Les exportateurs locaux de cacao en Côte d’Ivoire devront-ils aussi publier leur prime au producteur ?

 Les exportateurs locaux de cacao en Côte d’Ivoire devront-ils aussi publier leur prime au producteur ?
Partager vers

A partir de fin mai, la Côte d’Ivoire et le Ghana publieront chaque mois le niveau de prime payée par les chocolatiers et les négociants pour du cacao de haute qualité dans le but d’atteindre un prix plancher minimum au profit des producteurs, selon le “Pacte économique du cacao durable” signé hier par les deux plus grands producteurs mondiaux de cacao lors de la première réunion du Comité économique et de commercialisation de l’Initiative Cacao Côte d’Ivoire-Ghana (ICCIG) qui s’est tenue à Abidjan.

En publiant les chiffres sur une base mensuelle, le Conseil ivoirien du café et du cacao (CCC) et le régulateur ghanéen Cocobod ont déclaré qu’ils espéraient apporter une plus grande transparence et atteindre le prix minimum de $ 2 600 la tonne prévu depuis 2019.

Il est devenu nécessaire de renouer le dialogue avec les principales parties prenantes et partenaires… pour fournir immédiatement un prix plancher minimum de $ 2 600 la tonne comme initialement prévu”, précise la déclaration commune lue par le secrétaire exécutif de l’initiative, Alex Assanvo.

Différentiel de revenu décent vs. différentiel d’origine

Rappelons qu’en juin 2019, la Côte d’Ivoire et le Ghana ont fixé à $ 2 600 l’objectif de prix plancher au planteur et ont mis en œuvre le 1er octobre 2020 le « différentiel de revenu décent » (DRD ou LID en anglais) de $ 400 la tonne.

Les multinationales ont tout d’abord résisté à la mise en œuvre du DRD puis, face à la fermeté de la Côte d’Ivoire et du Ghana, ils ont négocié la baisse des différentiels d’origine habituellement pratique par les marchés et qui variaient selon l’offre et la demande, avec pour paramètres les volumes mais aussi la qualité  (lire nos informations dont Les exportateurs de cacao demandent à la Côte d’Ivoire de réduire le différentiel et La proposition de $ 2 600 la tonne de cacao s’affine, mais les industriels rechignent).

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Le DRD de $ 400 la tonne, soit £ 320, est bien appliqué mais le différentiel d’origine est actuellement négatif, de l’ordre de -£ 125 par rapport au prix sur le marché à terme de Londres pour le cacao de Côte d’Ivoire et -£ 60 pour les fèves du Ghana. Et ce qui compte, souligne un trader, c’est le différentiel total payé, DRD + différentiel d’origine.

« On est revenu au différentiel global d’avant le LID », explique à CommodAfrica un trader. « Car, au final, ce qu’il faut regarder pour le planteur, c’est le différentiel total. Raisonner le DRD séparément n’a pas de grande logique. »

La décision de l’ICCIG pourrait ne pas changer grand chose

Que va changer la publication, chaque mois, par le CCC et le Cocobod des primes payées par chaque chocolatier ou négociant ? « Pas grand-chose… », confie le trader.

En effet, le différentiel d’origine serait un différentiel décidé par le CCC et le Cocobod. « Ce n’est pas un différentiel officiel mais ce sont des différentiels transparents que chacun connait. La base de calcul de ces différentiels sont celles du CCC et du Cocobod. Ils ont la main et peuvent l’augmenter ou le baisser à leur discrétion. Alors, ce n’est pas un prix gravé dans le marbre comme le DRD ou le prix garanti au planteur, mais c’est leur calcul », poursuit-il.

En conséquence, publier ces différentiels ne devrait guère changer les choses, estime notre interlocuteur.

Si on veut changer les choses, il faut être plus explicite et ou s’attaquer aux vrais problèmes, suggère le trader. La prime payée par les grands groupes seront publiés mais quid des plus petits exportateurs locaux ?  « Dans le communiqué, il n’est pas clair si le CCC et le Cocobod vont publier les prix payés par les locaux. Et là, il faut distinguer entre les deux pays. Au Ghana, il n’existe pas d’exportateurs locaux puisque le Cocobod centralise ces opérations à travers son bras commercial, le Cocoa Marketing Company (CMC). En revanche, en Côte d’Ivoire, il existe deux marchés : celui du CCC et celui des exportateurs locaux qui achètent au CCC et revendent en spéculant et souvent avec des différentiels beaucoup plus bas que ceux du CCC. » Des différentiels qui peuvent aller actuellement jusqu’à -£ 200 en dessous de Londres.

Car le jeu -ou l’enjeu- ne serait pas le même entre les traders locaux et les groupes internationaux, estime-t-on, ces derniers étant soumis à des contraintes croissantes et de plus en plus drastiques en termes de traçabilité, de durabilité et donc de sourcing transparent et de qualité. La plupart du temps, ils préfèrent acheter au sein de leur propre filiale ou/et réseau local, ce qui permet d’établir une traçabilité complète d’un bout à l’autre de la chaîne de valeur, ce qu’exigent maintenant les marchés majeurs de consommation.

Le cours mondiaux du cacao sur le marché à terme de Londres

Autres Articles

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *