Ben Kubbinga, conseiller agricole des Pays-Bas : « nous cherchons le codéveloppement et la cocréation dans nos projets »

 Ben Kubbinga, conseiller agricole des Pays-Bas : « nous cherchons le codéveloppement et la cocréation dans nos projets »
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Depuis septembre 2022, un poste de Conseiller agricole basé à l’ambassade des Pays-Bas à Abidjan a été créé, signe d’une montée en puissance des questions agricoles et de récentes nouvelles orientations. Tour d’horizon de la coopération néerlandaise en Côte d’ivoire et au Sénégal avec le nouveau conseiller Ben Kubbinga qui représente le ministère néerlandais de l’Agriculture, de la nature et de la qualité alimentaire. Les Pays-Bas sont le pays à l’honneur du prochain Salon international de l’agriculture et des ressources animales (SARA) qui se déroulera du 29 septembre au 8 octobre à Abidjan.

 

Quelle est l’approche développée par les Pays Bas pour renforcer la coopération bilatérale dans l’agriculture en Côte d’Ivoire ? Quelles innovations et expertises mettez-vous en valeur dans les projets agricoles menés en Côte d’Ivoire et au Sénégal ?

La spécificité de notre approche dans le domaine agricole est que nous cherchons le co-développement et la cocréation dans nos projets. Nous développons des solutions adaptées aux besoins locaux en harmonie avec la société et l’environnement tant en Côte d’Ivoire qu’au Sénégal.

Un autre aspect important dans nos relations avec les pays d’Afrique de l’Ouest c’est la réciprocité dans la coopération. Comment trouver des solutions pour les problèmes que nous partageons ? Un bon exemple se situe au Sénégal dans la zone des Niayes, cœur de la production horticole, mais qui connaît des problèmes importants de salinité. Aux Pays-Bas, nous rencontrons le même problème. Nous souhaitons donc développer des solutions ensemble. Nous le faisons dans le cadre projet Horti Sénégal avec l’entreprise néerlandaise Salt Doctors, spécialisée dans la mise en œuvre de systèmes agricoles résilients dans les zones touchées par le sel. Les projets qu’ils développent au Sénégal sont aussi très pertinents pour les Pays-Bas. Ils permettent d’augmenter la production horticole mais aussi d’apprendre ensemble comment gérer les défis que l’on a avec la salinité, le changement climatique, la perte de la biodiversité et ainsi de voir quelles réciprocités nous pouvons avoir dans les relations.

J’ajouterai un troisième point sur notre approche de la coopération agricole. Dans chaque projet nous voulons introduire une coopération triangulaire entre le business, le gouvernement, les instituts de recherche et les ONG, ce qui nous appelons le «  Dutch Diamond ». C’est notre pratique aux Pays-Bas mais c’est nouveau pour la Côte d’Ivoire et le Sénégal.

La durabilité est-elle le fil conducteur de vos interventions dans le domaine agricole ? Comment est-elle appréhendée ?

Nous voulons appréhender le système en entier, regarder ce que l’on peut changer pour aussi faire des bonds qualitatifs (« leapfrogging»). Nous voulons éviter les problèmes, par exemple, que nous avons créés avec l’agriculture intensive en Europe et de voir comment en tirer des leçons et faire des sauts plus grands.

Un de nos partenaires avec qui nous travaillons, par exemple, est l’entreprise néerlandaise Metabolic qui actuellement réalise une analyse du secteur du cacao en décortiquant les flux de fèves de cacao qui vont de la Côte d’Ivoire aux Pays-Bas. Aujourd’hui, la majorité de la transformation se fait aux Pays-Bas mais avec la nouvelle politique de la Côte d’Ivoire tout va changer très bientôt. Les Pays-Bas devront s’adapter rapidement à cette nouvelle réalité en tenant compte de l’impact sur l’environnement et la société.

C’est un challenge pour les Pays-Bas qui transforment une grande partie du cacao ivoirien ?

A travers nos projets, nous apportons nos connaissances et nos technologies pour la première transformation en Côte d’Ivoire. Ceci apporte plein de nouvelles opportunités commerciales pour les entreprises Néerlandaises. Pour la deuxième transformation, elle se fera probablement toujours pour une grande partie aux Pays-Bas et dans d’autres pays Européens, il faudra donc adapter nos chaînes pour être capables de le faire.

Au-delà de la technologie pour la transformation directe, il y a aussi la valorisation des déchets. En Côte d’Ivoire, l’entreprise ivoironéerlandaise LONO transforme les biodéchets en compost, gaz et fertilisant. Cette entreprise est une belle illustration de cocréation entre nos deux pays. De la même manière, on veut codévelopper d’autres solutions durables, par exemple pour la logistique, la chaine du froid, l’emballage etc.

Vos activités visent une transition durable du système alimentaire ?

En effet, quand on parle de bonds quantitatifs, le nouveau programme que l’on va lancer au SARA dans l’horticulture, HortiNord, est un « combi-track » qui permet aux Néerlandais d’exporter des connaissances et de la technologie et d’apprendre comment améliorer la production agroécologique chez eux. Il se base sur un projet déjà lancé en Côte d’Ivoire : HortIvoire. Ce projet montre déjà qu’avec de nouvelles technologies hors-sol de l’entreprise AgriFer, adaptées au contexte Ivoirien, la production de tomates a été multipliée par quatre. Avec HortiNord, nous voulons aller encore plus loin en collaborant avec des partenaires comme l’entreprise néerlandaise Koppert pour mettre en place des solutions agroécologiques et organiques et adopter une approche plus régénérative.

Le secteur privé, et donc les entreprises néerlandaises, semblent être au cœur de vos interventions

Oui, nous essayons de les associer de plus en plus en Côte d’ivoire et au Sénégal. Des entreprises qui disposent d’une expertise pour les technologies et les intrants mais aussi celles qui peuvent apporter des connaissances – bureau d’études, centres de recherche- pour changer et/ou développer un secteur de manière durable.

Le plus souvent, nous nous basons sur des consortiums d’entreprises néerlandaises avec des partenaires locaux. HortIvoire, au nord de Yamoussoukro, est un exemple avec AgriFer qui fournit la technologie hors sol, Van Iperen International les intrants, Rijk Zwaan les semences, Résilience pour la mise en exécution, et l’INFPA comme partenaire local. Dans le cadre du projet, ils forment les jeunes, en particulier les femmes, pendant trois mois aux techniques horticoles hors-sol et en même temps c’est une opportunité pour eux de développer leur business en Côte d’ivoire et dans la sous-région, de comprendre comment fonctionne le secteur, de trouver des distributeurs, etc. C’est un partenariat gagnant-gagnant pour le business et pour le développement du secteur.

Avec HortiNord, nous allons aller encore un peu plus loin en incubant les jeunes entrepreneurs dans ce secteur avec les mêmes partenaires et d’autres avec des expertises dans l’agroécologie comme Koppert.

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