Côte d’Ivoire : l’expertise néerlandaise dans l’horticulture durable

 Côte d’Ivoire : l’expertise néerlandaise dans l’horticulture durable
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Fer Weerheijm, Agrifer : « Une production maraîchère locale pour une consommation locale »

Développée en 2019 par Agrifer et ces partenaires, l’école de formation pratique HortIvoire a pour objectif d’enseigner la pratique du maraîchage hors-sol. Cette technique culturale a le double avantage d’accroître les rendements agricoles mais aussi et surtout est plus respectueuse de l’environnement. Entretien avec Fer Weerheijm, fondateur d’Agrifer, organisation promotrice HortIvoire avec le soutien des Pays-Bas.

Quelle est la situation de l’horticulture en Côte d’Ivoire et l’expertise néerlandaise ?

 L’horticulture, plus particulièrement le maraichage, est difficilement praticable en Côte d’Ivoire. Il existe plusieurs défis. D’une part, nous avons la barrière climatique. La partie sud du pays est généralement moins humide. D’autre part, l’amplitude des températures entre le jour et la nuit est faible. Ceci donne beaucoup de feuilles et peu de fruits. Quant au nord, la région est en proie à des maladies bactériennes difficiles à maîtriser. Toute chose qui impacte négativement les rendements. Par conséquent, l’on est obligé d’importer environ 70% de la demande en légumes depuis le Burkina-Faso quand bien même la qualité n’est pas forcément garantie : 20 à 30% doit être jetée. Les pertes sont donc importantes. Il faut donc contourner ces difficultés en trouvant des méthodes et variétés adaptées aux réalités environnementales ivoiriennes. D’où l’intervention de Agrifer.

Qu’apporte précisément l’expertise néerlandais à la filière horticole ivoirienne ?

Selon les chiffres de la FAO, l’on récolte moins de 10 tonnes de tomates à l’hectare par an en Côte d’Ivoire, c’est-à-dire moins de 1 kg par m2 par an. Aux Pays-Bas, nous sommes à 80 kg par m2 par an. Depuis le début de nos opérations en 2015, j’ai initié la culture hors-sol qui permet aux petits producteurs de combattre les maladies bactériennes dans la terre avec de bons substrats. Mieux, nous procurons aux acteurs des semences de qualité supérieure ainsi que de l’engrais A et B développés par Agrifer. Toute la journée les plantes sont arrosées avec des minéraux sélectionnés. A cela s’ajoute le premier protocole néerlandais en Côte d’Ivoire que j’ai développé – qui a donné un résultat intéressant. Avec notre fournisseur Rijk Zwaan, nous avons aussi trouvé une variété de tomate à savoir ‘’Jarrah’’ qui est plus résistante et durable. Au chapitre employabilité, nous sommes 15 salariés à Agrifer avec trois succursales à Abidjan, à Korhogo et à Tiébissou.

Quel est votre lien avec HortIvoire qui a maintenant deux ans. Quel a été le rôle des Pays-Bas dans la création de cette école de formation horticole et comment est-il impliqué aujourd’hui ?

En 2019, au SARA, grâce à l’aide des Pays-Bas, plus particulièrement du Netherlands Enterprise Agency (RVO), j’ai pu effectuer une présentation de notre activité qui a eu un grand succès. Il m’a alors été demandé ce que je pensais nécessaire à la Côte d’Ivoire et j’ai suggéré la création d’école pratique. Ce fut la naissance de HortIvoire en décembre 2019. Il s’agit d’un partenariat entre Agrifer, qui donne une formation pratique et théorique, l’Institut National (ivoirien) de Formation Professionnelle Agricole (INFPA) et Rijk Zwaan, Van Iperen, Resilience et RVO. La formation d’HortIvoire est quasiment gratuit. Les apprenants restent un minimum de 3 mois jusqu’à 6 mois. Il y a 40 places mais actuellement on compte 20 apprenants. En réalité, il est difficile de trouver des apprenants. HortIvoire est un projet de quatre ans et subventionné à hauteur de 40% par les Pays-Bas, le reste par Agrifer et d’autres partenaires comme Van Iperen.

L’agriculture hors-sol est mise en avant chez HortIvoire. En quoi est-ce une réponse appropriée aux défis de l’horticulture en Côte d’Ivoire ?

Avec l’agriculture hors-sol, les racines ne sont plus dans la terre mais dans des pots avec des substrats. On ajoute la quantité précise d’eau et d’engrais nécessaire aux besoins de la plante. Si on compare ce type de culture avec celle de plein champ, pour un kilo de tomates, par exemple, on n’a besoin que de 10% de l’eau utilisée en plein champ. De la même façon, on utilise beaucoup moins d’engrais. Puisque les plantes sont bien nourries, elles sont plus résistantes contre les maladies et les ravageurs, plus productives et nécessitent, par conséquent, moins de pesticides. Dans la culture hors-sol, on arrive à 10 à 15 kg par m2 et par an de tomates. Ceci a une incidence importante sur la consommation locale. D’où notre slogan : une production locale pour une consommation locale. Nous sommes également moins dépendants de la météo et la production peut s’effectuer toute l’année. Enfin, c’est une façon beaucoup plus moderne et plus propre de cultiver des légumes. Le producteur travaille moins péniblement et est récompensé par de meilleurs rendements.

Pour les Pays-Bas, quels sont les objectifs d’HortIvoire et comment faites-vous pour vous assurer que ces objectifs seront atteints ?

Notre objectif est que chaque producteur parvienne à un revenu décent. Il est donc très important que les producteurs s’approprient cette technique hors-sol.

Comment des projets comme HortIvoire motivent-ils la jeunesse ivoirienne et surtout les femmes à s’intéresser à l’horticulture ?

Nous avons communiqué suffisamment sur les réseaux sociaux notamment Facebook. La GIZ allemande nous a également apporté son appui. Aujourd’hui bon nombre de coopératives réclament des formations à HortIvoire.

Quelle est l’importance de l’implication des entreprises horticoles néerlandaises en Côte d’Ivoire, notamment Resilience et Van Iperen dans ce partenariat public-privé ?

Agrifer n’a pas la capacité de mener tout seul à bien ce projet. Raison pour laquelle, en plus de l’aide financière de Van Iperen, nous avons le soutien et la coordination de Résilience. L’Ambassade des Pays-Bas à travers RVO nous accompagne également.

Quelles sont les opportunités pour les entreprises néerlandaises dans le domaine de l’horticulture durable de Côte d’Ivoire ?

Elles sont nombreuses quoique cela nécessite des investissements sur le long terme. Il faut être patient car, hormis ces questions de production, il nous faut des chambres froides, la chaîne du froid, l’emballage, un réseau de distribution, etc. Le retour sur investissement prendra quelques années, c’est certain. Mais je suis confiant.

Quand et pourquoi avez-vous créé le label « Sûr et Sain » ?

Il a été créé en 2022. Nous avons constaté que nos clients du hors-sol obtiennent de plus grands rendements, avec des plantes plus vigoureuses et des produits de meilleur goût. Nos clients de HortIvoire, satisfaits de nos produits et prestations, se sont interrogés sur le prix auquel ils pouvaient vendre des tomates de meilleure qualité. Face à cela, j’ai rempli un carton de 14 kg de tomates et je l’ai envoyé à un des plus gros importateurs de légumes afin d’avoir son avis. Il s’est montré enthousiaste sur la qualité des tomates, leur emballage, leur goût et leur respect de la durabilité. J’ai alors imaginé créer un label afin de distinguer ces produits plus sains, plus respectueux et plus frais, le label « Sûr et Sain ». Une fondation située aux Pays-Bas m’a aidé à le lancer.

Ceci renchérit le prix du produit à la vente ?

« Sûr et Sain » achète au producteur son produit premier choix presque deux fois plus cher qu’un produit du Burkina. Par conséquent, le consommateur paie deux fois plus cher ces tomates labellisées. Ceci dit, s’il achète un kilo de tomates importées du Burkina 700 francs CFA, il paie 7 000 francs CFA le kilo de tomates importées du Maroc et 1 400 francs CFA pour des tomates « Sûr et Sain ». Donc elles sont plus chères que les tomates « normales » qui viennent du Burkina mais toujours beaucoup moins chères que des tomates de qualité importées d’ailleurs et beaucoup plus fraîches.

Alors, certes, pour les vendeurs dans la rue, les tomates labellisées sont peut-être trop chères. Mais elles se vendent bien auprès des restaurants, des supermarchés, etc. En réalité, les débouchés sont bons. Actuellement, la demande dépasse les volumes de production ce qui envoie un bon signal aux producteurs. Car ils réalisent la nécessité de cultiver un produit de qualité, même du maraîcher, et cela justifie des investissements.

 

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