Journée mondiale du coton à l’OMC : le coton africain toujours prisonnier des subventions

 Journée mondiale du coton à l’OMC : le coton africain toujours prisonnier des subventions
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La première Journée mondiale du coton s’est déroulée lundi à Genève en Suisse au siège de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en partenariat avec la FAO, la Cnuced, l’ITC et le CCIC. Une journée qui a célébré cette matière première produite dans 75 pays à travers cinq continents et qui fait vivre des millions de personnes à travers le monde,  en particulier en Afrique où sa contribution à l’emploi, au PIB et aux recettes d’exportation est déterminante.

A l’origine de cette initiative, une demande formulée auprès de l’Organisation des Nations unies par le Bénin, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad. Ce sont ces quatre pays, connus sous le nom du groupe du C4, qui avaient lancé en 2003 à Cancun l’initiative sectorielle en faveur du coton dénonçant les subventions accordées au coton et demandant leur suppression progressive. Aujourd’hui encore à Genève, les pays du C4 ont réitéré leur demande d’un commerce plus juste. «Malgré ses qualités, notre fibre fait face à une concurrence féroce, notamment à cause du soutien interne estimé à $5,9 milliards en 2017/2018, que certains pays fournissent à leurs producteurs, ce qui entraîne la précarité de nos producteurs » a déclaré le ministre malien de l’Agriculture, Moulaye Ahmed Boubacar. Ajoutant « Nous demandons une application des règles du commerce international qui permette à chaque acteur de la filière cotonnière, quel que soit son pays d’origine, de gagner la part qui lui revient ». La ministre tchadienne du Commerce, Achta Djibrine, a exhorté « les membres de l’OMC à trouver des solutions aux réalités de millions d’Africains injustement privés du fruit de leur travail. Le Tchad est favorable à la combinaison d’une approche de commerce équitable et d’une aide au développement coordonnée, qui garantiront la durabilité des filières cotonnières et contribueront sans aucun doute au développement durable des pays africains ».

Plus de 15 années après, si on observe certaines avancées, la question des subventions est donc loin d’être résolue. Elles ont doublé sur la période écoulée soulignait l’ancien président de la session extraordinaire du Comité de l’Agriculture à l’OMC, Crawford Falconer tout en observant que depuis le monde avait changé avec notamment de nouveaux pays octroyant des subventions. Et force est de constater que le consensus entre d’un côté les pays dit développés,  les Etats-Unis et l’Union européenne, et de l’autre les nouveaux venus, la Chine et l’Inde en particulier, est à ce jour loin d’être atteint.

Passe d’armes

Si chacune des parties prenantes s’est montrée ouverte à la négociation, souhaitant redoubler d’efforts pour parvenir à des résultats pratiques sur le soutien au coton tout en exigeant plus de transparence, les déclarations faites lors de la séance au niveau ministériel « La voie à suivre pour les négociations sur le coton » soulignent l’étendue du chemin pour y parvenir.

Pour la Chine, la question des subventions est essentielle. « Les pays développés apportent un soutien énorme au coton de l’ordre $30 000 par habitant» a déclaré l’ambassadeur auprès de l’OMC Xiangchen Zhang. Ce soutien crée des distorsions sur le marché mondial et affecte les exportations des pays africains. Sans omettre le soutien des pays en voie de développement (PVD) au coton, l’ambassadeur a posé comme préalable à toute négociation du soutien interne l’élimination des subventions des pays développés et appelé à « un principe de responsabilité commune mais différencié ». Une position que partage aussi l’Inde qui ne bougera pas tant que les pays développés n’ont pas éliminé leur soutien. « L’Inde apporte un soutien aux petits exploitants mais cela n’a rien de comparable à celui des pays développés » remarque la suppléante de l’ambassadeur Deepak. Pour elle, le soutien par agriculteur est de $260 par an en Inde, contre $60 000 aux Etats-Unis, $18 000 au Canada et $11 600 dans l’Union européenne. Du côté des Etats-Unis, l’ambassadeur auprès de l’OMC, Denis Shea s’est interrogé sur l’appui au coton de la Chine et de l’Inde. « $8 milliards pour l’Inde contre $8 millions pour les Etats-Unis » a-t-il fait remarquer. Il a aussi réitéré la position des Etats-Unis de lier les négociations sur le coton à celles sur l’agriculture.

Une passe d’armes entre ces différents pays au centre des négociations sur le coton qui ne présage rien de bon pour la prochaine Conférence ministérielle de l’OMC, qui se déroulera en juin 2020 au Kazakhstan. Conséquence « Quand les éléphants se battent c’est l’herbe qui en soufre » faisait remarquer Baba Berthé, directeur de la CMDT au Mali. Quant au ministre burkinabè du Commerce, de l’Industrie et de l’artisanat, Harouna Kaboré, il ne cite pas un proverbe africain mais le maréchal de Louis XIV, Sébastien Vauban « Il n’existe pas de forteresse imprenable. Il n’y a que des attaques mal menées » et ajoute « Trouvons les bons angles ! ».

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