Le Baromêtre des agricultures familiales dénonce la course aux rendements

 Le Baromêtre des agricultures familiales dénonce la course aux rendements
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Pour développer l’agriculture notamment en Afrique, deux visions continuent de s’opposer : s’appuyer sur le petit agriculteur ou miser sur l’agriculture commerciale.

Militant de cette deuxième option, Hamza Rkha Chaham, qui dirige la stratégie internationale d’Airinov, start-up française dans la télédétection, écrivait en avril dernier sur Linkedin : “il faut sortir de la vision romancée du petit fermier agricole qui cultive un demi hectare pour subvenir dignement aux besoins de sa famille. ” Et de poursuivre : “Cette vision romancée a amené, par le passé, les grandes institutions internationales comme la FAO (Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation), le FIDA (Fonds international de développement agricole) ou la Banque mondiale à diaboliser les agriculteurs commerciaux et s’enthousiasmer devant la petite agriculture. Ce faisant, ces institutions portent aussi la responsabilité du dénigrement des pratiques de l’agriculture commerciale (mécanisation, fertilisation, semences certifiées, irrigation, produits phytosanitaires…) pourtant nécessaires à l’augmentation de la productivité et par la même le revenu de l’agriculteur.

La première option, quant à elle -en faveur des petits agriculteurs- est défendue par nombre d’organismes, dont les ONG SOS Faim en Belgique et Iles de Paix qui ont publié hier le “Baromêtre des agricultures familiales” au plan mondial, mais où l’Afrique est très largement citée. “Face aux constats pessimistes quant à l’avenir de la planète, l’augmentation sans précédent de la population mondiale, la question du rendement de la production agricole, le réchauffement climatique qui s’accélère et la perte de plus en plus préoccupante de ressources naturelles, les solutions proposées pour répondre au défi de la sécurité alimentaire mondiale  devraient davantage miser sur l’agriculture familiale et l’agroécologie“, est-il déclaré en ouverture du rapport.  

Mais, mettons à part ce débat. Que nous enseigne ce rapport riche en chiffres et analyses ?

La rupture de l’autonomie liée à l’agriculture

Tout d’abord, l’Afrique sub-saharienne abrite 28% des personnes souffrant de la faim à travers le monde, derrière l’Asie du Sud (38%). SOS Faim rappelle que selon l’Indice de la faim dans le monde (IFM) publié en 2017 par l’International Food Policy Research Institute (Ifpri) sur des chiffres 2016, “la faim régresse mais [que] les disparités entre les continents s’accroissent, les situations en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est étant particulièrement préoccupantes“. Une tendance qui, toutefois, est en train de s’inverser, a indiqué le mois dernier la FAO.

En outre, les écarts entre pays riches et pauvres se creusent et si d’ici 2030 le nombre de sous-alimentés régressera au plan mondial, il continuera à augmenter en Afrique sub-saharienne. D’ici là, la photographie aura bien changé, l’ONG dénonçant l’urbanisation “galopante” qui transforme la physionomie de l’insécurité alimentaire : “les citadins les plus pauvres dépendent désormais du prix des aliments et ne bénéficient plus d’une autonomie liée à l’agriculture.” La façon de consommer change aussi. “La demande de nourriture toute prête à consommer, comme les snacks, la « street food» ou les plats à emporter, a augmenté et la sous-alimentation a cédé le pas dans plusieurs régions à des problèmes de malnutrition (accumulation de carences en vitamines et en nutriments souvent liée à une alimentation mal équilibrée), quand il ne s’agit pas de l’explosion de l’obésité dans de plus en plus de régions du monde.” L’Ifpri estime, rappelle le rapport, que ce changement de façon de consommer va “modifier les chaînes de production“, 70% de la nourriture de la planète étant encore aujourd’hui le fait de l’agriculture familiale. “Les agriculteurs disparaissent dans des zones où l’agriculture familiale devrait précisément être protégée“, écrivent les auteurs du rapport, qui dénoncent l’appel “à de nouveaux investissements, dans les technologies mais aussi dans les intrants agricoles tels que les semences améliorées. […] C’est tout le modèle de l’agriculture paysanne qui risque d’être mis à mal, au profit de ces « nouvelles chaînes de valeur »...”

“Tout est-il permis au nom du rendement” ?

En filigrane, encore et toujours, l’amélioration du rendement agricole est la préoccupation majeure” car la majorité de la nourriture reste produite localement, les importations nettes étant en dessous de la barre des 50% dans la majorité des pays d’Afrique. Mais elles augmentent. Pour faire face à la demande d’ici 2050, la production agricole devrait progresser de 112,4% contre +20% entre 2005 et 2012, selon le rapport. Or, cette amélioration n’est attendue que de la technologie, et donc du secteur privé, des partenariats public-privés, dénonce SOS Faim. “Mais tout est-il permis au nom de ce rendement ?” et l’ONG de dénoncer les recommandations de la FAO qui, par ailleurs, “fait partie de l’Alliance mondiale pour une agriculture intelligente, largement favorable à l’usage des OGM dans l’agriculture.”

La grande absente des rapports est sans conteste l’agriculture familiale. Des problématiques telles que le droit à la terre ou les accaparements de terres réalisés par les entreprises de l’agrobusiness ne sont pas abordées. Le rôle de la société civile ainsi que des organisations paysannes semble étrangement absent du débat. L’attention à porter aux savoirs traditionnels des agriculteurs n’est pas mentionnée. Un silence interpellant“.

Mais, au fait, qu’entend-on aujourd’hui par “agriculture familiale” ? Est-ce le socle familial qui prédomine ou la pauvreté ?

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