Frederick Kawuma : nouveau siège, nouveau Fonds, nouvelle mission café pour l’OIAC

 Frederick Kawuma : nouveau siège, nouveau Fonds, nouvelle mission café pour l’OIAC
Partager vers

Aujourd’hui, le siège de l’Organisation interafricaine du café (OIAC) est au troisième étage du bâtiment gouvernemental ivoirien de la Caistab. Créée le 7 décembre 1960 par 11 chefs d’Etat africains, l’OIAC est l’une des toutes premières organisations intergouvernementales à avoir été créée en Afrique. Elle représente des millions de producteurs de café sur le continent, le café étant l’un des principaux piliers de nombreuses économies du continent. Pourtant, l’Organisation est peu visible, ce qui complique sa vocation à jouer un rôle actif dans l’amélioration de l’image du café africain. «C’est pourquoi un siège autonome est absolument nécessaire», explique le secrétaire général, Frederick Kawuma, à CommodAfrica. Et après des années d’attente, il semble toucher au but. Deuxième pilier de la stratégie du Dr Kawuma, un fonds africain pour le café est également mis en place pour financer des projets de café à grande échelle. Enfin, l’OIAC est sur le point d’intégrer l’organisation de l’Union africaine et de devenir son unité spécialisée sur le café, ce qui devrait lui donner davantage de capacités financière et politique pour mettre en avant le café africain alors que la consommation mondiale augmente. «Toutefois, l’OIAC ne considère pas l’UA comme une source de financement, car nous savons que la Commission est déjà confrontée à des problèmes financiers. Au lieu de cela, l’IACO s’appuiera sur différents partenariats pour financer la transformation de l’industrie du café en Afrique» , tient à préciser de suite le patron de l’OIAC.

 

L’OIAC veut construire une nouvelle image du café africain afin de lui donner un coup de pouce. Comment vous y prenez-vous ?

Lorsque je suis arrivé à l’Organisation interafricaine du café (OIAC) en 2013 et que j’ai constaté que son siège se trouvait dans le bâtiment de la Caistab, au ministère de l’Agriculture de Côte d’Ivoire, depuis presque 40 ans, j’ai pensé qu’il n’était pas approprié pour une organisation telle que l’OIAC de ne pas avoir son propre domicile. J’ai donc demandé au gouvernement de Côte d’Ivoire si nous pouvions avoir un terrain pour installer notre propre siège. Ce fut un long débat jusqu’à la décision prise en Conseil des ministres le 1er juillet 2015 de nous attribuer un terrain de 6 000 m2. Peu après, nous avons reçu l’attestation de la présidence de la République.

 

Avec cette réalisation, nous avons commencé à rechercher des partenaires potentiels qui pourraient venir à nos côtés pour réaliser ce projet. Tout d’abord, j’avais besoin d’un architecte. Mais les architectes que nous avons contactés souhaitaient que nous disposions de l’argent dès le départ. Mais nous n’avions pas d’argent ! Enfin, un architecte, un jeune homme de Côte d’Ivoire, Cedric Kouassi, a manifesté son intérêt. Je lui ai fait part de mon concept et il a proposé différentes permutations. Nous sommes finalement tombés d’accord sur un et il a proposé un design. Le concept visait un bâtiment écologique: générer de l’électricité à partir du soleil abondant d’Abidjan grâce à l’utilisation de la technologie photovoltaïque, réutiliser et purifier l’eau utilisée dans le bâtiment et recycler tous les déchets générés.

Le projet a été présenté à l’assemblée générale annuelle de l’IACO en novembre 2015 à Luanda, en Angola, et a été approuvé par les membres. Le concept que j’avais dans le business plan était de trouver un partenaire avec lequel nous serions d’accord pour un accord de construction-exploitation-transfert (BOT) afin de créer ce bâtiment qui abriterait sur trois étages notre siège social, le reste du bâtiment devant être géré par le partenaire. Le loyer de l’immeuble serait affecté au service du prêt contracté par notre partenaire.

Le bâtiment a deux tours: l’une de 15 étages et l’autre de 20 étages. Dans la conception, je voulais un centre de conférence avec un auditorium principal pouvant accueillir 1800 personnes et un plus petit de 1300 places. Il y aura un centre commercial et les partenaires avec lesquels nous avons parlés voudraient convertir une des tours en un hôtel. IACO donnerait l’hôtel en bail à l’opérateur.

Tous les revenus générés par ces activités iraient au service du prêt que le partenaire prendra pour financer ce projet.

Création du Centre africain du café pour l’excellence

Dans ce centre commercial, envisagez-vous de créer un magasin qui présente et vend les cafés d’Afrique ?

Ce sera un centre commercial et nous essaierons d’attirer des entreprises pour qu’elles prennent des espaces. Parce que c’est un investissement. Espérons qu’une des sociétés vendra du café qui fournira du café de différents pays africains producteurs.

Actuellement, vous restez en attente du seul titre de propriété du gouvernement de la Côte d’Ivoire ?

Oui. Et ce certificat du titre foncier devrait nous être donné bientôt. L’architecte a mené les différentes études requises pour le permis de construire parce que notre partenaire veut que nous nous occupions de tout ceci. Mais tout cela sera mis en place très bientôt. Une fois que cela sera fait, le partenaire dirigera le reste du processus.

Quand la construction doit-elle commencer ?

Nous espérons que les travaux démarreront un peu plus tard cette année et qu’en début d’année prochaine, les travaux de construction seront bien avancés.

Pourquoi est-il si important que l’OIAC ait son propre bâtiment ?

Imaginez: c’est l’une des plus anciennes organisations intergouvernementales d’Afrique, créée en 1960. Elle représente une industrie qui était au cœur de l’économie de nos pays africains : le café! Et il n’a pas de maison, pas de place, pas de visibilité.

Il est donc essentiel pour nous d’avoir ce bâtiment pour qu’il devienne le centre d’excellence africain pour le café. Nous aurons un laboratoire moderne qui sera en mesure de faire toutes les analyses de café, les gens pourront envoyer des échantillons pour analyse ; tous types d’analyse seront possibles. Nous aurons également un centre de formation pour l’Afrique. Ce sera, effectivement, le Centre d’excellence du café africain.

Avoir un siège pour l’Organisation devrait pouvoir montrer au reste du monde que c’est là qu’on peut venir et voir les cafés africains.

Quatre piliers du Fonds africain du café

Vous travaillez également au lancement d’un Fonds du café ?

Oui. L’autre vision que j’ai eue est la création d’un fonds (le Fonds africain du café) qui contribuerait au développement de la chaîne de valeur du café africain. Encore une fois, nous avons ce projet depuis longtemps et finalement, nous avons conclu un accord avec l’Afreximbank pour nous soutenir dans le processus. Ils hébergeront le Fonds et nous aideront à lever des capitaux ainsi qu’à gérer le Fonds.

Nous avons convenu de tenir une conférence des donateurs qui se tiendra en septembre de cette année à Nairobi, car l’actuel président de l’IACO est le ministre de l’Agriculture du Kenya. Son ministère coordonne la tenue de cette conférence. Une fois la conférence des donateurs achevée et que nous aurons une indication du niveau d’engagement de tous les différents partenaires, nous finaliserons le business plan pour mettre en place le Fonds.

Ce Fonds interviendra autour de quatre piliers d’action. L’un consiste à créer une chaîne d’approvisionnement régional en café durable. Nous commencerons par la transformation des systèmes de production de café. Aujourd’hui, la majeure partie de notre production est effectuée par de petits agriculteurs de subsistance. Nous voulons donc renforcer leurs capacités afin qu’ils puissent passer d’une agriculture de subsistance à une orientation plus commerciale. Nous cherchons à développer les compétences entrepreneuriales et à amener les agriculteurs dans des organisations viables, qui ont une bonne gouvernance et qui peuvent contribuer à faire progresser la filière : là où il n’y a pas de coopératives, nous soutiendrons leur création. Grâce à ces coopératives, les agriculteurs recevront une formation, des services, etc.

Le deuxième pilier concerne la création de la demande, les liens avec le marché et les investissements. La promotion de la consommation intérieure en Afrique est essentielle. Nous voulons promouvoir la transformation de la chaîne de valeur en Afrique, en aidant à renforcer les capacités de ceux qui veulent installer des cafés, des petites torréfaction, etc., et ceux qui produisent du café pour la consommation dans les marchés locaux de chacun de nos États membres.

Le troisième concerne la durabilité environnementale : comment amener nos systèmes de production de café à s’adapter au changement climatique et à tous les défis auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui? Nous visons à transformer les pratiques actuelles pour nous aligner sur ce qui préservera l’environnement. Nous soutiendrons les efforts de recherche à cet égard, nous examinerons diverses options permettant de renforcer cette capacité.

Le quatrième pilier porte sur l’information. La diffusion d’informations et la communication d’enseignements, le partage d’expériences et d’outils ainsi que la création de partenariats sont plus urgents que jamais. Il y a beaucoup d’informations à rassembler et à partager. L’Afrique a un gros problème de collecte de données. Nous voulons donc nous concentrer sur la façon dont nous pouvons améliorer nos systèmes de collecte et de diffusion de données. Avoir ces données aide les agriculteurs et les consommateurs.

$ 950 millions pour transformer la filière

Dans tout cela, nous souhaitons accorder une attention particulière à un programme clé, à savoir l’autonomisation des femmes. Parce que nous savons qu’elles sont les principales forces motrices de ce secteur en Afrique. Nous savons que l’agriculture emploie 70% de la main-d’œuvre en Afrique et que la majorité est constituée de femmes. Nous aurons donc plusieurs projets émanant d’organisations souhaitant y participer avec des propositions qui seront financées dans ce domaine.

 

Nous examinons également l’autonomisation des jeunes. Comment les responsabilisons-nous, comment les aidons-nous à entrer dans la chaîne de valeur du café ? L’un des objectifs est donc de rendre l’industrie du café attrayante. Différentes choses sont à faire. Aujourd’hui, nous visons la production, mais il y a probablement beaucoup plus que cela comme les jeunes qui veulent faire du café un business, nous voulons renforcer les capacités des jeunes entrepreneurs du secteur du café, nous voulons soutenir la recherche dans les utilisations alternatives du café afin que les gens puissent examiner toutes les options dans l’agro-industrie du café.  Par exemple, j’ai parlé à un jeune homme au Rwanda qui produit du savon aromatisé au café. C’est intéressant, c’est une innovation. Nous voulons donc encourager les jeunes à proposer différentes innovations autour du café et à examiner l’ensemble de la chaîne de valeur, de la production à la consommation finale.

 

Voilà donc quelques-unes des choses que nous examinons et la Facilité africaine du café nous aidera à faire face à la transformation de la chaîne de valeur du café africain.

 

Quel sera le montant du Fonds ?

À l’origine, nous avions évoqué $ 150 millions, estimant que cela permettrait de catalyser l’ensemble du processus. Mais en discutant avec l’Afreximbank, ils nous ont dit que ce montant était trop peu élevé pour transformer la filière. Nous avons donc considérablement augmenté le chiffre et nous le présenterons à nos partenaires à Nairobi pour voir quelle sera la participation.

 

Ce mécanisme s’étalera sur 10 ans et nous espérons pouvoir mobiliser jusqu’à $ 950 millions pour soutenir cet effort et voir ensuite comment on peut aller plus loin. En mars 2018, les chefs d’État africains ont signé un accord visant à créer la Zone de libre-échange continentale (ZLEC), qui devrait transformer le commerce intra-africain. Nous savons que le café sera l’un des produits agricoles phares commercialisés dans le cadre de cette zone de libre-échange, et le Fonds africain pour le café soutiendra les entrepreneurs qui souhaitent vendre du café en tant que produit fini. Cela aura un impact transformateur sur nos petits producteurs pour lesquels un meilleur accès aux marchés conduira à de meilleurs moyens de subsistance et sera essentiel pour réduire la pauvreté rurale.

 

Autres Articles

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *