La Chronique Matières du Jeudi (17 septembre 2015)

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Durant une partie de la semaine, les marchés des matières premières ont été en attente de l'annonce hier soir par la Réserve fédérale américaine d'une hausse ou non des taux d'intérêt actuellement proches de 0%. Finalement,après la fermeture des marchés, la décision d'un statu quo des taux est tombée. De nombreux analystes misaient sur leur relèvement car la croissance américaine est au rendez-vous (+2,1% en prévision sur le 4ème trimestre) depuis 2009 (croissance moyenne annuelle de 2,1%), le taux de chômage (5%) au plus bas depuis 2008, l'inflation frise la déflation, attendue à 0,4% en 2015, la consommation des ménages et les investissements sont en hausse. Mais la Fed n'a pas, pour autant, joué la carte de l'optimisme, révisant  à la baisse ses perspectives de croissance américaine à long terme face à un  contexte économique international jugé fragile : ralentissement économique de la Chine, nervosité des marchés financiers. Le souvenir du krach boursier du 24 août et la chute des marchés financiers asiatiques ont conduit la Fed à la prudence. Si les taux avaient été relevés, cela aurait été la première fois en près d'une décennie.

La décision de la Fed a fait baisser de suite le dollar face aux autres devises ce qui, mécaniquement, devrait entrainer les prix des matières premières à la hausse. Car la plupart de celles-ci sont cotées et se négocient sur les marchés internationaux en billet vert. La baisse de valeur du dollar signifie donc que les matières premières sont moins chères pour tous ceux travaillant en devises autres que le dollar.

CACAO

Le cacao a terminé la semaine en hausse de £ 8, à £ 2 197 la tonne sur le marché à terme de Londres mais a perdu une dizaine de livres depuis la fin de la semaine dernière.

Côté pays producteurs, le Ghana a signé jeudi son prêt annuel de préfinancement de la campagne à venir 2015/16 qui devrait démarrer fin septembre-début octobre. Un prêt syndiqué qui témoigne de la confiance du secteur bancaire international à l'égard du Ghana malgré ses crises financières et une production cacaoyère en baisse de 23% cette campagne 2014/15 par rapport à 2013/14. En effet, $ 1,8 milliard (près de € 1,6 milliard) lui a été accordé par un pool bancaire constitué de 23 établissements financiers. Non seulement le montant est plus élevé que l'année dernière ($ 1,7 milliard) mais il a  été sursouscrit de 40%, à $ 2,6 milliards.

En Côte d'Ivoire, à un peu moins de deux semaines de l'ouverture de la prochaine campagne cacaoyère 2015/16, la météo est de la partie : ensoleillement et pluies sont très bénéfiques à l'évolution de la cacaoculture et compenseraient quelque peu la faiblesse pluviométrique du début d'année. La prochaine campagne 2015/16 devrait démarrer début octobre.

En cette fin de campagne 2014/15, les arrivages de fèves aux ports d'Abidjan et de San Pedro sont très soutenus, de l'ordre de 16 000 tonnes (t) pour la semaine du 7 au 13 septembre, selon les estimations des exportateurs, contre 12 000 t sur la même semaine l'année dernière. Au total, depuis le démarrage de la campagne 2014/15, le 1er octobre dernier, les arrivages ont totalisé 1 748 000 t contre 1 719 000 t à pareille époque l'année dernière.

Côté entreprises et en bref, le suédois AAK AB a lancé une nouvelle formule pour la fabrication du chocolat, Tropicao, destinée aux climats chauds ; la Cour de Justice européenne a débouté Nestlé de sa demande de considérer la forme des barres de chocolat KitKat comme une marque pouvant être protégées  de la concurrence.

CAFÉ

L'Arabica est demeuré stable, pris en étau entre un temps très sec au Brésil et les ventes en quantités non négligeables, les producteurs brésiliens voulant profiter de la faiblesse compétitive de leur monnaie, le real, et subissant la pression de la récolte qui rentre. Après avoir touché la semaine dernière un plus bas en 20 mois, à $ 1,16, l'Arabica a terminé en légère hausse hier soir, à $ 1,16 la livre. En revanche, le Robusta a baissé, à $ 1 564 la tonne.

Des marchés à terme qui sont actuellement interpellés par les négociants en café pour créer un contrat à terme Robusta "free on truck" afin d'aider les petits intervenants sur le marché face aux gros.

Sur le marché du physique, de mémoire de négociant, on ne se souvient pas avoir constaté un tel écart de prix entre les gros et moyens grains de café de qualité identique du Brésil que celui constaté cette semaine. Le grain 17/18, d'une taille allant de 6,7 mm à 7,1 mm, s'est négocié à 20 cents la livre ex-dock au dessus du prix du contrat Décembre sur le marché à terme de New York, contre 1 cent de prime pour le grain de même qualité mais dont la taille est de 5,6 à 6,3 mm. Le spread, ou le différentiel, entre les deux atteint donc 19 cents… Du jamais vu !

Cette surcote des très gros grains provient d'une offre restreinte, tout d'abord car la récolte tire à sa fin au Brésil, d'autre part car la sécheresse qui a sévit en début d'année était, certes, moins importante que celle en 2014, mais a impacté tout de même le développement des caféiers. Deuxièmement, ce prix élevé provient aussi d'une demande en hausse. Auparavant, les très gros grains étaient demandés par une poigné de torréfacteurs, essentiellement européens. Aujourd'hui, la demande s'est élargie, les Américains en devenant très friands aussi.

La différence entre les deux tailles de grains? Certes, les plus gros grains peuvent être plus goûteux. Mais c'est essentiellement le facteur esthétique qui pousse la demande, les torréfacteurs préférant, à l'œil, offrir de beaux, gros, grains.

Concrètement, quelle incidence cela a-t-il ? Peu pour les torréfacteurs car ils ont déjà couvert leurs besoins, payant avant cette hausse des différentiels. Les grands perdants sont les exportateurs et importateurs qui, eux, doivent acheter maintenant pour honorer leurs contrats avec les torréfacteurs.

En Afrique, le prix de l'Arabica au Kenya a légèrement baissé mardi aux ventes aux enchères de Nairobi. Le Grade AA s'est vendu entre $ 141 et 264 la sac de 50 kg, soit un prix moyen de $ 230,54, contre une fourchette de $ 158 à 270 la semaine précédente. Quant au Grade AB, le sac de 50 kg a trouvé preneur entre $ 125 et 244, soit un prix moyen de $ 216,40, contre $ 126-242 la semaine précédente.

Quant au Robusta au Vietnam, le premier producteur mondial a exporté 92 600 t (1,54 million de sacs de 60 kg) au mois d'août, soit une baisse de 13,6% par rapport à juillet, a annoncé les douanes vietnamiennes mercredi. Ceci porte le total exporté depuis le mois de janvier à 879 400 t, en chute de 32,2% par rapport aux 8 premiers mois en 2014.

Aux Etats-Unis, les stocks de café au mois d'août ont continué à grossir pour le cinquième mois consécutif. Ils atteignent 6,1 millions de sacs de 60 kg, leur plus haut en 12 ans, ayant augmenté de 239 814 sacs sur ce seul mois d'août.

CAOUTCHOUC

Le marché du caoutchouc était plutôt haussier ces deux derniers jours toutefois les gains ont été plafonnés, les investisseurs attendant l’issue de la réunion de la Réserve fédérale des Etats-Unis. Mercredi, les cours ont été portés par la hausse du marché des actions à Tokyo et Shanghai tandis qu’aujourd’hui ils ont été soutenus par la flambée des cours du pétrole et du cuivre. Le contrat pour une livraison en février a clôturé jeudi à 176,2 yens ($1,46) le kilo.

La production de caoutchouc en Inde aurait progressé de 8% en août pour la première fois dans l’année fiscale pour atteindre 55 000 tonnes. La production sur les cinq premiers mois continue  néanmoins d’être inférieure de 11% à la même période en 2014. La hausse du mois d’août serait consécutive à la mise en place d’un programme de subvention par le gouvernement du Kerala, région qui produit environ 90% du caoutchouc.  Mais les négociants et producteurs doutent des chiffres annoncés par le Rubber Board. Un des plus important négociant en caoutchouc estime que la production aurait baissé de 10% en août. La consommation aurait légèrement augmenté de 1% et les importations chutées pour le deuxième mois consécutif d’environ 32%.

COTON

Après une chute lundi, provoquée par la « digestion » du rapport de l’USDA sur l’offre et la demande publié vendredi dernier, le marché peu animé n’a guère évolué.

Un rapport qui souligne de fortes inquiétudes sur la demande, le taux de croissance de la consommation mondiale étant ramené à 1,7%  contre 2,5% dans la précédente estimation. Si l’Asie du Sud et du Sud-Est continue d’avoir des  taux de croissance supérieur à la moyenne mondiale, ils sont bien en dessous de ceux de  l’année dernière. C’est particulièrement vrai pour l’Indonésie, l’Inde et la Thaïlande. D’autres régions pourraient être touchées en particulier les Amériques, avec des conditions économiques incertaines  au  Brésil par exemple. La consommation chinoise est inchangée. L’USDA a donc réduit  ses prévisions de demande de plus d’un million de tonnes. « L’accumulation des stocks de fils, les marges réduits sur les fils  et des incertitudes concernant la croissance des revenus dans les pays en développement sont révélateurs des défis auxquels fait face actuellement la consommation mondiale de coton. Toutefois, les indicateurs macroéconomiques mondiaux sont toujours positifs » indique le rapport. Les prévisions sur les  stocks de clôture à la fin 20156/16 ont été relevées de 1,21 million de balles. Plus spécifiquement sur les Etats-Unis, l’USDA a relevé la production de 400 000 balles et les exportations de 200 000 bales.

De son côté la banque néerlandaise Rabobank conserve une image favorable des cours du coton par rapport à leur niveau actuel et envisage de nouvelles possibilités de révision à la baisse des niveaux de production hors des Etats-Unis, mentionnant notamment les productions chinoises et indiennes.  En outre, El Nino demeure un risque pour la production mondiale de coton, et pas seulement en Inde mais aussi sur la côte Est de l’Australie. 

Les importations de coton de Chine en août se sont écroulées à 70 000 tonnes,  le plus bas  niveau mensuel depuis plus de 10 ans. Elles sont inférieures de  65,8% par rapport à août 2014, selon le  site Cncotton.com citant des données douanières.

En Angola, la relance de la production cotonnière à Sumbe dans la province de Kwanza-Sud devrait démarrer en janvier 2016. Le projet-  financé à hauteur de $15, 981 millions par un prêt du gouvernement sud-coréen et $ 14,756 millions par le budget de l’État angolais –porte sur 2 824 hectares qui devraient être ensemencés en coton et autres cultures en janvier.

HUILE DE PALME

Les cours de l’huile de palme ont chuté jeudi sous la prise des bénéfices des investisseurs après une hausse du marché ces dix derniers jours et le renforcement du ringgit. Le contrat de décembre a clôturé à 2168 ringgits ($500,71) la tonne, perdant 2,9%. Les prix de l’huile de palme avaient progressé de près de 8% depuis le début du mois, stimulés par la vigueur des exportations. Sur la première quinzaine de septembre, les exportations malaisiennes ont augmenté de 6,9% par rapport au mois  dernier, selon Intertek Testing Services.

Toutefois, les stocks en Malaisie ont cru de 10% en août pour atteindre 2,49 millions de tonnes. Une augmentation légèrement  plus forte que la tendance saisonnière. La demande de l’Inde, premier consommateur mondial, est ralentie. Mais la perspective de la  fête hindoue Diwali  devrait faire revenir l’Inde aux achats en octobre

RIZ

Cette semaine peu d’évolution sur les prix riz vietnamien tandis que ceux du thaïlandais se sont contractés dans un contexte marqué par un affaiblissement du bath et avant l’appel d’offres des Philippines. Le Viet 5% s’échangeait à  $ 325- $ 330 la tonne, contre $ 320- $ 335 au début de la semaine, tandis que Thaï 5% se négociant à $ 340- $ 348 la tonne contre  350 $ -355 $.

Les Philippines envisagent d'acheter plus de riz que les  750 000 tonnes d'importations de l’appel d’offres qui se clôture aujourd’hui afin de renforcer ses stocks en baisse suite au temps sec provoqué par le phénomène El Nino.

Les exportations de riz du Vietnam ont diminué de 9,7% à 4,05 millions de tonnes sur  les huit premiers mois de 2015 par rapport à la même période l’année dernière selon le service des douanes du Vietnam.

SUCRE

Comme sur les autres marchés des matières premières, le sucre roux coté à New York a terminé hier soir, jeudi, stable, à 11,44 cents la livre,  dans l'attente de la décision de la Réserve fédérale sur les taux d'intérêt américains. A Londres, le sucre blanc a terminé en légère baisse, à $ 354,70 la tonne. Hormis la décision, ponctuelle, de la Fed, les deux facteurs qui continuent d'impacter les cours du sucre, blanc comme roux, ce sont les fluctuations de devises et la météo. La baisse du dollar depuis l'annonce de la Fed hier soir devrait être un facteur haussier pour les cours du sucre.

Le temps sec en Asie et en Amérique centrale inquiète les observateurs du marché du sucre. Selon INTL FCStone, basé au Brésil, le déficit en 2015/16 (octobre/septembre), le premier depuis 2009/10, serait de 3,8 millions de tonnes (Mt) face à un excédent de 900 000 t cette campagne 2014/15. L'analyste estime la production mondiale à 180,5 Mt , en baisse de 0,8% par rapport à 2014/15.

Aux Etats-Unis, le Département du Commerce a réaffirmé jeudi que le Mexique a bel et bien subventionné le prix vendu aux Etats-Unis, constituant ainsi un cas de dumping. Ceci confirme donc ce que le Département avait soulevé il y a un an maintenant, le dossier d'enquête suivant son cours depuis lors. Une allégation démentie dès jeudi par le gouvernement mexicain.

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