La Chronique Matières premières agricoles au 19 octobre 2023

 La Chronique Matières premières agricoles au 19 octobre 2023

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Les marchés financiers reflètent la vive inquiétude mondiale, tant au plan militaire qu’économique et politique. La remontée des rendements obligataires américains, renforcée par une mise en garde la veille du président de la Réserve fédérale américaine (Fed) Jerome Powell, ainsi que le risque géopolitique et des publications de résultats mitigés d’entreprises maintiennent en berne le moral des investisseurs.

Alors que le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant déclarait hier aux soldats rassemblés à la frontière de la bande de Gaza qu’ils verraient bientôt l’enclave palestinienne “de l’intérieur”, laissant entendre qu’une offensive terrestre visant le Hamas pourrait être imminente, le président américain Joe Biden déclarait hier aussi, dans une allocution télévisée en ‘prime time’ depuis le Bureau ovale, que le monde faisait face à un “tournant” de l’histoire.

Côté économique, Jerome Powell a estimé hier, à l’Economic Club de New York, que la force de l’économie pourrait nécessiter de nouvelles hausses de taux, à deux semaines de la prochaine réunion de la banque centrale américaine. Sur l’ensemble de la semaine, le rendement des bons du Trésor à dix ans a pris 35 points de base, sa plus forte hausse hebdomadaire en plus de dix ans.

En Europe, les ventes au détail au Royaume-Uni ont baissé de 0,9% en septembre par rapport au mois précédent, un repli plus important que prévu. En revanche, sur le mois de septembre, les prix à la production en Allemagne ont enregistré leur plus forte baisse sur un an depuis que cette compilation de données a démarré en 1949, suscitant l’espoir d’un nouveau ralentissement de l’inflation dans la première économie d’Europe.

Le dollar demeure très fort même s’il a un peu lâcher du lest hier, l’euro clôturant à $ 1,0573.

Quant au pétrole, l’accord entre l’opposition et le gouvernement vénézuélien a amené les Etats-Unis à lever temporairement les sanctions touchant le secteur pétrolier vénézuélien. Ceci a fait quelque peu baisser les cours qui demeurent à des niveaux très élevés. Le baril de Brent a clôturé hier soir à $ 91,37 et le brut léger américain (WTI) à $ 88,41.

CACAO

On ne l’arrête plus ! Partie de £ 3 040 vendredi dernier, la tonne de cacao a clôturé hier soir à £ 3 205 sur le marché à terme de Londres sur l’échéance mars. New York a connu la même folie, terminant hier soir à $ 3 648 sur l’échéance décembre, contre $ 3 499 en fin de semaine dernière.

Mais quelle mouche a piqué le marché ? La mouche de la gourmandise qui est capitale, et non seulement à l’Eglise catholique…. Ainsi, malgré des chiffres de broyages en baisse dans les pays traditionnellement consommateurs, le marché parie sur un déficit encore plus important qu’envisagé jusqu’alors car, en réalité, malgré la pression inflationniste, la demande en chocolats des consommateurs ne baisse pas autant qu’on aurait pu le craindre.

Curieux constat, pensez-vous, alors qu’hier tombaient -dans tous les sens du terme- les chiffres de broyages de fèves en Asie et en Amérique du Nord ? En effet, au troisième trimestre, les broyages de fèves en Asie ont chuté de 8,5%, à 211 468 t, a annoncé hier l’Association du cacao d’Asie, tandis que ceux en Amérique du Nord (Etats-Unis, Canada et Mexique) s’effondraient de 17,9%, à 97 881 t, selon la National Confectionners Association (NCA) (Lire :Les broyages de cacao en Amérique du Nord et en Asie s’effondrent de 8 et 18%). L’Europe avait, la semaine dernière, déclaré un glissement de 0,9%.

Si ces broyages en Europe, Amérique du Nord et en Asie ont longtemps été l’aune de la consommation mondiale de chocolat, les cartes sont en train d’être redistribuées à une cadence fantastique. Ainsi, les broyages en Côte d’Ivoire ont bondi de 10% sur la totalité de la campagne 2022/23, selon le Gepex, pour totaliser 706 556 t de fèves transformées. Le pays atteint quasiment sa pleine capacité industrielle installée de transformation du cacao qui est de 712 000 t par an. Au Brésil, cinquième marché mondial de chocolat, ses broyages ont augmenté de 3% au troisième trimestre à 64 024 t, avait annoncé le 10 septembre le groupe industriel AIPC. De janvier à fin septembre, ils ont progressé de 15% pour totaliser 190 466 t.

Alors, certes, le prix du cacao a augmenté et les grands confiseurs mondiaux, notamment américains, ne manqueront pas d’avoir la main lourde sur les autres ingrédients meilleur marché, comme les marshmallows, etc. afin de maintenir leurs marges. Mais il sera intéressant de voir en fin d’année de combien a réellement évolué la consommation de chocolat.

Autre question : cette chute des broyages va-t-elle faire chuter les cours ? Pas sûre du tout, selon les analystes, car les besoins de l’industrie en matière première cacao ne sont couverts que sur six mois. Par conséquent, toute baisse des prix ne sera que de courte durée car si les cours baissent, l’industrie achètera.

Comme le résume à Reuters un négociant : « Nous ne sommes pas à [ces niveaux de prix] en raison d’un faible [approvisionnement]. Le marché est fondamentalement haussier ».

Ceci dit, sur le terrain en Afrique de l’Ouest, on se bat… Les maladies dues aux pluies excessives, un manque d’engrais et de pesticides devenus trop chers et impropres, la crainte que le phénomène météorologique El Niño n’impacte fortement la récolte, sont autant de facteurs qui font craindre des baisses de production tant en Côte d’Ivoire qu’au Ghana.

En Côte d’Ivoire, si les arrivages aux ports d’Abidjan et de San Pedro n’ont totalisé que 64 000 t sur la semaine s’achevant le 15 octobre alors que ces volumes étaient de 84 000 t sur la même période la semaine dernière, les arrivages sur l’ensemble des 15 premiers jours d’octobre atteignent 115 000 t soit une hausse de 8,5% par rapport à la première quinzaine d’octobre 2022.

Pour sa part, l’Organisation internationale du cacao (ICCO) invite à la prudence dans les analyses et les conclusions tirées car le déficit mondial estimé de 100 000 t sur la campagne 2021/22 pourrait être exagéré. De surcroît, ces volumes pourraient se retrouver dans la campagne actuelle qui vient de démarrer.

CAFÉ

Les cafés sont aussi en hausse ! Le Robusta a clôturé hier soir à Londres à $ 2 402 la tonne alors qu’il était encore à $ 2 284 vendredi dernier sur l’échéance janvier, tandis que l’Arabica passait à New York de $ 1,549 à $ 1,6395 la livre (lb) sur décembre.

Selon le courtier StoneX, les fondamentaux -la situation entre l’offre et la demande- étaient plus favorables aux Robusta qu’à l’Arabica. En effet, El Niño risque de fortement impacter les pays asiatiques producteurs de Robusta, notamment le premier d’entre eux, le Vietnam. En revanche, les perspectives sont plutôt souriantes pour la production d’Arabica chez le géant brésilien où la météo est favorable avec une bonne pluviométrie.

BMI, une unité de Fitch Solutions, est également très positif quant aux évolutions des cours du Robusta en raison de l’impact d’El Niño sur le Vietnam surtout mais aussi parce que la demande pour du Robusta meilleur marché que le Robusta pourrait augmenter sir les conditions économiques se durcissent.

Les caféiculteurs au Brésil ne seraient pas pressés de vendre leurs grains car ils n’auraient guère besoins de liquidités actuellement, ont indiqué à Reuters des négociants. Ils précisent également que les volumes en vente actuellement ont été traités avec des engrais achetés à l’époque au prix fort, ce qui se répercute sur les prix demandés.

En Asie cette semaine, les volumes de transactions au Vietnam sont demeurés très faibles car les primes restent élevées et le café de la nouvelle campagne 2023/24 n’est pas encore disponible ; il ne le sera que le mois prochain, voire fin novembre. Les planteurs ont commencé à récolter des cerises déjà mûres mais les volumes sont encore limités. Dans la ceinture de production des Central Highlands, les planteurs ont vendu quelques lots entre 63 000 et 63 800 dongs le kilo ($ 2,56 à $ 2,60), en hausse par rapport à la semaine dernière (62 000 à 63 000 dongs). A l’export, le Grade 2, 5% brisures et grains noirs, a trouvé acheteurs avec une prime de $ 200 à $ 400 la tonne sur le contrat janvier à Londres.

En Indonésie, le Robusta de Sumatra a été offert cette semaine avec une prime de $ 580 sur le contrat de janvier à Londres, en hausse de $ 100 par rapport à la semaine dernière.

CAOUTCHOUC

L’embellie sur le marché du caoutchouc se confirme. Les cours devraient s’acheminer vers un deuxième gain hebdomadaire, après une hausse de 11,2% la semaine dernière. Sur l’Osaka Exchange, ils ont clôturé à 266,2 yens ($1,774) contre 256,9 yens vendredi dernier. A Shanghai, les cours sont en léger retrait passant de 14 770 yuans à hier 14 690 yuans ($2007,35). Si hier, les contrats à terme sur le caoutchouc japonais ont mis fin à une séquence de huit séances de victoires consécutives avec la prise des bénéfices des investisseurs, les solides données économiques de la Chine et les inquiétudes concernant l’offre soutiennent le marché.

L’économie chinoise a connu une croissance plus rapide que prévu au troisième trimestre, tandis que la consommation et l’activité industrielle ont également surpris à la hausse en septembre, suggérant que la récente vague de mesures politiques contribue à soutenir une timide reprise.

En outre, les pénuries potentielles de caoutchouc en Thaïlande mais aussi dans d’autres régions suscitent des inquiétudes persistantes qui pourraient conduire à réévaluer l’équilibre entre l’offre et la demande. « La production de caoutchouc chute au cours de la « haute » saison, ce qui laisse présager une incertitude potentielle sur l’approvisionnement à partir de fin janvier » indique Jom Jacob, chief analyst à WhatNext Rubber Media International. La période de production maximale de caoutchouc naturel court habituellement de mi-septembre à mi-janvier mais cette année, on n’observe aucune hausse saisonnière à la mi-octobre. La production baisse chez les principaux producteurs et exportateurs mondiaux. En Thaïlande, premier producteur et exportateur mondial, les pluies incessantes provoquent des interruptions d’exploitation et donc une diminution de la production. Les rendements pourraient également être affectés, souligne Jom Jacob, en raison d’une maladie fongique ainsi que les vagues de chaleur. Par rapport à octobre 2022, la production serait en retrait d’environ 10%. En Indonésie, la production de l’année en cours (2023) devrait baisser de 13% après une baisse de 13,2% l’année précédente. Tandis que celle de Malaisie devrait chuter de 10,4 % en 2023.

COTON

Peu d’évolution sur le marché du coton qui manque incontestablement de ressort. Seule une reprise de la demande pourrait être un signal d’un rebond du marché. Hier les cours ont clôturé sur l’ICE à 84,270 cents la livre contre 86,060 vendredi dernier. Les cours sont soutenus par une reprise de la demande, en particulier de la Chine.

HUILE DE PALME

Evolution mitigée du marché de l’huile de palme qui demeure presque inchangé mais a alterné hausse puis baisse avec une clôture hier sur la Bursa Malaysia Derivatives Exchange à 3 759 ringgits ($789,04) la tonne contre 3 733 ringgits vendredi dernier. Du côté du soutien, la faiblesse de la monnaie malaisienne mais aussi la vigueur des exportations et de la demande chinoise. Les exportations de produits malaisiens à base d’huile de palme entre le 1er et le 20 octobre ont augmenté de 9,9% selon Intertek Testing Services. En revanche la faiblesse des huiles végétales concurrentes pèse sur le marché.

En Inde, les importations d’huile de palme ont chuté de 26 % au mois de septembre par rapport au mois précédent, à 834 797 tonnes, soit le plus bas niveau en trois mois, la hausse des stocks ayant incité les raffineurs à réduire leurs achats, selon l’Association indienne des extracteurs de solvants (SEA). Les importations d’huile de soja ont légèrement augmenté de 0,1% à 358 557 tonnes et celles d’huile de tournesol ont diminué d’environ 17,8% à 300 732 tonnes.

Globalement, les importations d’huile végétale ont chuté d’environ 17% à 1,55 million de tonnes (Mt) par rapport aux achats record de 1,87 Mt du mois dernier. “L’Inde a importé plus que nécessaire en juillet et août, mais la demande au détail dans le pays est faible. Les raffineurs ont maintenant du mal à vendre l’huile importée“, a déclaré un négociant en huile alimentaire basé à Mumbai. Les stocks nationaux d’huile végétale ont bondi à 3,7 Mt au 1er septembre, contre 2,4 Mt il y a un an, selon la SEA. Les importations indiennes d’huile végétale en octobre pourraient encore diminuer en raison de la faiblesse de la demande au détail et du début du broyage de la nouvelle récolte de soja.

RIZ

Les prix à l’exportation du riz étuvé vers l’Inde ont baissé pour la troisième semaine consécutive en raison d’une demande atone, principalement en raison de la prolongation des droits d’exportation jusqu’en mars 2024. Évolution contrastée en Thaïlande et au Vietnam.

En Inde, les prix du riz étuvé 5 % sont tombés à $510-$520 la tonne contre $515-$525 la semaine dernière. “La semaine dernière, les acheteurs attendaient la décision du gouvernement concernant les droits de douane. Cette semaine, certains d’entre eux ont commencé à acheter après que le gouvernement ait apporté des éclaircissements. Cependant, la demande est encore bien inférieure à la normale“, a déclaré Akash Jhunjhunwala, un rizier basé à à Lucknow, Uttar Pradesh.

L’Inde a annoncé une prolongation jusqu’en mars 2024 des droits d’exportation de 20 %, qui devaient initialement expirer le 15 octobre. La semaine dernière, l’Inde a annoncé qu’elle maintiendrait le prix plancher du riz basmati jusqu’à nouvel ordre, car elle continue de restreindre les expéditions à l’étranger. Mais le pays a déclaré qu’il autoriserait l’exportation de riz blanc non basmati vers plusieurs pays en Afrique et Asie. Selon la Direction générale du commerce extérieur, l’Inde fournira 95 000 tonnes de riz blanc au Népal, 190 000 tonnes au Cameroun, 170 000 tonnes à la Malaisie, 295 000 tonnes aux Philippines, 142 000 tonnes chacune à la Côte d’Ivoire et à la République de Guinée et 800 tonnes vers les Seychelles. L’exportation se fera par l’intermédiaire de National Cooperative Exports Ltd, un organisme gouvernemental d’exportation créé en vertu de la loi de 2002 sur les sociétés coopératives multi-États (MSCS) pour exporter des produits agricoles et des articles connexes.

En Thaïlande, les prix Thaï 5 % ont également baissé à $575-$580 la tonne contre $580-$600 la semaine dernière.

Au Vietnam, les prix Viet 5 % ont progressé entre $625-$630 la tonne contre $615-$625 la semaine dernière. Une légère hausse impulsée par la fin des récoltes d’été et d’automne.

Le Vietnam a exporté 6,6 millions de tonnes (Mt) de riz pour une valeur de $3,66 milliards au cours des neuf premiers mois de 2023, selon le ministère de l’Agriculture et du développement rural. Il s’agit du chiffre le plus élevé depuis 34 ans. Le pays s’est fixé pour objectif d’exporter cette année entre 7,5 et 7,8 Mt, pour une valeur d’environ $4,3 milliards.

En Indonésie, la sécheresse prolongée due à El Nino va réduire la production du riz et conduire à une pénurie de riz à la fin de 2023. La production de riz est estimée au cours du quatrième trimestre à environ 4,78 millions de tonnes (Mt), soit 11% de moins qu’à la même période en 2022, selon une déclaration d’Amalia Adininggar Widyasanti, chef par intérim du bureau indonésien des statistiques (BPS). Elle a précisé que la pénurie de riz atteindrait 1,45 Mt. En conséquence, Jakarta importera 2 Mt de riz, dont environ 600 000 tonnes devraient arriver en Indonésie à la fin de l’année, principalement en provenance du Vietnam et de la Thaïlande.

SUCRE

Les sucres ont pris de l’embonpoint cette semaine ! Le roux coté à New York est passé de 27,03 cents la livre (lb) vendredi dernier à 27,29 cents hier soir sur l’échéance mars. Quant au sucre blanc, la tonne a gagné $ 10 sur la semaine, passant de $ 727,30 à $ 737,80 sur l’échéance décembre.

On s’inquiète des retards d’expéditions au Brésil. « De fortes pluies ralentissent le chargement des navires aux ports, ce qui devrait repousser certaines expéditions prévues en octobre à novembre », a écrit ING dans son rapport hebdomadaire. « Ces retards logistiques arrivent à un moment où l’approvisionnement du marché mondial est une source de préoccupations car on s’attend à une production en Inde et en Thaïlande encore plus faible qu’en 2023/24 ».

Mercredi, l’Inde a fait savoir par voie de notification fédérale, que l’interdiction d’exporter du sucre qui, jusque-là, couvrait la période du 1er octobre, démarrage de la campagne, au 31 octobre, était étendue dans le temps jusqu’à nouvel ordre. Le deuxième plus grand producteur mondial de l’édulcorant entend ainsi accroître ses disponibilités locales sur la campagne 2023/24 et stabiliser les prix durant l’actuelle saison des festivals lorsque la demande flambe traditionnellement. Rappelons que déjà en 2022/23, le pays avait limité à 6,1 Mt ses exportations contre 11,1 Mt la campagne précédente. Selon l’Indian Sugar Mill Association (ISMA), la production de sucre baisserait de 3,41% en 2023/24, à 31,68 Mt. Rappelons que sa consommation nationale est de 27 t.

On s’inquiète aussi de l’impact que pourrait avoir le phénomène météorologique El Niño sur les pays producteurs de sucre en Asie, notamment en Inde et en Thaïlande. En outre, les perspectives de production au Mexique ne sont guère favorables et ce pays est un fournisseur majeur du marché des Etats-Unis.

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