Quand cessera l’effondrement du prix des noix de cajou ?

 Quand cessera l’effondrement du prix des noix de cajou ?
Partager vers

Dans le dernier rapport hebdomadaire du marché de l’anacarde du spécialiste N’kalô la semaine dernière, on lisait à peu près la même analyse de la situation dans chaque pays d’Afrique de l’Ouest producteur de noix de cajou : un manque de dynamisme des transactions au niveau de la ferme car, côté producteurs, les prix proposés sont trop bas et, côté acheteurs/exportateurs, leurs achats sont réduits, optant pour la qualité et donc bien souvent des noix entreposées, bien sèches par rapport à celles qui viennent d’être récoltées. Une situation d’autant plus critique que nombre de producteurs ont fini de récolter et les stocks sont importants, mais guère surprenante étant donné l’effondrement des prix tant bord champ qu’à l’international.

Une situation très lourde dans les pays producteurs

Au Nigeria, par exemple, “la grande majorité des exportateurs ne passent plus de commandes et réexaminent le marché“,  constatent sur le terrain les spécialistes de N’kalô qui relèvent la même situation un peu partout, notamment au Sénégal : “Certains gros acheteurs ont pris un peu de recul pour bien analyser leurs stratégies commerciales“, alors que “l‘offre est très bonne dans les villages et les marchés hebdomadaires.

En Côte d’Ivoire, “Les producteurs et acheteurs locaux détiennent des stocks importants sans trouver de preneurs.  Les acheteurs locaux qui sont actifs n’achètent plus sur fonds propres mais privilégient les dépôts ventes“, constate le service spécialisé de l’association nitidae, expliquant : “En effet, avec l’incertitude sur le marché du cajou au port où la demande est très faible et le refoulement des chargements qui s’accentue pour mauvaise qualité, tous craignent de perdre leurs fonds.” A noter qu’en Guinée-Bissau, la période des exportations a démarré samedi.

Les prix bord-champs oscillent dans une fourchette allant d’un plus bas de FCFA 75 le kilo en Côte d’Ivoire (contre un prix fixé au planteur à FCFA 375 le kilo cette campagne contre FCFA 500 la précédente) à un plus élevé de FCFA 350 au Sénégal et au Bénin. L’année dernière à pareille époque, cette fourchette allait de FCFA 400, toujours en Côte d’Ivoire, à FCFA 960 en Gambie.

Prix des noix de cajou d’Afrique de l’Ouest en avril 2018 et avril 2019

  Prix bord champ. F CFA/kg Prix CFR* noix cajou brute port Asie. US$/T Prix bord champ. F CFA/kg Prix CFR* noix cajou brute port Asie. US$/T
  26-avr-18 25-avr-19
Bénin / 1900-1950 150-350 1000-1100
Burkina 600-725 / 100-200 /
Côte d’Ivoire 400-550 1750-1850 75-150 900-1000
Gambie 900-960 2000-2150 / 1200-1300
Ghana 600-650 1750-1850 225-285 1000-1100
Guinée 420-470 / 130-255 /
Guinée-Bissau   2000-2150 / 1200-1300
Mali 500-625 / 100-150 /
Nigeria 530-645 1750-1850 235-275 900-1000
Sénégal 600-875 2000-2150 250-350 1200-1300
* CFR : Coût & Fret
Source : N’kalô, Bulletins sur le Marché de l’Anacarde, 26 avril 2018 et 25 avril 2019

 

Un marché mondial devenu spot

Côté marché mondial, “L’approvisionnement en noix brute importée du Vietnam sur avril et mai devrait être historiquement faible“, souligne N’kalô.

Une situation apparemment curieuse car d’aucuns auraient pu penser que ces prix d’achat de noix brutes si faibles attiseraient la demande. Mais les choses ne sont pas si simples, notamment en raison de la structuration de la filière noix de cajou au niveau mondial.

Le Vietnam a eu une bonne production l’année dernière et dispose de stocks abondants de noix brutes et d’amandes en entrée d’usine comme en sortie d’usine“, explique à CommodAfrica Pierre Ricau, market analyst du service n’kalô. “De l’autre coté, avec la chute des prix depuis l’année dernière, de nombreux traders ont fait faillite ou sont en mauvaise posture et ont, par conséquent, énormément réduit leurs achats. De leur côté, les transformateurs passent très peu de commandes de noix brutes africaines jusqu’à présent et lorsqu’ils le font c’est sur du spot, du court terme. Ainsi, ils n’ont pas de visibilité sur les prix à trois mois donc ils réduisent au maximum leur approvisionnement. Cela va peut-être démarrer dans une ou deux semaines mais pour l’instant c’est très très faible.

Un problème inhérent à la structure de la filière

En un an , les prix d’achat des noix brutes ont été divisées par 5, “voire par 10 dans certains pays“, précise Pierre Ricau.  Mais, à de tels prix, la demande ne devrait-elle pas reprendre ?

“Oui”, souligne l’expert, “mais le problème de cette filière est le timing. La chaîne est très longue entre le consommateur et le producteur, avec une grande diversité d’acteurs  et l’Asie au milieu ! La chaîne est un peu brisée. C’est-à-dire que, pour l’instant, il y a des stocks au milieu de la chaîne et, par conséquent, les importateurs européens ou américains ne se soucient guère de la situation.  Il passent des commandes normales mais pas de grosses commandes sur le long terme car ils se disent que ça peut encore baisser.  Au milieu de la chaîne on trouve les transformateurs qui sont financièrement mal car ils ont enregistré de lourdes pertes financières l’année dernière et doivent les couvrir.  Les banques ne les financent plus vraiment ou leur octroient des lignes de crédit plus réduites.”

Des prix attendus en hausse dans 5 à 6 mois

Et Pierre Ricau de poursuivre :  “Donc tout le monde travaille à court terme. Or, dans cette filière, pour que le pipe soit plein entre le producteur et le consommateur, il faut un peu d’engagement à moyen terme et donc assurer la sécurité de l’approvisionnement.”

Ainsi”, conclut l’expert de N’kalô, “ce qui n’est pas importé maintenant sera autant de volume qui se retrouvera en moins dans les usines dans trois mois et donc, de fait, en moins sur le marché mondial dans 5 à 6 mois. Et là, les cours vont remonter. Mais cette remontée ne sera pas nécessairement rapide car il y a de la bonnes disponibilités.”

Autres Articles

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *