Le marché du coton peut-il se redresser après le choc violent de la Covid-19 sur la demande ?

 Le marché du coton peut-il se redresser après le choc violent de la Covid-19  sur la demande ?
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Le coton a été l’une des matières premières fortement impacté par la pandémie du Covid-19. Ce n’est pas tant au niveau des prix, qui se maintiennent aujourd’hui à un niveau « artificiellement » relativement élevé, mais à celui de la destruction de la demande. La  Covid-19 a frappé de plein fouet l’industrie textile mondiale et ainsi toute la chaîne d’approvisionnement et l’amont du coton. Alors même que le marché avait été auparavant passablement ébranlé par les dix-huit mois de la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis, qui a baissé en intensité avec l’accord dit de phase 1 conclu en janvier 2020.

Les dégâts se chiffrent en milliards de dollars et la sortie semble très incertaine. Le Comité consultatif international du coton (ICAC) vient de publier un rapport très riche et très complet sur les impacts potentiels du Covid-19 sur le secteur du coton, passant en revue les impacts sur les principaux pays producteurs de coton, sur l’industrie textile et toute la chaîne de valeur. Nous évoquons ci-dessous que certains aspects de ce rapport en particulier la situation en Afrique et l’industrie du textile, cliente du coton africain. Or, l’Afrique de l’Ouest exporte la majorité de son coton, l’industrie de transformation étant quasi inexistante.

Conséquence directe de la crise du coronavirus, le secteur textile mondial a vécu un véritable tsunami avec dans un premier temps une destruction de la demande suite aux mesures prises de confinement pour la moitié des habitants de la planète pour contenir la pandémie. Si les ventes sur Internet ont progressé  durant cette période, elles n’ont pas été suffisantes pour compenser les pertes des achats dans les magasins.

Allons-nous assister à un rebond de la consommation ? Il pourrait être faible compte tenu de la récession mondiale et des millions de chômeurs en perspective ! En période de crise, les dépenses d’habillement et de textile ne sont pas essentielles et donc non prioritaires. Selon Grand View Research, la production de textile en 2020 pourrait être réduite d’un tiers. D’ores et déjà la majorité des grandes enseignes mondiales d’habillement programment des fermetures de magasins.

Annulation de contrats pour des milliards de dollars

Parmi les pays les plus touchés par les annulations de contrats des grandes enseignes, qui représentent des milliards de dollars, nous retrouvons les grands ateliers du monde à savoir le Bangladesh, le Pakistan, l’Inde, la Chine, qui sont aussi les premiers clients du coton africain. Ainsi, selon la Bangladesh Garment Manufacturers and Exporters Association (BGMEA), des exportations de textiles d’une valeur de $3,11 milliards – 967 millions de pièces – ont été annulées par les principales marques, affectant 1 123 usines et 2,23 millions de travailleurs. Au Pakistan, les annulations de commandes de textiles sont estimées à $1,3 milliard, affectant des centaines d’usines et des millions de travailleurs. Les estimations de l’Indian Clothing Manufacturing Association montrent que l’industrie indienne a subi des pertes de $13 milliards à la suite de la fermeture et des annulations de commandes. Les usines textiles chinoises reprennent leurs activités, mais tout porte à croire qu’elles ne fonctionnent qu’à environ 30% de leur capacité. Le Vietnam, l’Indonésie, le Myanmar et d’autres pays sont confrontés à des annulations similaires. Les pertes pour l’industrie mondiale du coton sont estimées à $5 milliards.

Conséquence de l’effondrement de l’industrie mondiale du textile, la réduction du commerce mondial du coton estimée à 10% en 2019/20, la multiplication des défauts de paiement avec le négoce au premier plan – négoce qui pourrait subir des pertes entre $1-2 milliards -, et la baisse des cours mondiaux du coton, qui sont passés  de $80 cents la livre en décembre 2019 à 60 cents environ aujourd’hui. Sans noircir le tableau, il faut ajouter que les prix du polyester sont plus compétitifs que ceux du coton, avec selon les estimations de l’ICAC un gap de 25 cents la livre en 2019 qui grimperait à 30,7 cents la livre en 2020.

Les stocks s’accumulent en Afrique

Comme pour d’autres pays producteurs de coton, en Afrique les stocks s’accumulent. Les compagnies cotonnières en Afrique de l’Ouest ne parviennent pas à vendre le coton de la campagne 2019/20 avec la chute de la consommation mais aussi les achats privilégiés de coton américain par la Chine pour respecter l’accord de phase 1 signé en janvier dernier. En Côte d’Ivoire, l’Association professionnelle des sociétés cotonnières de Côte d’Ivoire (Aprocot-CI) estime que seulement 20% de la récolte a été vendue mi-juin. Selon un négociant, un peu plus de la moitié du coton du Mali serait expédié.

Avec la chute des prix mondiaux, les prix d’achat du coton aux producteurs ont été revus à la baisse dans les principaux pays d’Afrique de l’Ouest pour la campagne 2020/21 (Lire : Le Mali libère FCFA 35 milliards pour subventionner le prix du coton et Le prix au producteur de coton fixé à FCFA 240 le kilo au Burkina). Une chute toutefois amoindrie par le soutien des gouvernements. Cette baisse des prix conduira-t-elle les producteurs à moins semer de coton ? Les premières indications des sociétés cotonnières en Afrique de l’Ouest ne semblent pas aller dans ce sens avec des objectifs augmentés de production pour 2020/21. En outre, estime l’ICAC, « l‘appréciation du dollar américain profite aux producteurs, de sorte que les plantations de coton pourraient en fait augmenter en 2020/21 ».

Globalement, la diminution des superficies et de production mondiale de coton en 2020/21 devrait être beaucoup plus faible que celle de la demande de coton, et ce en dépit, de la baisse des prix. Car plusieurs pays, parmi les plus grands producteurs, comme les Etats-Unis, l’Inde ou encore la Chine, soutiennent le coton à travers des programmes gouvernementaux, limitant ainsi la baisse des superficies. Conséquence, le marché va être innondé de coton face à une demande encore timide et les prix vont restés sous pression. 

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