis qu’il n’a plus la même production, depuis qu’il n’a plus les mêmes rendements. S’il obtient de meilleurs revenus, son cadre de vie s’améliorera.

Face à cela, l’objectif premier pour nous est de dire : il y a une solution. On ne dit pas que c’est la panacée mais c’est une piste qui est crédible et accessible. Cette piste permettra au producteur de savoir quand faire quoi dans sa plantation.

Quelle est cette solution que vous avez conçue ?

Pour être honnête, on n’a rien inventé. Dans l’agriculture, il y a le calendrier agricole. Chaque spéculation a son calendrier agricole qui est conçu tout simplement sur la base du comportement de la plante pendant son cycle annuel.

La plante avait coutume de se comporter de façon particulière au fil des mois et saisons. On a ainsi pu établir un calendrier agricole qui détermine les actions que l’agriculteur doit mener à chaque période.  Le producteur n’avait même plus besoin de réfléchir parce que le plant se comportait de façon régulière : il savait qu’entre janvier et mars, il devait appliquer tel traitement, puis d’avril à juin, faire telle opération. Certains ne savaient même pas pourquoi.

Mais le plant ne se comporte plus de cette manière. Il n’y a plus de régularité. C’est d’ailleurs la différence entre le changement climatique et le dérèglement climatique : s’il y avait seulement un changement climatique, le calendrier pourrait être aisément modifié, adapté. Mais ce n’est pas le cas. Tout est totalement déréglé et on ne sait plus ce qui va intervenir et quand.

Donc on revient aux bases. Peu importe la date du calendrier, lorsque la plante a tel ou tel comportement, voici le traitement de base qu’il faut appliquer, voici l’action qu’il faut mener dans la plantation. L’intervention ne s’opère plus selon une périodicité préétablie, selon un calendrier. L’intervention s’applique selon ce qu’on observe. C’est l’approche phénologique :  le comportement du plant va nous guider.

Alors maintenant, que doit-on faire ? Il faut savoir observer le plant, il faut savoir interpréter le comportement du plant, il faut connaitre comment se comporte tous les plants dans un bassin de production donné. Il faut observer et interpréter, ce qui permet de préconiser une action dans la plantation. Ce sera comme ça, désormais, que le planteur agira.

Le nouveau calendrier agricole est le comportement du plant que l’on observe. Ainsi, parce qu’un cacaoyer a quatre ou cinq grands rendez-vous annuels, quel que soit le dérèglement, au moment où il aura tel comportement, le planteur saura quoi faire. Il ne sera pas déconcerté.

En réalité, nous n’avons rien inventé. On est simplement revenu à la sagesse originelle : l’observation. Nous appelons tout le monde à ce retour aux sources. Il nous faut apprendre à observer ce que nous dit la plante, à l’interpréter et savoir quoi faire en fonction du comportement de la plante.

Pour que cela fonctionne, nous avons mis en place au Cameroun un système d’observation dans chaque bassin de production avec des observateurs qui ont été formés. Ils envoient une à deux fois par semaine des données météo et physiologiques de leur zone d’observation dans le système central. On sait ainsi exactement ce qu’il se passe au niveau du plant, ce qui permet, ensuite, de conseiller les planteurs de la zone concernée, sur le moment d’appliquer tel traitement ou d’effectuer tel entretien agricole.

Les planteurs vont, désormais, être à l’écoute du système d’observation que nous avons mis en place et ils seront ainsi accompagnés dans ce qu’ils doivent faire. Car dans chaque zone, il y a une parcelle témoin afin que chaque planteur puisse voir comment le plant se comporte lorsque l’on applique les préconisations du système d‘observation.

 

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